Votre ouvrage s’intitule « Modèle universel de contrat d’affaires ». Comment pouvez-vous affirmer que votre Modèle de contrat est « universel » alors que tant de lois nationales sont susceptibles de régir le contrat d'affaires ?
Barthélémy Mercadal : Le Modèle de contrat d’affaires que je propose est universel pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il peut être utilisé pour tout contrat, quel que soit son objet ; il peut donc servir de régime de droit commun pour tout contrat spécial, tel la vente, la location, la fourniture d’une prestation de service, etc.
Ensuite, ce Modèle est utilisable en tout lieu, que ce soit en France ou à l’étranger, en ce sens que sa validité et son exécution forcée ne dépendent pas d'une loi nationale donnée. La validité d’un contrat établi conformément au Modèle dépend de la loi d'ordre public applicable devant le for sollicité pour obtenir la reconnaissance de sa validité et, par voie de conséquence, un titre exécutoire. L’exécution forcée de ce titre dépend, ensuite, de la loi d’ordre public du lieu où l’exécution forcée du titre exécutoire en cause est susceptible d’être demandée. Dès lors que ces deux lois acceptent l’exécution forcée du contrat, celui-ci produit ses effets.
L’efficacité d’un contrat établi conformément au Modèle universel ne dépend donc pas de la loi applicable désignée par le contrat ou résultant du jeu de la règle de conflit de lois. Si la conformité à cette loi est contraire à l’ordre public du lieu où l’exécution forcée est recherchée, le contrat ne sera jamais exécuté, ce qui arrive en pratique comme le révèle le contentieux de l’exequatur.
En quoi le Modèle de contrat peut-il être utile aux entreprises ?
B.M. : Pour élaborer le Modèle de contrat, je me suis référé aux dispositions du Code civil français. L’avantage de cette démarche est que sont proposées sous forme de clauses toutes les obligations des cocontractants. Autrement dit, le Modèle permet aux rédacteurs de contrat de ne rien oublier, d’envisager toutes les phases de la relation contractuelle entre les parties.
Par ailleurs, les entreprises ne sont pas obligées de placer leur contrat sous une loi nationale désignée. Le Modèle de contrat permet donc l’économie du débat autour de ce choix et réduit d’autant les controverses entre les négociateurs sur le contenu des lois en discussion. La seule limite à ne pas franchir est celle de l’ordre public. Or, si l’on en juge à partir des décisions de justice venues à notre connaissance - comme il est exposé dans la partie de l’ouvrage consacrée à l’ordre public - l’ordre public, notamment dans un contexte international, apparaît très limité. C’est tout spécialement le cas de l’ordre public appelé à jouer en cas d’exequatur en France qui est, selon la formule de la cour de Paris, réduit à ce que cet ordre « ne peut pas souffrir ». On ne saurait mieux faire que d’inviter qui en doute de consulter le Mémento Francis Lefebvre Droit commercial (n° 16662), pour en prendre la mesure.
Certes, mais alors quel est l’ordre public à respecter ?
B.M. : Selon l'ordre juridique français, l’ordre public est défini par deux caractères : l’un est fonction de son aire géographique d'application et l’autre est fonction de l'intensité de sa force contraignante. Ainsi, l’ordre public est interne ou international selon que le contrat est interne à l’ordre juridique français ou est international.
L'ordre public interne, ou national, s'applique à tout contrat dont les éléments caractéristiques sont rattachés à l’ordre juridique français, autrement dit à celui de la République Française ; toute disposition qualifiée d'ordre public est alors applicable.
L'ordre public dit « international » est seulement celui que l'ordre juridique français considère comme devant être appliqué au contrat international, c'est-à-dire au contrat dont les éléments caractéristiques ne sont pas tous rattachés à l’ordre juridique français notamment au contrat qui intéresse le commerce international ; il est désigné par les tribunaux français comme « l’ordre public international français ».
Par ailleurs, l’ordre public peut être de protection ou de direction en fonction de l’intensité de sa force contraignante et des intérêts à protéger. L’ordre public de protection préserve un intérêt particulier contre les faiblesses que pourrait présenter un contractant par rapport à son cocontractant ; il ne peut être invoqué que par le contractant protégé ; ce dernier peut y renoncer seulement le jour où l’intérêt de soulever l’exception d’ordre public lui est apparu.
La conception de l’ordre public est-elle la même partout ?
B.M. : L'ordre public tel que conçu en France ne se retrouve pas exprimé dans les mêmes termes dans les ordres juridiques étrangers. Néanmoins, la distinction entre l'ordre public interne et l'ordre public international au sens que je viens de définir est pratiquement universelle. En outre, tout ordre juridique, quelles que soient les particularités terminologiques, est appelé à protéger, d’une part, certains intérêts particuliers et, d’autre part, l'intérêt général.
Le « statut » français de l'ordre public peut donc servir de boussole pour fixer un ordre public étranger.
Comment connaître l'ordre public ?
B.M. : Pour connaître l’ordre public, les contractants doivent examiner les sources suivantes dans l’ordre ci-après :
- les résolutions des Nations-Unies ;
- les conventions internationales ;
- les lois nationales ;
- les décisions de justice, d’où qu’elles viennent, qui constituent la principale source pour l'ordre public international des Etats.
Et comment savoir quel ordre public est susceptible de priver d'effet un contrat ?
B.M. : Les parties à un contrat doivent en premier lieu déterminer où sont localisés les actifs saisissables de leur cocontractant, ce qui suppose deux opérations : la première est de déterminer la juridiction qui appréciera la validité du contrat et accordera le titre exécutoire reconnaissant à l'un des contractants le droit d'obtenir l'exécution forcée de sa créance sur le territoire de l'Etat de la juridiction qui a validé le contrat ; la seconde est d'identifier, le cas échéant, où sera présentée une demande d'exequatur. Si, comme c'est presque toujours le cas dans les contrats internationaux, les contractants ont déféré, par une clause compromissoire, la solution de leurs litiges à un tribunal arbitral, la juridiction qui donnera le titre exécutoire sera : soit la juridiction du lieu où la sentence a été rendue pour former un recours en annulation de la sentence ; soit la juridiction du lieu où l'exequatur de la sentence non contestée sera demandé. Si les contractants ont confié, par une clause attributive de juridiction, à un tribunal étatique le soin de résoudre leurs différends, la juridiction sera soit celle qui aura été élue pour juger des litiges, soit, le cas échéant, celle où sera demandé l'exequatur de la décision rendue par cette juridiction.
Les contractants doivent ensuite recenser en ces lieux quelles sont les lois d’ordre public international qui seraient applicables au cas où l'exécution forcée devrait y être demandée. Pour mettre en œuvre le Modèle, il faut donc s’informer non pas sur le contenu de la loi applicable mais seulement sur les dispositions qui sont d’ordre public international. C’est cette question précise qu’il convient de poser éventuellement aux juristes locaux sollicités pour rendre une « legal opinion ».
Enfin, les parties doivent examiner les clauses du Modèle, si elles le choisissent comme base de leur accord, pour déterminer celles qui contreviendraient à ces lois d’ordre public.
Par M. le Professeur Barthélémy MERCADAL
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