Hospitalisée et confuse, une femme âgée souscrit un contrat d’assurance-vie d’un montant de 75 000 € au profit de la fille de son curateur, notaire de profession. Six ans plus tard, ce dernier lui fait modifier la clause bénéficiaire du contrat pour le transférer à ses petits-enfants. Le notaire est poursuivi pour abus de faiblesse quelques mois plus tard.
La cour d’appel le condamne. Elle relève que lors de la souscription initiale du contrat, la victime manquait de lucidité en raison d’une pathologie rénale et que le prévenu avait insisté pour qu’elle signe le contrat à l’hôpital, contre l’avis du gériatre, allant même jusqu’à faire retarder son transfert en réanimation le temps de cette signature. Elle ajoute que le contrat représentait le quart des actifs bancaires de la victime alors que ses faibles revenus imposaient de garder son patrimoine liquide afin de régler les dépenses liées à son entretien en fin de vie. Elle souligne enfin que le délit n’est pas prescrit puisqu’en matière d’abus de faiblesse, lorsque l’abus procède d’un mode opératoire unique, la prescription ne commence à courir qu’à partir du dernier prélèvement effectué sur le patrimoine de la victime.
La chambre criminelle confirme la condamnation et écarte l’exception de prescription : la modification de la clause relative au bénéficiaire peut caractériser, au même titre que la souscription d’un contrat d’assurance-vie, le délit d’abus de faiblesse.
À noter : Les situations de captation du patrimoine des personnes âgées par leur entourage sont malheureusement assez répandues. Or, la découverte tardive de l’infraction par la famille empêche parfois de condamner pénalement les filous qui abusent ainsi de la vulnérabilité de leur victime. Soit parce que la personne âgée est décédée et que ses héritiers ne peuvent pas se porter partie civile (Cass. ass. plén. 9-5-2008 n° 06-85.751 PBRI). Soit parce que les faits sont trop anciens et couverts par la prescription six ans après leur commission. L’obstacle de la prescription peut toutefois être contourné lorsque l’infraction a été dissimulée par des manœuvres particulières (CPP art. 9-1) ou quand elle se réalise au moyen de plusieurs actes étalés dans le temps, la prescription ne commençant alors à courir qu’à compter du dernier de ces actes. Dans cet arrêt, la Cour de cassation considère que l’élément matériel du délit d’abus de faiblesse peut être constitué non seulement par la souscription du contrat d’assurance-vie, mais également par la modification, six ans plus tard, de la clause relative au bénéficiaire, ce qui permet d’écarter l’argument de la prescription.
Brigitte BROM
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la famille n° 79258