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Une nouvelle obligation légale d'assurance justifiant le déplafonnement du loyer commercial

La création d'une obligation légale nouvelle, telle qu’une assurance responsabilité civile, peut justifier le déplafonnement du loyer d'un bail commercial renouvelé même si cette assurance avait été volontairement souscrite auparavant.

Cass. 3e civ. 23-1-2025 n° 23-14.887 FS-B


Par Vanessa VELIN
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@Getty images

Le loyer d’un bail commercial renouvelé échappe à la règle du plafonnement en cas de modification notable des éléments permettant la détermination de la valeur locative (C. com. art. L 145-34). Parmi ces éléments figurent les obligations respectives des parties, découlant de la loi et génératrices de charges pour l’une ou l’autre partie depuis la dernière fixation du prix, qui peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer (C. com. art. R 145-8, al. 2).

Un locataire commercial sollicite le renouvellement de son bail qui venait à expiration le 30 décembre 2015 et conteste le déplafonnement du loyer du bail renouvelé. Le bailleur, pour demander le déplafonnement, se prévaut de l’augmentation de 62,56 % entre 2007 et 2015 des primes de l’assurance de responsabilité civile qu’il a souscrite volontairement pendant plusieurs années avant qu’elle ne devienne obligatoire en 2014. Pour le locataire, au contraire, cette augmentation résultait des rapports contractuels, et non d’une obligation légale, de sorte qu’elle ne justifiait pas le déplafonnement du loyer du bail renouvelé.

La Cour de cassation donne raison au bailleur.

La création, au cours du bail expiré, d'une obligation légale nouvelle à la charge du bailleur est un élément à prendre en considération pour la fixation du prix du bail commercial.

Tel est le cas de l’obligation du bailleur de s’assurer contre les risques de responsabilité civile dont il doit répondre en sa qualité de copropriétaire non occupant, imposée par l’article 58 de la loi 2014-366 du 24 mars 2014 et figurant désormais à l’article 9-1 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. 

Par suite, l’assurance de responsabilité civile du copropriétaire non occupant était une charge légale nouvelle à laquelle le bailleur était tenu pour la fixation du loyer du bail renouvelé en 2015, peu important que cette assurance ait été volontairement souscrite auparavant. En l’espèce, les juges du fond avaient constaté que l’augmentation des charges supportées par le bailleur à raison de ses obligations légales, qui, cumulées, avaient abouti à une baisse du revenu locatif de 27,97 % au cours du bail expiré, constituait une modification notable des obligations des parties. La demande de déplafonnement du loyer du bail devait donc être accueillie.

A noter :

L’accroissement de la charge fiscale peut constituer une modification notable des obligations des parties à prendre en considération pour la fixation du prix du bail renouvelé (voir Cass. 3e civ.  25-6-2008 n° 07-14.682 FS-PB : RJDA 10/08 n° 994). De même, une nouvelle répartition des charges ne pouvant pas être imputées au locataire (charges de l’article R 145-35 du Code de commerce issu du décret d’application de la loi Pinel) peut constituer une modification notable des obligations des parties justifiant un déplafonnement (voir CA Caen 25-11-2021 n° 19/03390 : RJDA 5/22 n° 251). En revanche jugé que l’augmentation des charges de copropriété ne peut pas constituer un motif de déplafonnement dans la mesure où elles ne découlent pas de la loi, mais de l’exécution d’une délibération de l’assemblée générale des copropriétaires (CA Paris 28-2-2001 n° 99-2165).

En l’espèce, la charge invoquée avait été initialement volontairement assumée par le bailleur ;  la question se posait donc de savoir s’il ne s’agissait pas de la modification d’une obligation contractuelle, auquel cas, pour justifier le déplafonnement du loyer du bail renouvelé, il aurait fallu que la modification constitue une restriction de jouissance des locaux loués ou qu’elle modifie les charges et obligations imposées au locataire au-delà de la loi et des usages (C. com. art. R 145-38).

La Cour de cassation rejette cet argument : il existait bien une nouvelle obligation légale d’assurance à la charge du bailleur dont il convenait de tenir compte, même si celui-ci avait souscrit cette assurance avant qu’elle devienne obligatoire.

Encore fallait-il, cependant, pour que le déplafonnement soit possible, que la modification notable des obligations des parties soit caractérisée. En l’espèce, cette modification résultait de l’augmentation de plusieurs charges légales cumulées, et non pas vraisemblablement de la seule obligation de souscrire une assurance responsabilité civile. Précisons, à cet égard, que les juridictions du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier le caractère notable de la modification (voir notamment Cass. 3e civ. 5-2-2013 n° 11-28.829 F-D : RJDA 5/13 n° 390) et que les cours d’appel sont divisées sur la question de savoir si le transfert, par l’effet de la loi, d’une charge à l’une des parties au bail peut constituer une cause de déplafonnement au regard notamment du caractère notable de la modification intervenue. Ainsi, la cour d’appel de Caen a considéré que la mise à la charge du bailleur des grosses réparations de l’article 606 du Code civil à la suite de l’adoption de la loi Pinel constituait en soi une modification notable des obligations des parties (CA Caen 25-11-2021 n° 19/03390, précité). En revanche, pour les cours d’appel de Versailles et de Paris, ce transfert de charge ne revêt pas nécessairement un caractère notable et doit être démontré par le bailleur (CA Versailles 16-5-2024 n° 22/05743 : RJDA 1/25 n° 12 ; CA Paris 3-4-2019 n° 17/21462 ; CA Paris 31-3-2021 n° 17/14904).

Documents et liens associés : 

Cass. 3e civ. 23-1-2025 n° 23-14.887 FS-B

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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