Démarchée par une société de conseil en investissement patrimonial, une femme signe un contrat de réservation portant sur un appartement et une place de stationnement, destinés à la location et bénéficiant d’un dispositif de défiscalisation. L’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement est régularisé en même temps qu’un emprunt bancaire afin de financer l’acquisition. Se plaignant de l’irrégularité de l’opération et d’une rentabilité de l’investissement inférieure à celle promise, l’intéressée sollicite en justice l’annulation de l’ensemble des contrats signés.
La demande est repoussée par la cour d’appel de Paris : si le contrat de réservation pouvait encourir la nullité pour inobservation de la réglementation du démarchage, la signature de l’acte authentique de vente par l’intéressée, sans émettre de réserve, vaut renonciation à se prévaloir des irrégularités formelles invoquées. Par ailleurs, à supposer que le contrat de réservation puisse être qualifié de promesse unilatérale de vente sous signature privée dont la nullité serait encourue pour défaut d’enregistrement, cette nullité n’aurait aucun effet sur la validité de l’acte authentique de vente. De même, la nullité alléguée du mandat confié à la société de conseil sur le fondement de la loi 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant l’activité d’agent immobilier n’est pas susceptible d’entraîner la nullité de l’acte de vente ni celle des contrats subséquents.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’acheteuse mais en substituant un motif de pur droit à ceux retenus en appel : le contrat de réservation étant facultatif, sa nullité est sans incidence sur la validité de l’acte de vente. La cour d’appel a relevé que l’intéressée avait signé l’acte authentique de vente ; la demande d’annulation des actes de vente et de prêt devait donc être rejetée.
A noter : Les Hauts Magistrats confirment une nouvelle fois leur position considérant que le contrat préliminaire de réservation et le contrat définitif de vente ne sont pas indissociablement liés l’un à l’autre (Cass. 3e civ. 27-4-2017 n° 16-15.519 FS-PB : BPIM 3/17 inf. 213, RDI 2017 p. 294 obs. O. Tournafond et J.-P. Tricoire ; Cass. 3e civ. 12-4-2018 n° 17-13.118 FS-PBI : BPIM 3/18 inf. 195, RDI 2018 p. 342 obs. O. Tournafond et J.-P. Tricoire, Defrénois 2018 n° 137w1 p. 31 obs. H. Périnet-Marquet). Comme l’a illustré l’arrêt de 2018, les praticiens n’en doivent pas moins être particulièrement vigilants sur un point qui n’était pas abordé ici : en cas d’annulation du contrat de réservation, la purge du droit de rétractation intervenue à ce stade est corrélativement effacée, de sorte que la protection bénéficiant à l’accédant au titre de l’article L 271-1 du CCH se reporte sur le contrat définitif de vente. Et si le notaire n’a pas pris soin de purger le délai de réflexion avant de recevoir l’acte authentique de vente, ce dernier pourra être annulé à la demande de l’acquéreur. D’où la recommandation d’une doctrine avisée conseillant aux notaires, dès lors qu’ils ont le moindre doute sur la validité du contrat préliminaire ou les modalités de purge du droit de rétractation, d’introduire une mention spécifique à ce sujet dans l’acte de vente et de purger le délai de réflexion de l’article L 271-1 avant la signature (H. Périnet-Marquet, obs. précitées).
Emmanuel de LOTH
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Urbanisme construction n° 76870