Plus encore que l'ubérisation et la bockchain, les professionnels de l'informatique de gestion que nous sommes, portons une attention particulière au marché unique numérique que le Parlement européen et la Commission sont en train de faire émerger. En effet, les mesures en préparation, qui visent à stimuler la croissance et la compétitivité en ligne, fort de 315 millions d'Européens utilisant quotidiennement internet, concernent directement les PME et ETI et, par conséquent, notre domaine (source Eurostat).
Ce chantier, jugé prioritaire depuis 2015, reposera sur trois piliers : améliorer l'accès aux biens et services numériques dans toute l'Europe pour les consommateurs et les entreprises ; créer un environnement propice et des conditions de concurrence équitables pour le développement des réseaux et services numériques innovants ; maximiser le potentiel de croissance de l'économie numérique.
Où en sommes-nous ?
Après la fin des frais d'itinérance pour les communications téléphoniques mobiles entérinée le 15 juin dernier (voir La Quotidienne du 16 juin 2017), les eurodéputés s'appliquent à lever les blocages géographiques (Le Soir Bientôt la fin du géoblocage en Europe) qui, jusqu'ici, ne permettaient pas aux acheteurs de biens et de services d'un autre pays membre, d'être traités comme des clients nationaux. Une certaine entrave à la concurrence libre et non faussée rendait en effet les conditions générales de vente bien différentes - notamment les prix – sur le fondement de la nationalité, du lieu de résidence ou de localisation temporaire.
Perspectives pour les entreprises
S'agissant de cette dernière barrière qui se lève, elle ouvre des perspectives de développement pour les entreprises de taille intermédiaire ou à vocation transfrontalière, dans la conquête de part de marchés. Le bitcoin notamment - monnaie virtuelle permettant de transférer de l'argent sans faire appel à un intermédiaire - sera un atout supplémentaire. Par cryptographie, il crée une base de données de transactions partagée et vérifiable publiquement afin de lutter contre la fraude. Ce procédé crée une relation de confiance entre le vendeur et l'acheteur, éliminant ainsi le besoin d'une vérification par un tiers.
Sécuriser le marché
Mais nous n'en sommes qu'aux balbutiements. Transformer l'économie en générant 415 milliards d'euros et des milliers d'emplois (EuroparlTV - 19/01/2016 - « Faire du marché unique du numérique une réalité, la fin du blocage géographique ») est un objectif louable. Il reste cependant des étapes à franchir, avant d'entrer dans un marché unique du numérique pleinement opérationnel. Utopie ? Excès d'optimisme ? Non. Plutôt une réalité à prendre en compte.
A la base de ce marché, se trouve, entre autres, « l'informatique en nuage » (le Cloud), qui utilise, stocke et traite des données sur des ordinateurs distants, mais reliés par internet. Si ce système s'avère souvent moins cher pour les consommateurs, il peut engendrer le traitement d'informations sensibles. Les récentes cyberattaques ont montré la nécessité de protéger les données des entreprises et de ses fournisseurs (voir La Quotidienne du 24 juillet 2017). La cybersécurité constitue pour l'Europe un dossier de taille !
Améliorer la performance réseau
Qui dit marché numérique européen, dit volonté de bâtir un réseau puissant du très haut débit. Or, pour se doter de meilleures infrastructures, de la coupe aux lèvres, il y a toujours un écart. A titre d'exemple, l'Espagne (Les Echos - 3/07/17 - En Espagne, la fibre se déploie à grande vitesse). a engagé à elle-seule 150 milliards d'euros pour se doter de câbles à fibre optique (EuroparlTV - 3/03/17 - « L'Europe passe au numérique »). Soit un budget égal à celui alloué pour le réseau au niveau européen. Nous sommes donc encore loin du compte.
Investir dans le secteur de l'informatique
Autre gageure pour finaliser le marché unique numérique : 110 millions d'Européens n'ont jamais utilisé internet et 246 millions, soit près de 50 % de la population, n'ont pas ou peu de compétences numériques. D'ici 2020, 900 000 emplois dans le secteur de l'informatique pourraient rester vacants, faute de trouver des collaborateurs dotés des compétences adaptées.
Lorsque l'on sait que l'UE augmentera son PIB de 5 % suite à l'élimination des frais d'itinérance et des frais liés aux biens et aux services numériques, mais aussi qu'elle encouragera la création d'entreprises, on se dit que la France a une carte à jouer. Notamment pour faire de Paris la place des start-ups en Europe dans ce domaine, tant dans la création que dans la formation des futurs acteurs. Le Conseil national du numérique a un rôle à jouer, puisqu'il a vocation à traiter de ces questions, tout autant que le secrétariat d'Etat au numérique.
En réunissant les entreprises, les représentants patronaux, les professionnels de la « French Tech » et les établissements financiers, un « lead » peut se constituer pour encourager le Parlement et la Commission à nous faire entrer pleinement dans le marché unique numérique prévu à l'horizon 2020. Affaire à suivre donc...
Grégoire LECLERCQ, Président de Itool Systems, premier éditeur français de logiciels de comptabilité full web