La situation
Il peut arriver qu’un salarié effectue certaines tâches à son domicile, notamment les salariés itinérants ne disposant pas d’un bureau en fonction de leur lieu de déplacement. Selon une jurisprudence constante, l’occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles est une immixtion dans sa vie privée qui n’entre pas dans l’économie générale du contrat, et il peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition (Cass. soc. 7-4-2010 n° 08-44.865 ; Cass. soc. 8-11-2017 n° 16-18.499) .
Conseil.
En revanche, aucune indemnité n’est due au salarié si l’employeur l’autorise à utiliser son domicile à des fins professionnelles alors qu’un local professionnel est mis à sa disposition (Cass. soc. 4-12-2013 n° 12-19.667) .
La preuve
L’indemnité n’étant due que si l’employeur n’a pas mis de local à la disposition du salarié, qui doit alors le prouver ? Selon les juges, c’est à l’employeur qui refuse de verser l’indemnité de prouver qu’il a fourni un local au salarié (Cass. Soc. 15-11-2023 n° 21-26.021) . Ici, un cadre commercial est débouté de sa demande d’indemnité d’occupation aux motifs que le contrat de travail fixait son lieu d’activité au siège de la société, qu’il ne démontrait ni que l’employeur n’avait pas mis de bureau à sa disposition, ni qu’il travaillait à son domicile. Cette décision est censurée :
c’est à l’employeur, qui conteste devoir une indemnité pour occupation du domicile à des fins professionnelles, de démontrer avoir mis effectivement à la disposition du salarié un local professionnel pour y exercer son activité ;
et à défaut d’un tel local mis à disposition, il appartient au juge d’évaluer le montant de l’indemnité d’occupation due au salarié.
L’indemnité
Une fois établi le droit à l’indemnité, il est confirmé que c’est alors au juge d’en fixer souverainement le montant (Cass. Soc. 15-11-2023 n° 21-26.021) . À cet égard on peut noter que s’il avait auparavant été jugé que l’indemnité pouvait dépendre de la proportion du temps de travail au domicile (Cass. soc 7-4-2010 n° 08-44.865) , il a été jugé plus récemment, pour des visiteurs médicaux :
qu’elle ne pouvait dépendre que de l’importance de la sujétion imposée à chaque salarié, du fait de l’immixtion dans sa vie privée, du travail à accomplir pour l’employeur et de la nécessité de stocker des matériels professionnels à son domicile (Cass. soc. 10-3-2021 n° 19-16.237) ;
et que lorsque l’occupation résulte du stockage du matériel professionnel, ne variant pas en fonction du temps de travail effectif, elle doit être fixée sans tenir compte de cet élément (Cass. soc. 8-11-2017 n° 16-18.499) .
Et le télétravail « médical » ?
Ici, un salarié est déclaré apte à reprendre par le médecin du travail, mais seulement en télétravail : c’est ce qu’il fait plusieurs mois, avant d’être mis en arrêt maladie puis licencié. Contestant son licenciement, il demande aussi une indemnité d’occupation de son domicile, utilisé 15 mois pour des besoins professionnels. Pour l’employeur, aucune indemnité n’est due puisqu’il disposait d’un local professionnel. Mais les juges donnent raison au salarié (CA Paris 21-12-2023 n° 20/05912) :
les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l’employeur (arrêté du 20-12-2002 ; Cass. soc. 25-2-1998 n° 95-44.096) ;
et si, effectivement, le salarié ne peut pas prétendre à une indemnité d’occupation de son domicile à des fins professionnelles lorsqu’un local professionnel est mis à sa disposition, il en va autrement s’il a dû télétravailler sur demande du médecin du travail et non de son propre chef : le recours au télétravail étant indispensable à la protection de sa santé, il ne peut aboutir à réduire sa rémunération en lui faisant supporter les frais professionnels qu’il a générés.
Conseil.
Cette solution des juges d’appel est logique au regard de la position de la Cour de cassation (Cass. soc. 4-12-2013 n° 12-19.667) refusant une indemnité d’occupation au salarié seulement autorisé à utiliser son domicile à des fins professionnelles alors qu’il dispose d’un local professionnel, rendant ainsi l’occupation du domicile facultative, ce qui n’est pas le cas d’un télétravail demandé par le médecin du travail.
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