Une société qui conclut des contrats de cession-bail avec deux sociétés allemandes, en application desquels ces dernières lui versent des loyers calculés selon un taux d’intérêt minoré respectivement de 45 et 50 points par rapport au taux de référence interbancaire, ne peut être regardée comme ayant décidé, à la date de signature de ces contrats, de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. En effet, les taux d’intérêt contractuels ne sont pas insuffisants au regard de taux de référence calculés, soit en les majorant de 100 points comme le prévoient les stipulations contractuelles en cas de modification des hypothèses fiscales, soit en fonction du niveau de solvabilité des sociétés crédit-preneuses. Par ailleurs, les contrats prévoient, en cas de remise en cause de l’hypothèse fiscale retenue pour l’opération (double exonération des revenus versés par les sociétés allemandes), soit une majoration des taux d’intérêt, soit leur résiliation.
Par suite, il n’est pas établi que les contreparties que la société a retirées des opérations de cession-bail seraient inexistantes ou insuffisantes au regard de l’avantage consenti, de sorte qu’elle aurait, en concluant ces contrats, commis un acte anormal de gestion.
A noter :
1. En l’espèce, les sociétés allemandes avaient d’abord cédé à la société française l’usufruit d’immeubles nus leur appartenant puis en avaient aussitôt recouvré la jouissance en les refinançant dans le cadre d’un contrat de crédit-bail. Les loyers versés au titre de ces contrats prenaient la forme de mensualités calculées comme les échéances d’un prêt amortissable avec, pour principal, le prix de cession de l’usufruit et, pour taux d’intérêt, des taux de 3,74 et 3,57 % correspondant à un taux de référence interbancaire minoré respectivement de 45 et 50 points de base pour chaque société allemande.
Cette opération a également été remise en cause par l’administration sur le terrain de l’abus de convention fiscale au sens de l’article L 64 du LPF.
2. La présente solution donne un éclairage intéressant de la portée de la jurisprudence relative à l’acte anormal de gestion (CE 21-12-2018 no 402006, sté Croë Suisse). L’existence d’un acte anormal de gestion dépendait en l’espèce du caractère économiquement équilibré ou non des contrats de crédit-bail.
Pour le Conseil d’État, dès lors que les taux d’intérêt avaient été calculés dans l’hypothèse de la double non-imposition des loyers de crédit-bail (tant en France qu’en Allemagne), ils étaient de nature à préserver le taux de marge habituel du crédit-bailleur.
Certes, la prévision sur laquelle reposait le calcul de ces taux ne s’est pas réalisée, mais un contrat n’est pas constitutif d’un acte anormal de gestion du seul fait que, postérieurement à sa conclusion, les prévisions sur lesquelles reposait son équilibre à la date de sa signature, ont été modifiées. Au demeurant, les contrats en cause prévoyaient une clause de rattrapage.
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