En vue d’exploiter un fonds de commerce d'alimentation, un commerçant conclut avec une société de distribution un contrat d'approvisionnement et de mise à disposition d'une enseigne d'une durée déterminée renouvelable par tacite reconduction. Le contrat comporte un pacte de préférence au profit de la société de distribution en cas de cession du fonds. Par lettre du 28 février, le commerçant notifie à la société sa décision de ne pas renouveler le contrat à son échéance, le 4 juin. Le 7 juin suivant, il vend son fonds de commerce à un tiers. La société réclame alors au commerçant des dommages-intérêts pour violation de son droit de préférence.
La cour d’appel de Riom rejette la demande : le pacte de préférence reconnaissait à la société un délai de trois mois à compter de la réception du projet de cession pour faire connaître au détaillant sa décision de se porter acquéreur aux conditions de la vente envisagée ; la cession du fonds avait été réalisée après la fin de ce contrat, de sorte qu’aucune violation du droit de préférence n’était caractérisée.
La Cour de cassation censure cette décision. En effet, le pacte de préférence implique l'obligation, pour le promettant, de donner préférence au bénéficiaire lorsqu'il décide de vendre le bien et de lui faire connaître les conditions particulières de la vente avant la réalisation de celle-ci. Au cas particulier, la date de la cession était incompatible avec l'exercice effectif de l'information due à la société de distribution sur le projet de vente en vue de l'exercice éventuel de son droit de préférence.
A noter :
L’article 1123 du Code civil, qui, depuis le 1er octobre 2016, définit le pacte de préférence et en régit certains aspects, n’était pas applicable en l’espèce ; la solution est toutefois transposable au régime issu de ce texte, quel que soit l’objet du pacte de préférence.
Par essence, le pacte de préférence impose au promettant de faire connaître au bénéficiaire son intention de vendre et à quelles conditions, afin que celui-ci puisse exercer son droit de préférence. Jugé ainsi que le promettant doit notifier la promesse unilatérale de vente consentie à un acquéreur, peu important que la levée de l’option puisse intervenir après l’expiration du pacte (Cass. 3e civ. 6-12-2018 n° 17-23.321 FS-PBI : RJDA 3/19 n° 175).
Il résulte de l’arrêt d’appel ici censuré (CA Riom 19-2-2020 n° 18/01573) que le commerçant n’avait pas informé la société de distribution de son projet de cession, se contentant d’indiquer, dans son courrier refusant le renouvellement du contrat, qu’il fermait son magasin.