La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (ci-après « LEC ») a mis en place un plan d'actions jusqu’en 2028 afin de supprimer les logements dont la consommation énergétique relève des classes F et G, dits « passoires thermiques », renforçant les obligations des propriétaires de biens immobiliers en matière de consommation énergétique.
Le projet de loi Climat et Résilience (ci-après « CR »), dans le sillage de la LEC, est porteur d’obligations nouvelles en matière de performance énergétique dans le secteur résidentiel. Il est pourtant jugé très sévèrement par la Convention Citoyenne pour le Climat (note de 3,4/10), dont il affadit la grande majorité des propositions.
Voici les points clefs des obligations en matière résidentielle, en l’état du droit positif et des réformes en cours.
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Un seuil de consommation énergétique à respecter à partir de 2028
Le nouvel article L. 111-10-4-1 du code de la construction et de l’habitation, créé par l’article 22 de la LEC, pose un seuil de consommation énergétique à ne pas dépasser à partir de 2028 : « I. A compter du 1er janvier 2028, la consommation énergétique, déterminée selon la méthode du diagnostic de performance énergétique, des bâtiments à usage d'habitation n'excède pas le seuil de 330 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré et par an ». Les sanctions dont cette obligation pourrait être assortie devraient être définies par le parlement à partir de 2023.
Deux catégories d’immeubles échapperont cependant à cette obligation : (i) ceux qui ne peuvent faire l’objet de travaux de rénovation permettant de rester en-dessous du seuil précité en raison des contraintes intrinsèques au bâtiment (contraintes techniques, architecturales, …) et (ii) ceux pour lesquels le coût desdits travaux serait disproportionné par rapport à la valeur du bien. Plusieurs étapes amènent progressivement à l’entrée en vigueur de ce seuil en 2028.
Des étapes balisées jusqu’à 2028
Ainsi, à partir du 1er janvier 2022, en cas de vente ou location d’un bien immobilier à usage d’habitation dont la consommation énergétique dépasserait le seuil de 330 kWh/m²/an, l’obligation de ne pas dépasser ce seuil devra être mentionnée dans (i) les publicités relatives à la vente ou à la location du bien et (ii) les actes de vente ou les baux dont le bien fait l’objet (article L. 111-10-4-1.-III., alinéa 1 du code de la construction et de l’habitation).
De plus, le décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021 pris en application de l’article 17 de la LEC fixe un plafond de consommation d'énergie finale qu’un logement devra respecter à compter du 1er janvier 2023 pour été considéré comme décent. Un article 3 bis est ainsi ajouté au décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent : « En France métropolitaine, le logement a une consommation d'énergie, estimée par le diagnostic de performance énergétique défini à l'article L. 134-1 du code de la construction et de l'habitation, inférieure à 450 kilowattheures d'énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an ».
En pratique, les logements énergivores de catégorie G ne pourront donc plus être mis en location à compter du 1er janvier 2023 en France métropolitaine. Les baux en cours ne seront pas concernés par cette disposition
Selon le ministère du logement, 90.000 logements seront concernés. Si aucune sanction spécifique n’est prévue, ce sont celles qui frappent les logements indécents qui devraient trouver à s’appliquer (obligation de travaux, réduction de loyers etc.) ; des contrôles sont par ailleurs annoncés par le ministère.
Doivent encore être fixés par décret les seuils d’indécence pour l’outre-mer et de nouveaux seuils plus contraignants en 2025 et 2028.
De plus, l’article 42 du projet de loi CR propose le renforcement de ce critère de décence à partir du 1er janvier 2028 : à cette date les logements de catégorie F en sus de ceux de catégorie G ne pourraient plus être mis en location, au regard de l’obligation du bailleur de délivrer un logement décent.
Performance énergétique et augmentation de loyer
Depuis le 1er janvier 2021, en application de l’article 19 de la LEC et du décret de plafonnement des loyers n° 2017-1198 du 27 juillet 2017, la hausse des loyers manifestement sous évalués est interdite lors de la relocation et du renouvellement, dans les zones tendues, pour les logements de classes F et G.
L’article 41 du projet de loi CR prévoit dès 2022 l’élargissement de cette interdiction à (i) toute évolution de loyer (révision, relocation ou renouvellement) (ii) à l’ensemble des logements de classes F et G quelle que soit la localisation géographique du logement loué.
Le DPE enfin fiabilisé
Depuis le 1er janvier 2021, la loi CR rend le DPE opposable entre les parties à une vente ou à un bail. Cette opposabilité nouvelle a nécessité un plan de fiabilisation de ce diagnostic, qui devient de surcroît le document de référence des différentes mesures d’amélioration de la performance énergétique dans le logement.
La fiabilisation du DPE a ainsi donné lieu à deux décrets n° 2020-1609 et n° 2020-1610 du 17 décembre 2020, et à la mise en consultation publique de trois arrêtés, achevée le 15 mars 2021.
Aux termes de l’article 20 de la LEC, le DPE doit déjà exprimer en énergie primaire et finale la quantité d'énergie effectivement consommée ou estimée (article L. 134-1 du code de la construction de l’habitation). A compter du 1er janvier 2022, il devra désormais également mentionner « le montant des dépenses théoriques de l'ensemble des usages énumérés dans le diagnostic » (mêmes articles).
Les obligations d’information renforcées en matière de performance énergétique
Aux termes de l’article 22 de la LEC, à compter du 1er janvier 2022, « à titre d'information, une indication sur le montant des dépenses théoriques de l'ensemble des usages énumérés dans le diagnostic de performance énergétique » devra être mentionnée dans les annonces relatives à la vente ou à la location d’un bien immobilier, ainsi que dans les contrats de location (articles L. 134-4-3, L.721-1 du code de la construction et de l’habitation et l’article 3 de la loi du 6 juillet 1989).
De plus, à partir du 1er janvier 2022la vente ou la location des « passoires thermiques » devra s’accompagner d’un audit énergétique comprenant des propositions de travaux et leurs coûts permettant de respecter le seuil de 330 kWh/m²/an (article L. 134-3 du code de la construction et de l’habitation en cas de vente ; article L. 134-3-1 du code de la construction et de l’habitation en cas de location).
L’article 40 du projet de loi CR propose de limiter cette obligation aux mono-propriétaires ou aux propriétaires de plusieurs logements hors copropriété, mettant à la vente un ou des logements classés en catégorie F et G. La valorisation de ces actifs pourra s’en trouver lourdement impactée…
Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2028, en cas de vente ou de location d'un bien immobilier à usage d'habitation dont la consommation énergétique excède le seuil de 330 kWh/ m² / an, le non-respect de cette obligation définie sera mentionné dans les publicités relatives à la vente ou à la location ainsi que dans les actes de vente ou les baux concernant ce bien (article L. 111-10-4-1, III, alinéa 2 du code de la construction et de l’habitation). Cette obligation pourrait être limitée au logement en monopropriété en l’état du projet de loi CR.
Enfin, le projet de loi CR organise dans les immeubles en copropriété le plan pluriannuel de travaux déjà envisagé à plusieurs reprises par le législateur.
A compter du 01.01.2023, l’article 44 du projet de loi CR prévoit l’obligation d'élaborer un projet de plan pluriannuel de travaux (PPPT) pour les immeubles à destination partielle ou totale d'habitation en copropriété, à l'issue d'un délai de 15 ans à compter de la date de réception des travaux de construction. La mise en place de cette obligation s’échelonnerait du 01.01.2023 pour les immeubles de plus de 200 lots au 01.01.2025 pour les immeubles de 50 lots au plus.
Toutefois, si l’immeuble a fait l’objet d’un diagnostic technique global en cours de validité ne faisant apparaître aucun besoin de travaux dans les dix prochaines années, le syndicat serait dispensé de l’obligation d’élaborer le PPPT durant la période de validité du diagnostic (10 ans). Les modalités de prise de décision relatives au PPPT et au fonds de travaux pourraient également être modifiées par le nouveau texte (notamment les articles 14-1, 14-2 et 14-2-1 de la loi de 1965).
Le projet de loi CR prévoit en complément l’obligation d’informer les acquéreurs de lots de copropriété du PPPT ou son projet, à partir de 2024 pour les copropriétés de plus de 200 lots, et à partir de 2026 pour les copropriétés de 50 lots au plus.
Par Sidonie FRAICHE-DUPEYRAT, avocate associée au sein du cabinet LPA CGR Avocats
et Cécile BENOLIEL, avocate au sein du cabinet LPA CGR Avocats