Une enfant naît sous X. Trois mois après son recueil en foyer, elle est placée à l’adoption. Suite à des démarches auprès du procureur pour retrouver l’enfant, le père biologique la reconnaît quelques mois après le placement mais avant le prononcé de l’adoption. Sa reconnaissance de paternité est toutefois refusée, tout lien de filiation entre l’enfant et sa famille d’origine ne pouvant plus être établi dès lors que l’enfant né sous X a été placé à l’adoption à l’expiration d’un délai de deux mois suivant son recueil (C. civ. art. 351, al. 2 et 352, al. 1). Le père conteste alors la constitutionnalité de ces règles au regard du droit de mener une vie familiale normale, de l’intérêt supérieur de l’enfant et du principe d’égalité devant la loi.
Le Conseil constitutionnel les déclare conformes à la Constitution pour les raisons suivantes. Tout d’abord, en prévoyant qu’un enfant sans filiation ne peut être placé en vue de son adoption qu’à l’issue d’un délai de deux mois à compter de son recueil, le législateur a entendu concilier l’intérêt des parents de naissance à disposer d’un délai raisonnable pour reconnaître l'enfant et en obtenir la restitution et celui de l’enfant dépourvu de filiation à ce que son adoption intervienne dans un délai qui ne soit pas de nature à compromettre son développement : le droit de mener une vie normale n’est donc pas compromis.
Ensuite, en interdisant qu’une telle reconnaissance intervienne après son placement en vue de l’adoption, le législateur a entendu garantir à l’enfant, déjà remis aux futurs adoptants, un environnement familial stable : l’intérêt supérieur de l’enfant est ainsi préservé.
Enfin, si, dans le cas d’un accouchement secret, le père et la mère se trouvent dans une situation différente pour reconnaitre l’enfant, les dispositions contestées qui se bornent à prévoir le délai dans lequel peut intervenir le placement et les conséquences de ce placement sur la possibilité d’actions en reconnaissance, n’instituent pas de différence de traitement entre eux. Elle n’institue pas davantage de différence de traitement entre les parents de naissance et les futurs adoptants. Le principe d’égalité devant la loi est ainsi respecté
A noter : En cas d’accouchement anonyme, le père biologique ignore souvent la date et le lieu de naissance, ce qui empêche la transcription de sa reconnaissance. Il peut alors, comme en l’espèce, en informer le procureur de la République qui procédera à la recherche des date et lieu d’établissement de l’acte de naissance de l’enfant (C. civ. art. 62-1). Le père biologique a intérêt à agir vite : la reconnaissance doit être transcrite avant le placement de l'enfant en vue d'une adoption, faute de quoi, elle ne produira aucun effet.
Plusieurs solutions ont été proposées pour mieux protéger les droits du père biologique. Un auteur a ainsi préconisé d'imposer au procureur de la République, saisi sur le fondement de l'article 62-1 du Code civil, d'informer les services de l'aide sociale à l'enfance afin que ceux-ci retardent le placement de l'enfant (en ce sens : C. Bernard-Xemar, note sous TGI Nancy 16-5-2003 : LPA 3-3-2004 p. 9). Un autre a proposé que la reconnaissance souscrite par le père biologique produise ses effets dès lors que l'enfant est identifié avant le prononcé de l'adoption par le juge (en ce sens, J. Revel, Une nouvelle famille unilinéaire : l’enfant né sous X et son père : D. 2006 p. 1707 n° 9).
Mais ces solutions fragiliseraient le placement et, plus généralement, le processus de l'adoption. En déclarant conformes à la Constitution les règles des articles 351 alinéa 2 et 352 alinéa 1 du Code civil, le Conseil constitutionnel entend préserver voire renforcer le processus d’adoption existant. Les propositions de changement de certaines règles en faveur des droits du père biologique resteront lettre morte.
Florence GALL-KIESMANN
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la Famille n°s 29510 s.