Créés par la loi 2016-1088 du 8-8-2016, dite loi Travail, les accords de préservation ou de développement de l'emploi ont pour objet de permettre aux entreprises de s'adapter plus rapidement aux variations d'activité, aux changements de conjoncture et de préserver ainsi leur compétitivité. L'une des particularités de ces accords est que leurs stipulations se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, en particulier en matière de rémunération, lorsque les salariés en acceptent l'application. En cas de refus, ils s'exposent à un licenciement mais peuvent bénéficier, en ce cas, d'un parcours d'accompagnement personnalisé assuré par Pôle emploi qui doit leur être proposé par l'employeur lors de l'entretien préalable.
Le décret du 28 décembre 2016 précise ces différents points. Ses dispositions sont codifiées aux articles D 2254-1 à D 2254-24 du Code du travail.
A noter : Selon l'article 2 du décret, ses dispositions s'appliquent aux salariés visés par une procédure de licenciement engagée à compter du 30-12-2016, la date d'engagement s'entendant de la date de l'entretien préalable. Ces dispositions qui se réfèrent au seul parcours d'accompagnement personnalisé n'ont, à notre avis, pas grand sens dans la mesure où la proposition d'un tel parcours ne peut être faite qu'en cas de refus d'application d'un accord. Or, même si l'article 2 du décret 2016-1797 du 20-12-2016 sur la procédure de référendum dispose que des accords de préservation ou de développement de l'emploi ont pu être conclus dès le 9 août 2016, on ne voit pas comment la finalisation même de ces accords aurait pu être possible avant le 30-12-2016, faute de savoir quelle rémunération mensuelle devait être garantie aux salariés.
Rémunération mensuelle garantie
Si les stipulations de l'accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail notamment en matière de rémunération, elles ne peuvent avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié. La latitude des négociateurs en la matière est donc encadrée.
Cette rémunération s'entend comme le montant soumis à cotisations de sécurité sociale, compte non tenu de la fraction correspondant à l'avantage tiré de la levée d'options de souscription ou d'achat d'actions et des éléments de rémunération dont la périodicité de versement est supérieure au mois.
Il doit, en principe, fixer le montant de la rémunération mensuelle maintenue. Celle-ci ne peut être inférieure à la moyenne sur les 3 mois précédant la signature de l'accord de la rémunération versée au salarié ou, si son contrat de travail est suspendu, de la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait travaillé pendant cette période à l'exclusion des indemnités perçues le cas échéant au titre de la suspension de son contrat de travail.
L'accord peut modifier ou supprimer les modalités d'attribution, de calcul et de versement de tout ou partie des éléments de rémunération (par exemple celles de certaines primes).
Si l'accord est muet sur ce point, le montant de la rémunération maintenue est égal à la moyenne mentionnée ci-dessus, y compris les éléments de rémunération dont la périodicité de versement est supérieure au mois. Le régime juridique et les modalités d'attribution, de calcul et de versement des éléments de rémunération ne sont pas modifiés en ce cas.
Les conséquences du refus de l'accord
L'employeur doit informer chaque salarié concerné de son droit d'accepter ou de refuser l'application de cet accord à son contrat de travail.
Le salarié dispose d'un délai d'un mois pour faire connaître sa décision. En l’absence de réponse dans ce délai, il est réputé avoir accepté l'application de l'accord.
Le salarié qui refuse de se voir appliquer l’accord doit le faire savoir par écrit.
Les salariés refusant l’application de l’accord peuvent être licenciés. Ce licenciement repose sur un motif spécifique constituant une cause réelle et sérieuse. L'employeur doit appliquer la procédure de licenciement individuel pour motif économique. Lors de l'entretien préalable, il doit proposer au salarié d'adhérer à un parcours d'accompagnement personnalisé (PAP : voir plus loin), et l'informer par écrit du motif spécifique sur lequel repose la rupture en cas d'acceptation de ce parcours.
L’adhésion du salarié au PAP emporte rupture du contrat de travail. En cas de refus du PAP la procédure de licenciement suit son cours. L'employeur peut notifier au salarié la rupture de son contrat de travail, dans les conditions prévues pour le licenciement économique de moins de 10 salariés sur 30 jours, en indiquant le motif spécifique sur lequel elle repose dans la lettre de licenciement. Sont applicables les dispositions relatives au préavis, à l'indemnité de licenciement, au certificat de travail et au reçu pour solde de tout compte.
Le parcours d'accompagnement personnalisé (PAP)
La proposition d'adhésion doit être individuelle et écrite
L'employeur propose le PAP au salarié en lui remettant, contre récépissé lors de l'entretien préalable, un document d'information précisant :
- le délai de réflexion dont il dispose pour accepter ou refuser le parcours,
- que son contrat de travail sera rompu en cas d'acceptation du parcours,
- et qu'il pourra être licencié en cas de refus du parcours.
Dans le cas où l'employeur n'a pas proposé ce dispositif au salarié, celui-ci peut être également proposé par Pôle emploi. Ce défaut d'information a aussi des incidences en ce qui concerne la contribution de l'employeur au financement du dispositif.
Le salarié a 7 jours à partir de la date de cette remise pour faire connaître sa réponse. Pour les salariés dont le licenciement est soumis à autorisation (représentants du personnel, par exemple), ce délai est prolongé jusqu'au lendemain de la date de notification à l'employeur de la décision de l'autorité administrative. L'absence de réponse au terme du délai de réflexion est assimilée à un refus.
L'adhésion du salarié et ses incidences
Le salarié adhère au PAP en remettant à l'employeur un bulletin d'acceptation complété et signé, accompagné d'une copie de sa pièce d'identité ou du titre en tenant lieu. Son contrat de travail est alors réputé rompu au lendemain de la date de remise de ce bulletin.
Cette adhésion le prive du droit à préavis et à l’indemnité afférente, qu’elle soit légale ou conventionnelle, les sommes correspondantes servant à financer l’allocation particulière adossée au dispositif. Toutefois, dans le cas où l'indemnité de préavis que le salarié aurait perçue s'il n'avait pas bénéficié du PAP est supérieure à 3 mois de salaire, la fraction excédant ce montant doit lui être versée dès la rupture de son contrat de travail.
De même l’indemnité due à un salarié ayant moins d’un an d’ancienneté lui est intégralement versée dès la rupture du contrat.
La rupture du contrat ouvre droit à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement que le salarié aurait eue s'il avait effectué son préavis.
Dès l'acceptation du parcours par le salarié, l'employeur transmet à l'agence Pôle emploi dans le ressort de laquelle le salarié est domicilié, le bulletin d'acceptation complété par lui-même et le salarié, accompagné de la copie de la pièce d'identité de ce dernier ou du titre en tenant lieu. Au plus tard à la rupture du contrat de travail, il complète son envoi en adressant à la même agence Pôle emploi l'ensemble des documents nécessaires à l'examen des droits du salarié et au paiement des contributions patronales, notamment l'attestation d'employeur, la demande d'allocation d'accompagnement personnalisé dûment complétée et signée par le salarié, la copie de la carte d'assurance maladie.
L'ensemble des documents nécessaires à la mise en œuvre du parcours d'accompagnement personnalisé sont arrêtés par l'Unédic et remis par Pôle emploi, à l'employeur, à sa demande.
Pendant le PAP, dont la durée ne peut excéder 12 mois, le salarié a le statut de stagiaire de la formation professionnelle sauf pendant les périodes d’activité professionnelle en entreprise qu'il peut être amené à effectuer dans le cadre de son parcours. Il perçoit de Pôle emploi, s’il justifie au moment de la rupture de son contrat d’une ancienneté d’au moins 12 mois dans l’entreprise, une allocation d’accompagnement personnalisé (AAP) égale à 70% du salaire journalier de référence de l'assurance chômage, sans pouvoir être inférieure à l’allocation de retour à l’emploi (ARE) à laquelle il aurait pu prétendre ni supérieure à l'allocation maximale de l'ARE, calculée sur la base d'un salaire de référence plafonné conformément au règlement général annexé à la convention d'assurance chômage. Pour les salariés de moins d'un an d'ancienneté, le montant et la durée de versement de l'allocation correspondent à ceux de l’ARE.
L’AAP est payée mensuellement à terme échu, pour tous les jours ouvrables ou non, pendant une période ne pouvant excéder 12 mois. Une participation de 3 % assise sur le salaire journalier de référence est prélevée pour financer les retraites complémentaires des bénéficiaires, sans que cela ait pour effet de réduire le montant de l'allocation qui leur est versée sous le seuil minimum de l'allocation servie dans le cadre de l'assurance chômage.
Le versement de l’AAP peut être interrompu ou suspendu lorsque le bénéficiaire retrouve une activité professionnelle, perçoit des indemnités journalières d'assurance maladie, le complément de libre choix d'activité, la prestation partagée d'éducation de l'enfant, l'allocation journalière de présence parentale, conclut un contrat de service civique, cesse de relever du champ d’application géographique de l’assurance chômage ou atteint l’âge de perception d’une retraite complète.
Les diverses phases du PAP
Le PAP comporte diverses phases (pré-bilan, évaluation des compétences professionnelles et orientation professionnelle) en vue de l'élaboration d'un projet professionnel, des mesures d'accompagnement et d'appui à ce projet, ainsi que des périodes de formation et de travail. La phase de pré-bilan débute dans les 7 jours suivant l’adhésion du salarié.
Le bénéficiaire du PAP peut mobiliser son compte personnel de formation et accéder à toutes les formations éligibles à ce compte et correspondant à son projet professionnel.
Au cours de son parcours, il peut effectuer des périodes d'activités professionnelles en entreprise, sous forme de CDD ou de contrat de travail temporaire d'une durée minimale de 3 jours. Le cumul total de ces périodes ne peut excéder 6 mois.
Pendant ces périodes, il est salarié de l'entreprise ou de l’ETT. Le bénéfice du PAP et le versement de l'AAP sont suspendus. En cas de reprise d'emploi en CDI, en CDD ou contrat de travail temporaire d'une durée d'au moins 6 mois, l'intéressé cesse de bénéficier du PAP . En cas de rupture du contrat de travail pendant la période d'essai, le PAP peut reprendre pour la durée restant à courir.
Le bénéficiaire du PAP peut être exclu de ce dispositif s’il refuse une action de reclassement et de formation ou ne s'y présente pas, ou refuse à deux reprises une offre raisonnable d'emploi ou s’il a fait des déclarations inexactes ou présenté des attestations mensongères en vue de bénéficier indûment du parcours. Les conditions, y compris les modalités de recours, dans lesquelles l'intéressé cesse de ainsi de bénéficier du PAP sont précisées dans le projet d'accompagnement personnalisé.
Le bénéficiaire à la recherche d'un emploi à l’issue du PAP a droit à l’ARE dans les conditions de droit commun. La durée d'indemnisation dont il bénéficie est réduite du nombre de jours indemnisés au titre du PAP.
La contribution de l'employeur au financement du PAP
Pour les bénéficiaires d'un PAP ayant au moins un an d'ancienneté, l'employeur contribue au financement de l'AAP en versant à Pôle emploi une somme égale à l'indemnité de préavis que le salarié aurait perçue, majorée de l'ensemble des cotisations et contributions obligatoires afférentes, dans la limite de 3 mois de salaire.
S'il n'a pas proposé ce dispositif lors de l'entretien préalable, il est tenu au versement d'une contribution égale à 2 mois de salaire brut, portée à 3 mois en cas d'adhésion effective du salarié au parcours personnalisé sur proposition de Pôle emploi.
Les sommes dues par l'employeur sont exigibles au plus tard le 25 du 2e mois civil suivant le début du parcours.
A noter : Le décret ne précise pas si ces sommes doivent apparaître sur le bulletin de paie ou dans la déclaration sociale nominative. La question appelle selon nous une réponse affirmative même si les modalités de leur déclaration restent à définir.
Les contributions non payées à la date limite d'exigibilité sont passibles des majorations de retard prévues en cas de versement tardif des cotisations de sécurité sociale. Toute action intentée ou poursuite engagée contre un employeur en cas de non-respect de ses obligations est obligatoirement précédée d'une mise en demeure par Pôle Emploi. Une remise totale ou partielle de ces majorations de retard ainsi que des délais de paiement peuvent être consentis aux débiteurs qui en font la demande dans certaines conditions.
Sylvie LAGABRIELLE
Pour en savoir plus : Mémento social n° 17640 s.