Le propriétaire d'un terrain loué pour l'exploitation d'un garage depuis 1929, en vertu d'un bail commercial renouvelé plusieurs fois, donne congé au locataire. Celui-ci demande le paiement d'une indemnité d'éviction incluant le coût des constructions qu'il a édifiées sur le terrain. Il se prévaut de la clause d'accession suivante, inscrite dans le bail d'origine : « Les constructions élevées pendant le cours du dit bail appartiendront à l'expiration de celui-ci au [bailleur] à charge pour celui-ci d'en payer la valeur aux locataires au moment de l'expiration du bail et ce, après expertise établie contradictoirement par les architectes des parties en cause ».
Le propriétaire lui oppose la prescription de la demande introduite plus de 30 ans après le premier renouvellement du bail, date à laquelle il estime être devenu propriétaire des constructions par le jeu de l'accession.
La cour d'appel de Versailles juge au contraire que la demande n'est pas prescrite. Il ressort nécessairement de la clause d'accession que le transfert de propriété était conditionné par le paiement par le bailleur de la valeur des constructions édifiées par le locataire ; faute d'expertise contradictoire à l'expiration du bail commercial, les parties ont d'un commun accord entendu différer le paiement des constructions à la fin de leurs relations contractuelles. Celles-ci ayant été constamment renouvelées, le locataire ne pouvait pas en demander l'indemnisation avant que le propriétaire ne lui donne congé.
A noter : en principe, le propriétaire du fonds loué sur lequel le locataire a édifié des constructions peut soit en demander la destruction, soit en conserver la propriété, moyennant le remboursement de certaines sommes (C. civ. art. 555). En l'absence de précision dans le Code civil, la jurisprudence considère que le transfert de propriété des constructions au profit du bailleur, qui fait naître le droit à indemnité du locataire constructeur, s'effectue à la date d'expiration du bail (Cass. 1e civ. 1-12-1964 n° 58-11.561 : Bull. civ. I n° 535), soit en principe à la fin du bail initial (Cass. 3e civ. 27-1-1999 n° 97-11.797 D : RJDA 3/99 n° 268).
Mais les règles relatives au mécanisme de l'accession ne sont pas d'ordre public, et les parties peuvent y déroger. Tout est alors question d'interprétation de la clause d'accession. Par exemple, dans un cas où la clause d'accession d'un bail commercial prévoyait que le bailleur deviendrait propriétaire des constructions « à la fin du bail et à défaut de renouvellement », il a été jugé que le locataire restait propriétaire des constructions tant que le bail était renouvelé et jusqu'à la fin des relations contractuelles, c'est-à-dire à la sortie des lieux (Cass. 3e civ. 4-4-2002 n° 01-70.061 FS-PB : RJDA 5/03 n° 472). La cour d'appel de Versailles suit le même raisonnement ici. Faute de transfert de propriété des constructions avant la fin des relations contractuelles des parties, la créance de prix du locataire n'était pas née, de sorte que le délai de prescription de l'action n'avait pas pu commencer à courir.
Maya VANDEVELDE