Une femme vend la nue-propriété d'une maison à sa légataire universelle. Le prix est converti en rente viagère indexée sur l’indice du coût de la construction.
Au décès de l’usufruitière, l’administration fiscale réintègre l'immeuble à l'actif successoral sur le fondement de la présomption de propriété selon laquelle est réputé faire partie de la succession de l'usufruitier tout bien appartenant pour l'usufruit au défunt et pour la nue-propriété à ses héritiers, donataires ou légataires (CGI art. 751).
Un tribunal de grande instance considère que la légataire n’a pas versé en totalité la rente viagère de sorte que la présomption de propriété de l'usufruitier s'applique, mais il prononce la décharge des droits au motif que l'administration ne justifie pas de la valeur de la maison réintégrée à la succession.
En appel, les juges ne se prononcent pas sur la question de la présomption de propriété. Ils confirment la décharge des droits au motif que l’administration a privé la contribuable de la possibilité de présenter ses observations, en violation de l'article L 17 du Livre des procédures fiscales (LPF) applicable en cas de rectification de la valeur d'un bien lorsque celle-ci paraît inférieure à sa valeur vénale.
L’administration fiscale forme un pourvoi. La Cour de cassation casse, annule et renvoie l'affaire devant la cour d'appel de Rennes, considérant que l'article L 17 du LPF n’est pas applicable en cas de réintégration dans l’actif successoral d’un bien non déclaré et qu’il revient à l'administration d'établir l'imposition à partir de sa valeur apparente, sauf à réviser son évaluation à raison des observations du contribuable, lequel doit établir que sa valeur réelle est inférieure (Cass. com. 4-11-2014 n° 13-23.767 F-D : RJF 2/15 n° 161).
A la question originelle de savoir si la présomption fiscale de propriété était applicable, la cour d’appel de renvoi, dont l’arrêt est ici commenté, répond par la négative.
Pour écarter la présomption, la légataire produit les avis d'imposition sur le revenu de la défunte faisant état des rentes perçues. La cour en déduit, par une appréciation souveraine, que l'administration fiscale ne peut pas soutenir que la vente de la nue-propriété était fictive tout en procédant au recouvrement de l'impôt sur le revenu sur les sommes déclarées en paiement du prix de cette vente. Dès lors, même si le produit de l’indexation prévue n’a pas été versé intégralement, la vente de la nue-propriété est réelle et sincère.
A noter : la décision fournit l’occasion de rappeler que la présomption fiscale de propriété de l'usufruitier ne concerne pas que les donations avec réserve d'usufruit ; elle s'applique également aux ventes avec réserve d'usufruit, même si les exemples sont plus rares.
Caroline DANCOISNE
Pour en savoir plus sur la présomption de propriété de l'usufruitier : voir Mémento Patrimoine nos 30537 s.