La loi 2018-1213 du 24 décembre 2018 accorde aux entreprises la possibilité de verser à leurs salariés une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat exonérée d’impôt sur le revenu et de charges sociales dans la limite de 1 000 € par bénéficiaire.
Dans une instruction du 4 janvier 2019, la DSS a précisé les modalités d’exonération de charges sociales de cette prime (voir La Quotidienne du 29 janvier 2019. En raison des demandes exprimées depuis, l’administration apporte, dans une instruction du 6 février 2019, un complément d’information sur certains points spécifiques que nous signalons ci-après.
A noter : Cette instruction ayant été publiée sur le site www.legifrance.gouv.fr, l'administration peut s'en prévaloir à l'encontre des employeurs. Son opposabilité à l’administration reste, à notre sens, subordonnée à sa reprise sur l’un des 2 sites suivants : www.economie.gouv.fr ou www.solidarite-sante.gouv.fr.
Par ailleurs, il est précisé que les employeurs qui ont déjà attribué une prime à leurs salariés antérieurement à la publication de ces nouvelles précisions et qui seraient amenés à modifier les conditions d’attribution postérieurement au 31 janvier 2019 peuvent le faire, lorsque nécessaire, sans remise en cause de l’éligibilité à l’exonération.
Champ d’application de la prime
Tous les salariés liés par un contrat au 31-12-2018 sont-ils éligibles ?
Non. Seuls les salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018 et ayant perçu une rémunération en 2018 sont éligibles à la prime exceptionnelle. Les salariés n’ayant perçu aucune rémunération peuvent donc, même lorsqu’un contrat de travail est en vigueur au 31 décembre 2018, ne pas recevoir la prime (Inst. n° I.2).
Versements multiples à un intérimaire : comment apprécier le respect des modalités ?
Lorsqu’une prime est attribuée à un même salarié par plusieurs entreprises utilisatrices ou par une ou plusieurs entreprises utilisatrices d’une part et par l’entreprise de travail temporaire d’autre part, chacune des entreprises ayant attribué la prime est considérée, pour l’appréciation du respect des conditions d’attributions, comme un employeur distinct (Inst. n° I. 11).
Montant de la prime
Entre-t-elle dans le calcul des indemnités de rupture du contrat ?
Non. Compte tenu de sa nature non-récurrente, la prime n’est pas prise en compte dans le calcul des indemnités de rupture du contrat de travail. (Inst. n° II.7).
Est-elle neutralisée dans le calcul de l’intéressement ?
Non. L’accord d’intéressement doit être appliqué tel qu’il a été rédigé, conclu et déposé. Le fait, pour un employeur d’ajouter unilatéralement un élément de neutralisation du résultat opérationnel non prévu dans l’accord d'intéressement constitue une irrégularité susceptible de requalification de l'intéressement par les Urssaf à l'occasion d'un contrôle. Dans certains cas, le versement d'une prime exceptionnelle peut empêcher un déclenchement de l'intéressement ou la possibilité de financer un supplément d'intéressement à l'ensemble des salariés. L'entreprise est alors amenée à faire un choix entre les deux dispositifs. (Inst. n° II.10).
Est-il possible de la verser sous forme de supplément d'intéressement ?
Non. Le supplément d’intéressement, quand il a été mis en place, découle directement de l’application de l’accord d’intéressement en vigueur dans l’entreprise. Le fait de verser la prime sous forme de supplément d'intéressement correspondrait à une substitution de la prime à d'autres éléments de rémunération que l'entreprise aurait dû verser, ce que la loi du 24 décembre 2018 précitée proscrit (Inst. n° II.11).
Conclusion des accords pour l’attribution de la prime
Conditions pour recourir à la ratification
L’accord pour l’attribution de la prime peut être conclu notamment à la suite de la ratification, à la majorité des 2/3 du personnel, d’un projet d’accord proposé par le chef d’entreprise. Il faut au moins qu’une organisation syndicale représentative ou que plusieurs organisations syndicales représentatives ou que le comité social et économique (CSE) se joignent à l’employeur pour demander la ratification. Si l’ensemble des organisations syndicales et le CSE s’opposent à la voie de la ratification, l’employeur ne peut pas la demander (Inst. n° III.1).
Négociation de la prime et négociations annuelles obligatoires ?
La négociation de la prime peut avoir lieu en même temps que les négociations annuelles obligatoires. En revanche, elles doivent être formalisées dans des accords distincts (Inst. n° III.1).
Dépôt de la décision unilatérale auprès de la Direccte ?
Non. Il n’y a pas obligation légale pour l’employeur de déposer auprès de la Direccte sa décision unilatérale instituant une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (Inst. n° III.4).
Régime social et fiscal de la prime
Le plafond de rémunération ouvrant droit à exonération peut-il être majoré ?
Non. Le plafond de rémunération ne peut faire l’objet d’aucune majoration à aucun titre que ce soit. Il ne peut donc pas donner lieu à une majoration au titre du nombre d’heures supplémentaires et complémentaires réalisées. Par tolérance, lorsque le franchissement du plafond de rémunération de 3 Smic annuels résulte du versement postérieur à la décision d’attribution de la prime d’éléments de rémunération dont le montant ne pouvait être pris en compte lors de cette décision d’attribution, le plafond sera regardé comme respecté (Inst. n° V. 2).
A noter : L’administration indique ici que le renvoi de la loi aux dispositions concernant le calcul du coefficient de la réduction générale ne vaut que pour la détermination de la rémunération annuelle à prendre en compte afin de vérifier l’éligibilité à l’exonération. Cela sous-entend-t-il que le plafond n’a pas à être proratisé non plus ? Il aurait été bienvenu de préciser explicitement la solution à retenir.
La prime versée à des salariés des services à la personne est-elle éligible au crédit d’impôt ?
Oui. En tant que complément de rémunération du salarié, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat constitue une dépense ouvrant droit au bénéfice du crédit d’impôt prévu à l’article 199 sexdecies du CGI dès lors qu’elle se rapporte à l’emploi d’un salarié à domicile (Inst. n° V.5).
Conséquences du non-respect des conditions d’attribution de la prime
Le bénéfice de l’exonération est conditionné pour l’employeur au respect de l’ensemble des conditions d’attribution. Toutefois, afin d’éviter la remise en cause de l’ensemble de l’exonération, en cas de contrôle ultérieur donnant lieu au constat de l’absence de respect de l’une ou de plusieurs de ces conditions, les employeurs seront invités dans un premier temps à régulariser cette situation. En outre, à défaut, le redressement pourra être opéré dans des conditions similaires à celles applicables pour le contrôle de l’application des règles liées au caractère obligatoire et collectif des systèmes de garanties de protection sociale complémentaire fixées à l’article L 133-4-8 du CSS autorisant à réduire le redressement à proportion des seules erreurs commises.
Ainsi, en pratique, le redressement sera réduit à hauteur des cotisations et contributions sociales dues sur les seules sommes faisant défaut ou excédant les conditions et limites prévues par la loi :
- les sommes faisant défaut pourront être calculées en fonction du montant moyen de prime attribué et du nombre de salariés omis ou, lorsque la modulation n’était pas autorisée, en fonction de l’écart entre le montant des primes réduites à tort et le montant des primes non modulées défini par l’employeur ;
- les sommes en excédent correspondront notamment aux sommes exonérées versées à des salariés dont la rémunération excéderait le plafond défini dans l’entreprise ou attribuées en substitution à d’autres éléments de rémunération.
Par ailleurs, en cas d’exonération par l’employeur des primes versées aux salariés dont la rémunération excéderait le plafond de 3 Smic annuels ou le plafond de 1000 € par salarié, seule la part excédant ces limites sera assujettie dans les conditions de droit commun (Inst. n° VI.1).
A notre avis : Dans ce dernier cas, on peut se demander à quoi correspond la part excédant le plafond de 3 Smic visée par l’administration. Selon nous, cela voudrait dire que pour les salariés qui auraient reçu une prime exceptionnelle sans pouvoir bénéficier du régime social et fiscal en raison de leur niveau de rémunération, il faudrait réintégrer la prime versée dans l’assiette des cotisations et de l’impôt.