Revendiquer un bien meuble détenu par une entreprise en procédure collective (par exemple des marchandises vendues avec réserve de propriété) suppose de respecter une procédure stricte : le revendiquant doit, dans les trois mois de la publication du jugement ouvrant la procédure collective, présenter sa demande par lettre recommandée AR à l’administrateur en cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou au liquidateur judiciaire en cas de liquidation judiciaire ; si celui-ci ne donne pas son accord à la revendication dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande, le revendiquant doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire au plus tard dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse (C. com. art. L 624-9 et R 624-13).
Après la mise en liquidation judiciaire, un 10 septembre, d’une entreprise à laquelle il a vendu des marchandises avec réserve de propriété, un fournisseur demeuré impayé déclare sa créance puis revendique les marchandises par un courrier adressé le 1er octobre au liquidateur judiciaire qui le reçoit le 5 octobre mais n’y répond pas. Prétendant avoir, par une requête du 25 novembre, saisi le juge-commissaire de sa demande en revendication, le fournisseur adresse au greffe du tribunal la même demande le 6 décembre.
Une cour d’appel juge la demande en revendication irrecevable car, d’une part, le fournisseur ne prouve pas l’enregistrement de sa requête au juge-commissaire et, d’autre part, sa demande du 6 décembre est tardive, faute d’avoir été faite dans le mois suivant l’expiration du délai de réponse dont disposait le liquidateur.
La Cour de cassation censure cette décision : le liquidateur ayant reçu la demande en revendication le 5 octobre, le délai de réponse expirait le 5 novembre ; le fournisseur pouvait donc saisir le juge-commissaire jusqu'au dimanche 5 décembre, ce délai étant prorogé jusqu'au lundi 6 décembre, premier jour ouvrable suivant.
A noter : stricte application des règles de computation des délais fixées par le Code de procédure civile.
Le délai exprimé en mois expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l’acte ou de l’événement qui fait courir le délai (CPC art. 641), ici la demande amiable de revendication adressée à l’administrateur ou au liquidateur. Certes, mais quelle date faut-il prendre en compte, celle à laquelle la demande a été adressée ou celle à laquelle elle a été reçue ? La date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre (CPC art. 668). En l’espèce, le délai dans lequel le liquidateur devait répondre débutait à date de réception de la lettre du fournisseur, le 5 octobre, et expirait un mois plus tard, soit le 5 novembre. A défaut de réponse à cette date, le fournisseur devait donc saisir le juge-commissaire au plus tard le 5 décembre avant minuit (CPC art. 642, al. 1). Or, cette année-là (2010), le 5 décembre tombant un dimanche, le fournisseur bénéficiait d’un jour supplémentaire : en effet, le délai qui expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant (art. 642, al. 2). La demande de revendication faite auprès du greffe du tribunal le 6 décembre était donc recevable.
Pour en savoir plus sur la revendication des biens meubles au cours de la procédure collective : voir Mémento Droit commercial nos 61930 s.