Après deux ans de concertation, c’est au tour de l’Assemblée nationale de se pencher sur la réforme des retraites. Le projet de loi instituant un système universel de retraite a en effet été déposé sur son bureau le 24 janvier dernier sous le numéro n° 2623. Ce texte, dont nous présentons ci-après les grandes lignes, prévoit une refonte en profondeur de nos régimes de retraite avec l’instauration d’un système unique par points.
A noter : Le texte se double d’un projet de loi organique (n° 2622) qui prévoit notamment des mesures de financement.
Les grandes lignes de la réforme
- Il est proposé de créer un système universel de retraite (SUR) remplaçant les 42 régimes existants y compris les régimes de retraite complémentaire, ce qui aurait des incidences en termes d'affiliation et sur l'actuel régime Agirc-Arrco. Des spécificités seraient toutefois maintenues pour certaines professions.
- Une Caisse nationale de retraite universelle serait mise en place dès le 1er décembre 2020, avec pour mission notamment de piloter le SUR.
- Le système universel de retraite serait un système par points dans lequel chaque heure travaillée ouvrirait droit à des points. Des points de solidarité seraient attribués pour les proches aidants et pour les parents d'un ou plusieurs enfants ou encore pour compenser les périodes d’interruption ou de réduction d'activité (ex: chômage, maladie, éducation des enfants...). Les points pourraient aussi résulter de versements volontaires (le régime d'assurance volontaure vieillesse serait unifié, les travailleurs indépendants pourraient « surcotiser » en cas de baisse d'activité, le nombre de dispositifs de rachat serait réduit, les possibilités de rachat de périodes d'études seraient assouplies et élargies, la possibilité de racheter les périodes de stage serait instaurée).
- Les valeurs d’acquisition et de service du point évolueraient chaque année et seraient, à compter du 1er janvier 2045, indexées sur les revenus. Jusqu'à cette date, la valeur du point devrait évoluer selon un pourcentage compris entre l'inflation et l'évolution du revenu moyen par personne selon des modalités fixées par décret.
- Si l’âge légal de départ à la retraite n’est pas modifié (62 ans), la retraite ne serait « à taux plein » que pour les assurés partant à un âge dit d’équilibre qui reste à définir. Un bonus/malus serait appliqué aux assurés partant après/avant cet âge. Ce coefficient d'ajustement devrait être fixé dans un premier temps à 5%. Sa valeur pourrait évoluer chaque année.
- Une retraite minimale correspondant à 85 % du Smic serait instaurée pour tous les assurés ayant effectué une carrière complète avec des revenus modestes à compter du 1er janvier 2025. Dès 2022, une retraite minimale d'un montant de 1 000 € net serait garantie aux travailleurs indépendants et aux exploitants agricoles remplissant les conditions d'éligibilité.
- Certains assurés conserveraient la possibilité de liquider leur pension avant l’âge légal pour carrière longue, handicap, incapacité permanente, ou en utilisant leur compte professionnel de prévention.
- La retraite progressive serait étendue à de nouveaux bénéficiaires et assouplie. Le cumul emploi-retraite ouvrirait de nouveaux droits à retraite.
- Dans le nouveau système, la retraite de réversion serait attribuée au conjoint survivant à partir de 55 ans sous réserve de remplir une condition de durée de mariage avec l’assuré décédé ; elle compléterait sa retraite propre ou ses revenus d’activité jusqu’à représenter 70 % de la valeur des points acquis par le couple.
- Les droits à retraite seraient financés par une cotisation plafonnée (dont le taux devrait être fixé à 25,31 %, selon l'exposé des motifs) jusqu'à 3 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass). La solidarité serait financée par une cotisation déplafonnée (qui devrait correspondre à 2,81 % ) assise sur la totalité des revenus d'activité des salariés et assimilés.
- Les cotisations d’assurance vieillesse des travailleurs indépendants seraient alignées sur celles dues sur les salaires et augmenteraient ainsi sensiblement.
- Le conseil d’administration de la caisse nationale de retraite universelle pourrait, sous certaines conditions, proposer des ajustements de tout ou partie des paramètres de calcul des retraites pour assurer l’équilibre financier du système universel ; ce pilotage s'appuierait sur deux procédures, l'une annuelle, l'autre quinquennale.
- Le SUR entrerait en vigueur le 1-1-2022 pour les assurés nés à compter du 1-1-2004 et le 1-1-2025 pour ceux nés à compter du 1-1-1975. Une ordonnance devrait prévoir la conservation à 100 % des droits constitués dans les régimes antérieurs.
- De nombreuses autres ordonnances (29 au total) devraient compléter le dispositif.
Un calendrier serré
Examinés en commission depuis le 3 février dernier, le projet de loi portant réforme des retraites et le projet de loi organique seront discutés par les députés à compter du 17 février pour un vote prévu le 3 mars 2020, avant d’être transmis au Sénat. Le Gouvernement ayant engagé la procédure accélérée, ils devraient être adoptés définitivement d’ici à l’été.
A noter : Ces textes feront sans doute l’objet de très nombreux amendements de la part des parlementaires. Pour sa part, le Gouvernement pourrait déposer des amendements et adopter des dispositions complémentaires, notamment par voie d’ordonnances, pour tenir compte des concertations encore en cours, notamment sur le minimum de retraite, les fins de carrière, la pénibilité ou la santé au travail, et de la conférence de financement, qui, ouverte par le premier ministre le 30 janvier dernier, doit proposer fin avril des mesures permettant d'atteindre l'équilibre financier des régimes de base en 2027.
Pour en savoir plus sur la réforme des retraites : voir notre Feuillet Rapide Social 4/20 inf. 10