Une personne achète toutes les parts composant le capital d’une SARL et promet, par un acte signé le même jour et sans limite de délai, d’en revendre la quasi-totalité pour 25 000 € à l’un des cédants. Ce dernier accepte la promesse, se réservant le droit d’en demander ou non la réalisation. Près de douze ans après, il notifie sa décision d’acquérir au promettant puis, devant le refus de celui-ci de signer l’acte de cession, il demande en justice l’exécution forcée de la cession. Le promettant s’y oppose, soutenant que la promesse est devenue caduque.
La Cour de cassation accueille cet argument. Il résultait des éléments suivants que les parties avaient eu la commune intention de fixer un délai raisonnable pour la levée de l'option et que, compte tenu des circonstances, la caducité de la promesse unilatérale de vente était acquise au moment où son bénéficiaire avait exercé l'option : la convention conclue constituait, non pas une simple offre de contracter, mais une promesse unilatérale de vente à durée indéterminée, qui doit demeurer tant que le bénéficiaire n'a pas renoncé à acquérir les parts sociales et l'engagement du promettant ne peut être rétracté sans que l'autre partie soit préalablement mise en demeure d'accepter ou de refuser l'achat ; toutefois, l'option, qui ne pouvait pas être levée par le bénéficiaire avant un délai d'un an, l'avait été plus de onze ans et quatre mois plus tard ; ce délai ne pouvait pas être analysé, eu égard à la volonté manifestée par les parties au moment de la signature de la convention, comme un délai raisonnable, faisant ainsi disparaître le consentement donné au moment de la conclusion de la promesse ; malgré l'absence de fixation d'un terme à la promesse, la volonté réelle du promettant n'était pas de s'engager à titre perpétuel envers le bénéficiaire de la promesse à lui céder la majorité du capital de la société à un prix dépourvu de tout mécanisme d'indexation.
A noter La rareté de la situation de l’espèce confère un intérêt particulier à cette décision, qui, rendue à propos d’une promesse de cession de droits sociaux, est transposable à toute promesse de contracter.
La promesse unilatérale est désormais définie comme le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire (C. civ. art. 1124, al. 1).
Tant que la promesse n’a pas été acceptée par le bénéficiaire, elle ne constitue qu’une offre de contrat qui, comme toute offre de contracter, devient caduque à l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l'issue d'un délai raisonnable (C. civ. art. 1117, al. 1 issu de ord. 2016-131 du 10-2-2016 ; auparavant, Cass. 3e civ. 20-5-1992 n° 90-17.647 P : RJDA 11/92 n° 998 ; Cass. com. 27-4-2011 n° 10-17.177 F-D).
Une fois acceptée par le bénéficiaire, la promesse confère à celui-ci le droit de décider s'il lèvera ou non l'option dans le délai consenti. Si elle ne comporte aucun délai, la promesse ne devient caduque – selon la doctrine majoritaire – qu’à l’expiration du délai de prescription de droit commun de cinq ans prévu par l’article 2224 du Code civil (Ph. Malaurie et L. Aynès, Les contrats spéciaux, éd. Defrénois 2009 n° 114 ; F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations : Précis Dalloz 10e éd. n° 193), de sorte que le bénéficiaire peut exercer son droit d'option pendant toute cette durée. Toutefois, le promettant peut se libérer de la promesse soit après avoir mis en demeure le bénéficiaire d'accepter ou de refuser de conclure le contrat dans un délai déterminé, soit en prouvant la renonciation du bénéficiaire à se prévaloir de la promesse (Cass. civ. 4-4-1949 : D. 1949 p. 316 ; Cass. 3e civ. 24-4-1970 n° 68-10.536 : Bull. civ. III n° 279 ; pour une renonciation, Cass. com. 26-1-1993 n° 91-12.606 D : RTD civ. 1994 p. 587 obs. J. Mestre).
La solution retenue par la Cour de cassation dans l’espèce ci-dessus ne remet pas en cause ces principes. Mais elle réserve l’hypothèse où l’exigence d’un délai raisonnable pour la levée de l’option résulte de la commune intention des parties manifestée lors de la conclusion de la promesse. Cette intention, souverainement appréciée par les juges du fond, a été ici déduite des termes de la promesse : elle comportait un délai d’attente (l’option ne pouvait pas être levée la première année) et l’engagement du promettant de ne pas disposer des parts sociales à titre onéreux ou gratuit, mais aucune clause d’indexation du prix de cession n’était prévue.
Le promettant a pu ainsi échapper à une cession très désavantageuse pour lui : le prix initialement fixé en raison des difficultés rencontrées par la société au moment de la promesse ne correspondait plus du tout, onze ans plus tard, à la valeur réelle des parts, la situation de la société s’étant améliorée sous la gestion du promettant.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 11928
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