Si, dans une entreprise, deux plans de sauvegardes de l’emploi (PSE) se succèdent dans le temps, des salariés licenciés pour motif économique, bénéficiant des mesures prévues par le premier plan, peuvent-ils revendiquer, au nom du principe de l’égalité de traitement, l’application des mesures plus favorables prévues par le second plan ? Dans deux arrêts en date du 29 juin 2017, la Cour de cassation répond par la négative à cette question.
Le principe d’égalité de traitement est applicable au sein d’un même PSE…
En vertu d’une jurisprudence constante, le principe de l’égalité de traitement est applicable au sein du même plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, si un tel plan peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu’une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes. Les règles déterminant les conditions d'attribution de cet avantage doivent alors être préalablement définies et contrôlables (Cass. soc. 10-7-2001 n° 99-40.987 FS-PBRI ; Cass. soc. 12-7-2010 n° 09 15.182 FS-PB ; Cass. soc. 9-7-2015 n° 14 16.009 FS-PB).
… mais pas entre des PSE différents, élaborés dans des procédures de licenciement successives
En cas de PSE successifs, la situation était moins claire. La chambre sociale avait paru admettre implicitement la possibilité d’appliquer le principe d’égalité de traitement entre deux PSE prévoyant une indemnité complémentaire de licenciement d’un montant différent, tout en écartant l’application de ce principe du fait de la différence de situation dans laquelle étaient placés les salariés relevant de ces deux plans : difficultés particulières de reclassement pour les salariés licenciés dans le cadre du second, fermeture de l'entreprise, niveau de qualification des intéressés et situation de l'emploi aux différentes époques (Cass. soc. 10-12-2003 n° 01-47.147 F-D). Reste qu’il s’agissait d’un arrêt isolé et non publié.
En tout état de cause, la chambre sociale vient de prendre la position inverse.
Dans la première affaire (n° 15-21.008), un premier PSE avait été arrêté en 2009, puis un autre l’année suivante. Un salarié, relevant des mesures du premier plan, avait saisi le juge prud’homal, en se prévalant notamment d’une violation du principe d’égalité de traitement. Selon lui, le plan de 2010, en prévoyant une indemnité complémentaire de licenciement et une durée plus longue pour le congé de reclassement, comportait une différence injustifiée, dont il pouvait demander la réparation devant le juge.
Dans la seconde affaire (n° 16-12.007), 69 salariés avaient été licenciés pour motif économique suivant un PSE établi en 2005. Puis, en 2007, il avait été décidé de la fermeture du site, et un plan concernant les salariés restants avait prévu une indemnité spécifique de fermeture du site, dont les premiers salariés n’avaient donc pas bénéficié.
La chambre sociale de la Cour de cassation casse les deux arrêts des cours d’appel qui avaient fait droit aux demandes des salariés en faisant application du principe de l’égalité de traitement. Dans la mesure où deux procédures de licenciement économique collectif avaient été successivement engagées, accompagnées de PSE distincts, les salariés licenciés dans le cadre de la première procédure n’étaient pas dans une situation identique à celle des salariés licenciés dans le cadre de la seconde, au cours de laquelle avait été élaboré, après information et consultation des institutions représentatives du personnel, le plan prévoyant l’avantage revendiqué. En conséquence, les salariés concernés ne pouvaient pas invoquer l’application du principe d’égalité de traitement pour prétendre au bénéfice des avantages prévus par le second plan.
Même si les deux arrêts ne le mentionnent pas, la réserve de la fraude devrait être toujours applicable. Ainsi, un découpage artificiel d’une même restructuration en deux plans distincts devrait être sanctionné, notamment au titre du principe d’égalité de traitement. On peut supposer que le Conseil d’Etat, appelé depuis la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 à contrôler le contenu des PSE, adoptera la même solution.
Une solution explicable à plusieurs titres
La solution retenue dans ces deux arrêts s’explique à plusieurs titres. Comme le souligne la Cour de cassation sur son site internet, les PSE, établis par l’employeur dans le cadre de procédures successives en fonction des besoins des salariés concernés par chacune des procédures et des moyens de l’entreprise ou du groupe, évalués au moment de leur élaboration, répondent à des circonstances particulières et présentent nécessairement un équilibre qui leur est propre.
Tout d’abord en effet, les évolutions économiques et sociales sont très rapides et, en l’espace de quelques mois, la situation économique et financière d’une entreprise peut devenir très différente.
En second lieu, même lorsque le PSE ne résulte pas, comme dans les deux espèces soumises à la Cour de cassation, d’un accord collectif, mais d’une décision unilatérale de l’employeur, les mesures d’accompagnement prévues par le plan sont issues d’une négociation avec les institutions représentatives du personnel, ce que semble souligner l’attendu de la Cour aux termes duquel le plan est élaboré « après information et consultation des institutions représentatives du personnel », ce qui leur donne une certaine légitimité. L’application du principe d’égalité de traitement dans de telles situations paralyserait la négociation du second PSE, puisque toute mesure plus avantageuse accordée par l’employeur dans le second plan devrait rétroactivement être accordée également aux salariés licenciés dans le cadre du premier plan. Les employeurs seraient alors incités à ne rien accepter qui ne soit déjà prévu dans le premier PSE.
Enfin, il serait délicat, concernant l’application dans le temps, de déterminer jusqu’à quelle période il aurait fallu considérer que les salariés licenciés étaient dans la même situation que ceux visés par la précédente restructuration.