Longtemps il aura fallu attendre pour voir éclore la réforme du droit de la publicité foncière. Réclamée par les praticiens dès le lendemain de la première réforme des sûretés (Ord. 2006-346 du 23-3-2006), cette rénovation est devenue de plus en plus nécessaire avec le développement de la dématérialisation des échanges, l’augmentation du nombre de transactions immobilières, l’engorgement progressif des services de la publicité foncière (SPF) et la multiplication de réformes impactant le droit immobilier peu ou mal incorporées aux décrets 55-22 du 4 janvier et 55-1350 du 14 octobre 1955, notamment : réforme de la propriété des personnes publiques (Ord. 2006-460 du 21-4-2006), réforme de la saisie immobilière (Ord. 2006-461 du 21-4-2006), création de l’acte d’avocat (Loi 2011-331 du 28-3-2011), réforme des obligations (Ord. 2016-131 du 10-2-2016), nouvelle réforme des sûretés (Ord. 2021-1192 du 15-9-2021). L’ensemble a abouti à des textes décousus, obsolètes sur bien des points et à la rédaction surannée, rendant urgente une remise à plat générale pour assurer la sécurité juridique des usagers et, plus généralement, du commerce de l’immobilier.
La c ommission de réforme de la publicité foncière dirigée par le professeur Laurent Aynès, missionné par le ministère de la justice et le ministère de l’économie et des finances, a mené une première réflexion ayant donné lieu à un rapport et un avant-projet de réforme remis au ministre de la justice le 12 novembre 2018 (SNH 38/18 inf. 1 et 12).
À la suite de ces travaux, et compte tenu de la technicité du sujet, le Gouvernement a été habilité à réformer ce pan du droit par ordonnance (Loi 2022-217 du 21-2-2022 art. 198). Le délai initialement imparti s’étant avéré insuffisant, une seconde loi d’habilitation a accordé un délai supplémentaire jusqu’au 30 juin 2024 (Loi 2023-1059 du 20-11-2023 art. 51). C’est en application de ce texte qu’a été prise l’ordonnance modifiant et codifiant le droit de la publicité foncière (Ord. 2024-562 du 19-6-2024 et Rapport au Président de la République : JO 20 textes nos 34 et 35).
Principes généraux – Dispositions communes aux différentes formalités
Organisation des textes
L’ordonnance procède à une codification bienvenue des règles de publicité foncière. La matière, qui était auparavant régie par un décret-loi (Décret 55-22 du 4-1-1955), sera désormais intégralement intégrée au Code civil pour ses dispositions de nature législative. Corrélativement, le décret 55-22 du 4 janvier 1955 sera abrogé lorsque la réforme réalisée par l’ordonnance du 19 juin 2024 entrera en vigueur (voir n° 25).
Les articles 710-1 à 710-47 nouveaux du Code civil traitent des règles générales de la publicité foncière et des publications. Les articles 2421 à 2449 préexistants du Code civil sont, quant à eux, réécrits pour régir les inscriptions hypothécaires. Ces règles seront complétées par un décret d’application qui précisera de nombreux détails du dispositif.
Les règles figurant au Code civil sont ainsi beaucoup plus claires et épurées, respectant l’objectif de lisibilité assigné par la loi d’habilitation. Les décrets de 1955 souffraient, en effet, d’un vaste mélange des dispositions de natures législative et réglementaire respectant mal la hiérarchie des normes, source de leur inintelligibilité. La matière y gagne amplement en clarté.
Service public
La publicité foncière reçoit enfin une définition officielle : il s’agit de l’opération par laquelle l’état des droits réels portant sur les immeubles est rendu public, à des fins d’opposabilité aux tiers ou d’information (C. civ. art. 710-1 nouveau). Pour ce faire, l’État tient un fichier immobilier sur lequel sont répertoriés des extraits des documents rendus publics. Ce fichier présente la situation juridique des immeubles telle qu’elle résulte de ces documents (C. civ. art. 710-2 nouveau).
Cette mission reste l’apanage du service chargé de la publicité foncière (SPF), qui a succédé au conservateur des hypothèques le 1er janvier 2013 (Ord. 2010-638 du 10-6-2010), désigné tout au long de l’ordonnance comme l’organe central du système. Le choix n’a donc pas été fait pour l’instant de confier le fichier immobilier à un organe extérieur à l’État.
Comme auparavant, l’État encourt une responsabilité civile pour les fautes commises par les SPF (C. civ. art. 710-21 nouveau). Compte tenu de l’apparition de la consultation directe du fichier immobilier (ANF), cette responsabilité est cantonnée : elle ne couvre pas les erreurs commises lors de l’exploitation des données ainsi mises à la disposition des usagers, et lors de leurs propres recherches complémentaires dans le fichier (C. civ. art. 710-20, 3° nouveau).
Effet relatif
Le principe de l’effet relatif est réaffirmé comme une règle essentielle du système. Ce principe, sans être rebaptisé, n’est plus expressément nommé de la sorte car cette dénomination malheureuse prêtait à confusion avec l’effet relatif des conventions (C. civ. art. 1199).
Il est expressément indiqué que le titulaire du droit réel immobilier mentionné dans le document publié doit être le dernier titulaire de ce droit au fichier immobilier (C. civ. art. 710-5 nouveau). Le texte intègre ainsi la jurisprudence « Hedreul » qui écartait de longue date l’application du deuxième alinéa de l’article 34, 2 du décret du 14 octobre 1955 pour éviter la création de doubles chaînes de propriété sources de litiges (Cass. 3e civ. 12-6-1996 n° 94-18.004).
Le texte intègre aussi quelques exceptions à cette règle dégagées par la doctrine de l’ancienne Association des conservateurs (Bull. AMC art. 1877) et justifiées par la rétroactivité de certaines situations particulières : acte confirmatif, annulation d’un acte, etc. (C. civ. art. 710-11 nouveau).
Refus et rejet
Sur ce point, l’esprit demeure mais les textes sont totalement refondus (C. civ. art. 710-7 à 710-13 nouveaux). Leur rédaction didactique, qui décrit les opérations de dépouillement réalisées par les SPF, permettra aux usagers de mieux comprendre le traitement des formalités et, partant, les sanctions encourues et la nature du problème sanctionné. Le regroupement des causes de refus et de rejet en quelques articles seulement facilite la lecture, alors que les fondements étaient particulièrement épars jusqu’à présent. Il est expressément indiqué que ces causes sont limitatives (C. civ. art. 710-9 et 710-12 nouveaux).
Le rejet est renommé « suspension », dans l’attente d’une régularisation, puis « arrêt » des opérations de publicité, à défaut de régularisation, pour éviter toute confusion avec le « refus » du dépôt.
Les sanctions sont unifiées, qu’il s’agisse de la publication d’un acte ou de l’inscription d’une sûreté, alors qu’une différence de traitement existait jusqu’à présent (par clémence, les textes sanctionnaient les inscriptions plus souvent d’un simple rejet pour éviter la perte de rang). Le critère est désormais énoncé de façon générale : le « refus » sanctionne le défaut d’un élément essentiel d’identification des personnes ou des biens, ou le défaut de certificat d’identité ou de certificat de conformité. La « suspension » intervient en cas de discordance du document avec les mentions des documents figurant au fichier.
Parallèlement, les causes fiscales de refus demeurent (notamment, l’absence de provision).
La présentation d’un acte hors champ d’application de la publicité foncière, lequel sera précisé par le décret d’application, devrait également donner lieu à un refus (Rapport sur l’ordonnance p. 6).
Seuls le refus du dépôt et l’arrêt des opérations, à l’exclusion de la suspension, peuvent être contestés en justice (C. civ. art. 710-19 nouveau). Il en était déjà ainsi, mais la règle était souvent mal comprise par les usagers.
Consultation des informations du fichier immobilier
À ce sujet, le nouveau texte est nettement simplifié et s’aligne sur les pratiques actuelles marquées par la dématérialisation.
Les principes actuels sont maintenus (délivrance des renseignements sur 50 ans, certificat de dépôt pour les actes en cours de traitement, principe de conformité absolue entre la demande et la réponse, etc.).
Au titre des nouveautés, l’État aura l’obligation de purger le fichier immobilier des inscriptions périmées ou radiées, puisqu’il ne doit délivrer les informations que sur les inscriptions en cours ou subsistantes (C. civ. art. 710-17, al. 5 nouveau). Par ailleurs, l’ordonnance donne un fondement législatif au dispositif Accès des notaires au fichier immobilier (ANF), qui se trouve ainsi pérennisé (C. civ. art. 710-18 nouveau). Les commissaires de justice et les avocats auront pareillement la possibilité de mettre en place, à leur charge, leur propre traitement automatisé aux mêmes fins (C. civ. art. 710-18, al. 4 nouveau).
Publication d’actes
Champ d’application de la publicité foncière
Le périmètre des actes concernés est redéfini par une formule générique très large : sont soumis à la publication les actes et décisions, assortis ou non d’une condition, relatifs à la titularité d’un droit réel immobilier ou qui affectent ou sont susceptibles d’affecter l’existence, l’usage ou la disposition de ce droit, ou la désignation de l’immeuble sur lequel il porte ou encore la désignation des personnes (C. civ. art. 710-22 nouveau). Sont également soumis à publication les actes et décisions déclaratifs, confirmatifs, et les transmissions ou constitutions de droit réel immobilier par décès (C. civ. art. 710-23 et 710-24 nouveaux).
Terminée la longue et fastidieuse énumération-catalogue qui figurait jusqu’ici aux articles 28, 35, 36 et 37 du décret du 4 janvier 1955. Toutefois, le risque est grand de voir celle-ci réapparaître à travers le décret d’application chargé de préciser ce chapitre (C. civ. art. 710-40 nouveau). Il est déjà annoncé que ce décret contiendra une liste limitative des actes et décisions admis à la publicité foncière, sous peine de refus (Rapport sur l’ordonnance p. 6).
On notera que les baux de plus de 12 ans ne sont plus soumis à la publicité foncière. Seuls demeurent concernés ceux créant un droit réel pour le preneur (bail à construction, bail emphytéotique, etc.). En conséquence, le régime fiscal du crédit-bail est adapté : le tarif de faveur des droits de mutation sur l’acquisition de l’immeuble par la société de crédit-bail (0,70 %) est acquis à condition que le contrat soit publié si cet acte est soumis à publicité foncière (CGI art. 1594 F quinquies, H issu de l’ord 2024-562 art. 15, 10°). Rappelons que le crédit-bail n’est pas soumis à publicité foncière en tant que tel, mais uniquement en fonction des stipulations qu’il contient. Par suite, sa publication est obligatoire s’il crée un droit réel au profit du preneur ou contient une restriction au droit de disposer du bailleur, par exemple. S’il contient uniquement une promesse unilatérale de vente, sa publicité est facultative.
Le contrat de promotion immobilière sort également du domaine de la publicité foncière (CCH art. L 221-6 abrogé par l’ord 2024-562 art. 12 ; Rapport sur l’ordonnance p. 10).
Les transmissions ou constitutions de droits réels immobiliers résultant d’une loi devront désormais faire l’objet d’un acte publié (par exemple, les transmissions universelles de patrimoine entre personnes publiques), tout comme la prescription acquisitive (C. civ. art. 710-25 et 710-26 nouveaux). La pratique de la publication d’un acte de notoriété acquisitive, qui n’était nullement obligatoire, se trouve ainsi consacrée.
Comme auparavant, l’attestation de propriété immobilière après décès peut être évitée si un acte de partage est publié (C. civ. art. 710-24 nouveau). Le délai de 10 mois pour effectuer la publication du partage disparaît, comme les autres délais pour publier (voir n° 23). Il n’était déjà plus respecté par les SPF dans les faits.
Enfin, la promesse unilatérale de vente reste admise à la publicité facultative (C. civ. art. 710-28 nouveau).
Le pacte de préférence n’est pas cité par l’ordonnance. La jurisprudence l’analysait jusqu’à présent comme une promesse unilatérale conditionnelle pour les besoins de la publicité foncière (Cass. 3e civ. 16-3-1994 n° 91-19.797). Cette analyse nous semble pouvoir être maintenue, de sorte que le pacte de préférence resterait soumis à publicité facultative. Ce point sera sans doute précisé par le décret.
La promesse synallagmatique de vente ne fait pas l’objet de dispositions particulières. Selon nous, elle doit être publiée immédiatement en tant que vente d’immeuble conditionnelle selon le droit commun. La commission Aynès avait proposé d’édicter un tarif réduit de contribution de sécurité immobilière (CSI) pour faciliter la publication de ces actes. Elle n’a pas été suivie.
Exigence d’un acte authentique
Les règles de l’ancien article 710-1 du Code civil sont reprises et reformulées avec peu de changements sur le fond. Ceux-ci portent sur les points suivants.
L’ancienne règle, qui limitait la publication aux « décisions juridictionnelles » dans le but d’exclure les jugements d’homologation d’acte sous signature privée (SSP), est élargie et admet la publication des « décisions judiciaires ». Toutefois, les actes SSP, même homologués par un juge, sont aussitôt écartés (C. civ. art. 710-29 nouveau).
Pour la même raison sans doute, l’exception bénéficiant autrefois aux jugements d’adjudication n’existe plus. Il faut penser que ceux-ci sont désormais compris dans les décisions judiciaires publiables.
La règle est précisée s’agissant des actes SSP : ils sont expressément exclus de la publicité, même contresignés « par un avocat », ce qui n’apparaissait pas clairement jusqu'à maintenant.
Plusieurs difficultés sont résolues (C. civ. art. 710-30 et 710-31 nouveaux) : les demandes en justice peuvent être publiées même si elles figurent dans des conclusions d’avocat, et non plus seulement dans l’assignation ; l’exception de publication profitant aux procès-verbaux de délibérations d’assemblées générales relatifs à l’apport de biens ou droits immobiliers est rédigée plus largement et n’est ainsi plus cantonnée aux seules sociétés ; enfin, les actes reçus par les officiers publics ou ministériels étrangers, exclus de la publicité foncière française en 2011 (Décret 55-22 du 4-1-1955 art. 4, al. 3 tacitement abrogé par C. civ. art. 710-1 dans sa rédaction issue de la loi 2011-331 du 28-3-2011), redeviennent publiables en France après dépôt au rang des minutes d’un notaire français chargé de contrôler les conditions de leur acceptation ou de leur reconnaissance.
Opposabilité aux tiers du premier acte publié
L’opposabilité aux tiers du premier titre publié fait son grand retour. Elle n’est plus subordonnée à la bonne foi du premier publiant (C. civ. art. 1198, al. 2, abrogé par l’ord 2024-562 art. 10, 3°), la seule réserve émise étant celle de la fraude selon le droit commun (C. civ. art. 710-37, al. 2 nouveau). Il s’agit là d’une règle affirmée comme cardinale (Rapport sur l’ordonnance p. 7). Cette règle objective facilitera la résolution des conflits entre publications concurrentes.
Cette opposabilité est obtenue par la publication, c’est-à-dire la conservation de la copie du document par le SPF, et la mention du document au fichier immobilier (C. civ. art. 710-32, al. 1 nouveau). En effet, cette mention au fichier participe de l’opposabilité (Rapport sur l’ordonnance p. 6). Cette précision intègre la jurisprudence qui considère comme non publiée une disposition contenue dans un acte déposé au SPF, mais non portée elle-même au fichier immobilier (Cass. 3e civ. 15-10-2015 n° 14-20.400 FS-PB : RJDA 2/16 n°99).
L’opposabilité est nouvellement attachée à la publication des obligations réelles environnementales (C. envir. art. L 132-3 dans sa rédaction issue de l’ord. 2024-562 art. 13), à celle du contrat de location-accession (Loi 84-595 du 12-7-1984 art. 4 dans sa rédaction issue de l’ord 2024-562 art. 20), des conventions d’indivision, des conventions relatives à l’exercice d’une servitude, ainsi que des promesses unilatérales de vente (Rapport sur l’ordonnance p. 7 ; C. civ. art. 710-32 nouveau). Pour ces dernières, ceci renforce l’intérêt de leur publication, laquelle est facultative.
Le régime spécial d’opposabilité des donations immobilières, qui étaient opposables plus largement qu’aux « tiers » au sens de la publicité foncière, est abrogé pour s’aligner sur le droit commun (C. civ. art. 939, 940 et 941 abrogés par l’ord. art. 10, 1° ; Rapport sur l’ordonnance p. 3).
Lorsqu’une partie est dans l’impossibilité de procéder à la publication d’un acte, donc d’obtenir l’opposabilité, en raison du refus de l’autre partie de concourir à l’acte, elle conserve la faculté d’effectuer une prénotation. Toutefois, celle-ci ne peut désormais prendre que deux formes : soit un acte notarié constatant le refus ou l’absence de concours de l’autre partie (PV de carence) ; soit une demande en justice aux fins de publication (C. civ. art. 710-38 nouveau). La troisième voie, consistant à dresser un acte notarié unilatéral contenant la seule déclaration de volonté du bénéficiaire d’exiger la réitération par acte authentique, est supprimée (Décret 55-22 du 4-1-1955 art. 37, 2-3° ancien).
Les demandes en justice soumises à publication et non publiées seront soumises à une sanction spécifique déterminée par décret (C. civ. art. 710-40 nouveau), probablement la caducité de l’assignation (Rapport sur l’ordonnance p. 7), et non plus l’irrecevabilité de la demande, qui pose de grandes difficultés pratiques.
Inscriptions hypothécaires
Publicité facultative
Les articles 2421 à 2449 du Code civil relatifs à la publicité des hypothèques sont réécrits pour plus de lisibilité et une meilleure organisation. Mais la plupart des dispositions sont reprises à droit constant. Les nouveautés sont les suivantes.
Est clairement énoncé le principe selon lequel la publicité des hypothèques – c’est-à-dire l’inscription – est facultative (C. civ. art. 2421 nouveau). Elle doit être faite à la requête du titulaire de l’hypothèque (C. civ. art. 2424 nouveau).
Les frais d’inscription, s’ils doivent toujours être supportés par le débiteur, doivent désormais être avancés par le créancier inscrivant, sauf stipulation contraire (C. civ. art. 2427 nouveau).
Principe de non-présentation du titre
Cette règle, qui autorise le SPF à inscrire une sûreté sur la simple présentation de bordereaux d’inscription, est étendue à l’ensemble des hypothèques (C. civ. art. 2426 nouveau). Elle ne bénéficiait précédemment qu’aux sûretés conventionnelles et légales à l’exclusion de l’hypothèque légale attachée aux jugements de condamnation et de l’hypothèque judiciaire. Ce changement renforce le rôle des professionnels du droit (avocat, commissaire de justice) et allège corrélativement la tâche des SPF, pour ne pas retarder l’accomplissement de l’inscription (Rapport sur l’ordonnance p. 4).
Intérêts garantis
La règle relative aux sommes garanties par l’inscription est reformulée pour plus de clarté : l’inscription garantit le capital et les accessoires tels qu’ils sont mentionnés au bordereau. Elle garantit aussi les intérêts et arrérages à échoir pour les 3 années précédant le moment auquel l’immeuble est purgé du droit de suite (C. civ. art. 2429 nouveau). Autrement dit, les intérêts conventionnels non mentionnés au bordereau sont garantis de plein droit dans la limite de 3 ans. Au-delà, ils devront faire l’objet d’une inscription complémentaire pour être garantis, à moins qu’ils n’aient été mentionnés au bordereau.
Mentions en marge
La notion est reformulée de façon générale, pour une meilleure compréhension. Il s’agit de toute modification qui n’aggrave pas la situation du débiteur (C. civ. art. 2438). Son domaine est mieux défini également : la mention en marge ne peut être apposée que sur un bordereau d’inscription d’hypothèque ou un commandement de payer valant saisie ou un acte de saisie pénale (C. civ. art. 710-42 nouveau). On doit en déduire qu’elle ne s’applique pas aux actes publiés. Cette disposition confirme la doctrine et la jurisprudence selon lesquelles il n’est pas possible d’ordonner aux parties de radier une publication, telle une prénotation par exemple (Bull. AMC art. 1758 ; Cass. 3eciv. 15-6-2017 n° 16-12.817 FS-PBRI : Sol. Not. 8/17 inf. 221), ce que font pourtant régulièrement les tribunaux, plaçant le justiciable dans l’impasse.
La saisie pénale, introduite par la loi 2010-768 du 9 juillet 2010, était traitée en pratique comme la saisie immobilière pour les besoins des mentions en marge au fichier immobilier. Cette pratique trouve désormais dans l’article 710-42 une base légale.
Une précision est apportée sur le cas où le changement consiste en une prorogation de délai : celle-ci peut faire l’objet d’une mention en marge s’il s’agit de proroger la date d’exigibilité de la créance (C. civ. art. 2439, 4° nouveau). Rappelons que, si le créancier entend reporter la date extrême d’effet de l’inscription, c’est par un renouvellement d’inscription qu’il doit procéder. Cette clarification est de nature à éviter des erreurs fréquentes en pratique.
C’est en ce qui concerne les conditions de forme que les nouveautés sont substantielles. Désormais, les mentions en marge seront requises par la remise au SPF d’un bordereau dans des conditions précisées par décret. Les contrôles du SPF seront limités à la régularité formelle de la requête à l’exclusion de tout autre contrôle (C. civ. art. 710-43 nouveau). Ce nouveau type de bordereau, distinct du bordereau d’inscription, pourra être dressé par une « personne habilitée », c’est-à-dire un notaire, un avocat ou un commissaire de justice (Rapport sur l’ordonnance p. 7 et 8). À l’instar de la radiation simplifiée, le contrôle des SPF sera ainsi allégé pour tout type de mention en marge en vue de gains de productivité.
Mainlevées et radiations
Comme les autres mentions en marge, la radiation d’une hypothèque se fera désormais par bordereau (voir n° 20).
Toutefois, hormis le cas des mainlevées judiciaires, le consentement du créancier devra être certifié par un acte authentique établi à cet effet (C. civ. art. 2440 nouveau). La radiation simplifiée devient ainsi la norme.
Une précision est apportée concernant la mainlevée de l’hypothèque rechargeable : celle-ci requiert le consentement de chacun des créanciers rechargés inscrits en marge, ainsi que du constituant de l’hypothèque rechargeable (C. civ. art. 2441 nouveau), reprenant ainsi les observations de la doctrine (Sol. Not. 8-9/14 inf. 192).
Dispositions diverses
Alsace-Moselle, Mayotte
Ces quatre départements demeurent soumis à leurs régimes particuliers de livre foncier (C. civ. art. 710-46 et 710-47 nouveaux).
Le Gouvernement en profite pour mettre à jour la loi du 1er juin 1924 applicable en Alsace-Moselle en en faisant disparaître les mentions relatives aux privilèges immobiliers supprimés par la réforme des sûretés (Ord. 2021-1192 du 15-9-2021).
À Mayotte, le régime du livre foncier est aligné sur les modifications opérées par l’ordonnance en droit général (Ord. 2024-562 art. 22 ; Rapport sur l’ordonnance p. 10). Ce régime converge ainsi vers le droit commun.
Délais de publication
L’ordonnance n’énonce plus de délai civil pour effectuer les formalités de publicité foncière. La commission Aynès avait préconisé une suppression pure et simple de ces délais, en pratique inutiles. En effet, le principe de la publicité foncière, qui accorde la priorité au primo-publiant, impose dans les faits de procéder aux formalités le plus rapidement possible pour prendre rang efficacement. Ceci est d’autant plus vrai en matière d’hypothèque, où une formalité tardive risque de se heurter à l’arrêt du cours des inscriptions.
De plus, l’effet relatif joue un rôle de sanction bien plus efficace qu’un délai dépourvu de sanction, depuis que l’amende civile a été supprimée en 1998.
Une autre contrainte importante, qui est maintenue, est celle des délais fiscaux applicables aux actes donnant lieu à des impôts et taxes payables au SPF, lorsque ces droits ont pour fait générateur l’acte lui-même et non le dépôt au SPF (droits de mutation, impôts de plus-value).
Les professionnels auront également intérêt à réaliser rapidement la publicité pour ne pas engager leur responsabilité.
Obligations des professionnels
Lorsqu’ils reçoivent ou dressent un acte soumis à publication, les notaires et les autorités administratives ont l’obligation d’y procéder. Cette obligation s’applique également aux avocats, commissaires de justice, administrateurs et mandataires judiciaires ainsi qu’aux greffiers, pour les actes et décisions soumis à publicité et auxquels ils prêtent leur concours (C. civ. art. 710-27 nouveau).
Comme auparavant, aucune dispense de publication adressée par les parties au professionnel du droit n’est autorisée dès lors que l’acte relève de la publicité obligatoire. Cette dispense n’est donc envisageable que pour les promesses unilatérales de vente, pactes de préférence qui y sont assimilés, et inscriptions hypothécaires qui relèvent de la publicité facultative.
Le défaut de publication, la publication tardive, incomplète ou erronée engagent la responsabilité civile de la personne tenue d’accomplir cette formalité auprès du SPF (C. civ. art. 710-39 nouveau).
Entrée en vigueur
Les dispositions de l’ordonnance entreront en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 31 décembre 2028. Ces dispositions seront alors applicables aux documents déposés au SPF à compter de la date d’entrée en vigueur. Toutefois, les actes formés avant l’entrée en vigueur de ces dispositions resteront régis, quant à l’obligation de publication et aux effets de la formalité, par la législation antérieure (Ord. 2024-562 art. 25 et 26).
Ce délai exceptionnellement long est nécessaire pour parachever le décret d’application, particulièrement technique, et laisser le temps à la DGFiP d’opérer sa transition technologique.
On peut néanmoins s’inquiéter du sort de la réforme pendant cette période : qu’adviendra-t-il si de nouveaux textes viennent modifier les articles que l’ordonnance prévoit de réécrire ? Une parution rapide du décret est donc hautement souhaitable. Comme quoi, la publicité foncière restera toujours une question de publication intercalaire…
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