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L’hypothèque judiciaire l’emporte sur la vente postérieure du même immeuble publiée le même jour

La Cour de cassation énonce expressément une règle admise par la doctrine de longue date, comblant enfin un vide législatif.

Cass. 3e civ. 7-11-2024 n° 23-12.514 FS-B


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©Getty Images

Un jugement du 20 décembre 2012 reconnaît une créance d’une banque contre M. et Mme X. En vertu de ce jugement, une hypothèque judiciaire définitive est inscrite par la banque le 28 février 2013 sur un immeuble des débiteurs, sans avoir été précédée d’inscription provisoire. Mais par acte du 13 février 2013, M. et Mme X avaient vendu cet immeuble aux époux O., acte également publié le 28 février 2013.

Lors de la procédure de saisie immobilière diligentée par la banque contre les époux O., ceux-ci soulèvent l’inopposabilité de l’hypothèque judiciaire à leur encontre et sollicitent sa mainlevée. La cour d’appel de Versailles accueille leur demande au motif que, à la date d’inscription de l’hypothèque, le bien n’était plus dans le patrimoine des époux X. débiteurs.

Cassation : il découle des articles 30, 1 et 31, 2 du décret 55-22 du 4 janvier 1955 que, en cas de conflit entre un créancier hypothécaire et un acquéreur de droits immobiliers à raison d’une publication requise le même jour relativement au même immeuble, lorsque le titre de l’inscription est antérieur à l’acte à publier, l’inscription hypothécaire est réputée d’un rang antérieur, quel que soit l’ordre du registre du service de la publicité foncière. Par suite, la demande de mainlevée de l’inscription doit être rejetée.

A noter :

La règle de rang ainsi posée par l’arrêt, qui aura les honneurs du Bulletin, semble déjà connue. Effectivement, rappelle Muriel Suquet-Cozic, elle est admise en doctrine de longue date.

La difficulté provenait du fait que le législateur ne l’énonce pas car il n’a pas prévu toutes les hypothèses de publications concurrentes, qui varient selon la nature des formalités (publications, inscriptions ou saisies), la date des formalités (simultanées ou successives), et la date des titres respectifs (actes notariés, décisions de justice, commandements de saisie). Le dispositif laisse des angles morts, telle la concurrence entre une publication et une inscription requises le même jour, mais en vertu de titres de dates différentes.

S’inspirant des règles existantes (Décret 55-22 du 4-1-1955 art. 30 et 31), la doctrine en a tiré des principes généraux : en principe, la préférence est donnée à celui qui a effectué en premier la formalité de publicité. En cas de formalités effectuées le même jour, la préférence est donnée à l’usager qui présente le titre le plus ancien. Si les formalités requises le même jour concernent une inscription hypothécaire et la publication d’un autre acte, l’inscription est réputée d’un rang antérieur (S. Piedelièvre, La publicité foncière, éd. Defrénois 2014 nos 484 et 485 ; M. Suquet-Cozic, Dossier pratique Publicité foncière, EFL 2021 n° 17060).

Cette dernière règle est expressément confirmée par l’arrêt commenté, avec une limite néanmoins : l’inscription prime sur la publication requise le même jour, à condition que cette inscription repose sur un titre antérieur.

En mettant ainsi en lumière les lacunes du droit positif, autant que la délicate articulation des multiples règles existantes dans ce domaine (C. civ. art. 2427 devenu 2422 depuis ord. 2021-1192 du 15-9-2021 ; C. civ. art. 1198 ; Décret 55-22 du 4-1-1955 art. 30 et 31), l’arrêt rappelle combien une réforme de la matière est urgemment nécessaire. L’ordonnance caduque 2024-562 du 19 juin 2024 prévoyait de réécrire ces règles dans le même sens, en adoptant une rédaction plus générale et exhaustive qui aurait notamment répondu au besoin du cas d’espèce (C. civ. art. 710-34 caduc). Le présent arrêt s’y conforme, assurant la continuité du droit dans l’attente de la réitération de cette réforme.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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