Une société civile immobilière (SCI) procède à une rénovation lourde de plusieurs bâtiments et fait réaliser des plafonds suspendus par une entreprise. La réception a lieu en 1992. L’ensemble est vendu en l’état futur d’achèvement. À la suite de l’effondrement de faux plafonds, la SCI engage une action contre différents constructeurs et assureurs pour obtenir réparation des désordres.
La société chargée des plafonds suspendus est condamnée « in solidum » avec d’autres à garantir l’assureur dommages-ouvrage (DO) de la condamnation prononcée au titre des désordres.
Elle se pourvoit en cassation en faisant valoir que l’expertise judiciaire sur laquelle sa condamnation est fondée ne lui est pas opposable, car non contradictoire à son égard. L’expert a, en effet, énoncé qu’elle figurait dans la liste des entreprises non concernées par l’expertise, ce qui l’a dispensée de se présenter aux opérations d’expertise. Elle ajoute que l’expert n’a pas rectifié son erreur par la suite.
Le pourvoi est rejeté, la société ayant eu accès de manière contradictoire au rapport d’expertise lors de l’instance au fond. L’arrêt énonce que les parties à une instance au cours de laquelle une expertise judiciaire a été ordonnée ne peuvent pas invoquer l’inopposabilité du rapport d’expertise en raison d’irrégularités affectant le déroulement des opérations d’expertise, lesquelles sont sanctionnées par les dispositions de l’article 175 du Code de procédure civile qui renvoient aux règles régissant les nullités de procédure. En l’absence de demande d’annulation, le juge du fond a pu se fonder sur les appréciations de l’expert dont le rapport a été contradictoirement débattu.
A noter :
Le principe contradictoire s’impose au juge, qui doit le respecter et le faire respecter (CPC art. 16). L’expert doit également y veiller. L’expertise n’est opposable à une partie que si elle a été appelée ou représentée à ses opérations (Cass. 1e civ. 21-7-1976 n° 75-12.877 : Bull. civ. I n° 278).
Mais si les opérations d’expertise sont irrégulières, la partie qui invoque l’expertise ne peut pas se borner à soutenir qu’elle lui est inopposable. Elle doit en invoquer la nullité (Cass. ch. mixte 28-9-2012 n° 11-11.381 PBRI : Bull. civ. ch. mixte n° 1). Cette sanction est prévue par l’article 175 du Code de procédure civile, qui soumet la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure. Ces dispositions figurent aux articles 112 s. du Code de procédure civile. Il faut non seulement invoquer la nullité des actes de procédure, et donc des expertises au fur et à mesure de leur accomplissement, mais encore ne pas défendre au fond après avoir soulevé l’exception de nullité. En l’espèce, la nullité n’ayant pas été invoquée, l’expertise ne pouvait pas être déclarée inopposable à la partie qui n’avait pas assisté aux opérations.