Le département qui a engagé des dépenses d’aide sociale au titre des frais d’hébergement et d’entretien d’une personne handicapée accueillie en établissement peut exercer un recours en récupération de ces aides sur l’actif de la succession du bénéficiaire (CASF art. L 132-8). Par exception, ces frais ne sont pas récupérables lorsque le bénéficiaire était handicapé et que ses héritiers sont ses enfants, son conjoint, ses parents ou une personne ayant assumé sa charge effective et constante (CASF art. L 344-5). La Cour de cassation apporte des précisions sur la notion de charge effective et constante dans une décision du 26 janvier 2023.
En l’espèce, une personne handicapée décède après avoir été hébergée pendant cinq ans dans un foyer d’accueil médicalisé. Le département notifie à sa sœur, héritière, sa décision de récupérer sur la succession la somme de 270 654,47 € au titre de l’aide sociale versée pour la prise en charge des frais de séjour et d’hébergement en établissement. Elle saisit les tribunaux.
Les juges d’appel rejettent partiellement son recours, limitant le montant de la récupération à 90 000 €. Ils considèrent que l’assistance prodiguée relève de l’attachement familial et de la loyauté entre membres d’une même famille et ne peut avoir pour effet de faire échec à l’action du département dont le financement est assuré par les impôts versés par la collectivité nationale.
Censure de la Cour de cassation, qui rappelle d’abord le principe de la récupération des aides sociales et son exclusion lorsque l’héritier du bénéficiaire décédé est la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge de la personne handicapée. Elle indique ensuite que la charge effective et constante s’entend d’un engagement régulier et personnel de l’héritier auprès de la personne handicapée, placée en établissement, tant d’ordre matériel qu’affectif et moral.
La Cour relève que l’intéressée a produit aux débats de très nombreuses attestations établissant qu’elle s’est beaucoup occupée de sa sœur pendant les 25 années qui ont suivi l’accident de circulation à l’origine du handicap de celle-ci et qu’elle a été présente, ainsi que ses proches parents, de façon régulière pour soutenir affectivement et sur le plan pratique la bénéficiaire.
En outre, la Haute Juridiction souligne que la commission départementale d’aide sociale, approuvée par la cour d’appel, a réduit le montant du recours, reconnaissant ainsi que l'héritière avait assumé de façon effective et constante la charge de la personne handicapée.
A noter :
1. La Cour de cassation, qui a repris le contentieux de l’aide sociale au 1er janvier 2019, rejoint ainsi la jurisprudence de la Commission centrale d’aide sociale, qui considérait que la charge effective et constante de la personne handicapée s’entend d’un engagement actif et continu envers elle, notamment d’ordre affectif (notamment, CCAS 5-2-2001 n° 981542 : BO Cahier jurisprudence aide sociale n° 2001/8).
2. La portée de la solution s’étend aux autres aides sociales pour les personnes handicapées (prestations à domicile, aide médicale à domicile, aide ménagère), ces aides n’étant pas non plus récupérables auprès de la personne ayant assumé la charge effective et constante de la personne handicapée (CASF art. L 241-4).