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Réforme du droit des contrats : les sanctions de l'inexécution

Les règles du Code civil fixant les sanctions encourues par une partie n'exécutant pas ses engagements sont clarifiées. Les effets de la force majeure sont revisités et la faculté pour un cocontractant de mettre fin unilatéralement au contrat consacrée.

Ord. 2016-131 du 10-2-2016 : JO 11


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1. Les règles en matière d’inexécution contractuelles figurant dans l'actuel Code civil sont éparses et incomplètes : exécution en nature traitée avec les obligations de faire et de ne pas faire, et les obligations de donner ; textes muets sur l’exception d’inexécution ; la résolution évoquée à l’occasion des obligations conditionnelles. Partant de ce constat, les auteurs de l'ordonnance du 10 février 2016 les ont regroupées dans une section unique, dont les dispositions s'appliqueront aux contrats conclus après le 1er octobre 2016 (voir La Quotidienne du 12 février 2016).

Liste des sanctions

2. Dans un esprit didactique, le nouvel article 1217 du Code civil liste les différentes sanctions de l’inexécution : la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d’exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l’obligation, solliciter une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Cet article ajoute que les sanctions compatibles peuvent être cumulées et que des dommages-intérêts peuvent s’y ajouter si les conditions de la responsabilité civile sont remplies.

Chacune de ces sanctions fait l’objet de dispositions particulières, dont certaines comportent des innovations par rapport au régime antérieur.

Inexécution due à un cas de force majeure

3. La force majeure, envisagée dès 1804 (ancien art. 1148) mais jamais définie par la loi, est désormais « l’événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées » (C. civ. art. 1218 nouveau).

On retrouve ici les critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité retenus jusqu’alors par les tribunaux mais n’apparaît plus celui de l’extériorité de l’événement par rapport au débiteur, critère dont une partie de la jurisprudence avait maintenu l’exigence (Cass. soc. 16-5-2012 n° 10-17.726 : RJS 7/12 n° 627 ; Cass. 3e civ. 15-10-2013 n° 12-23.126 : RJDA 1/14 n° 9).

4. Plus novateur, l’article 1218 nouveau distingue les effets de la force majeure selon que l’empêchement d’exécuter qui en résulte est temporaire ou non. S’il l’est, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations.

Toutefois, le cocontractant défaillant n’est pas libéré s’il a accepté de se charger de l’impossibilité d’exécuter ou s’il a été mis en demeure de s’exécuter avant que survienne l’impossibilité (art. 1351 et 1351-1).

Exécution forcée en nature

5. Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou, c’est nouveau, s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier (C. civ. art. 1221 nouveau).

6. Le créancier se voit aussi reconnaître le droit de faire exécuter lui-même l’obligation, après mise en demeure et dans un délai et à un coût raisonnable (art. 1222 nouveau), alors qu’une autorisation judiciaire était auparavant nécessaire (ancien art. 1144). L’intervention préalable du juge est maintenue pour la destruction de ce qui a été fait en violation de l’obligation et pour obliger le débiteur à avancer les sommes nécessaires pour l’exécution ou la destruction (art. précité).

Réduction du prix pour inexécution imparfaite

7. Après mise en demeure, le créancier peut accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix ; s’il n’a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais (art. 1223 nouveau). Selon le rapport au Président de la République, « il s’agit d’une sanction intermédiaire entre l’exception d’inexécution et la résolution, qui permet de procéder à une révision du contrat à hauteur de ce à quoi il a réellement été exécuté en lieu et place de ce qui était contractuellement prévu ».

8. La réduction du prix est déjà admise en matière de vente par des textes spéciaux (C. civ. art. 1644 au titre de la garantie des vices cachés ; C. civ. art. 1617 et 1674 pour défaut de contenance ou lésion en matière de vente immobilière ; C. consom. art. L 211-10 au titre de la garantie légale de conformité) et, en dehors de ces hypothèses, par les tribunaux mais seulement pour les ventes commerciales (Cass. 3e civ. 26-10-2011 n° 09-10.699 : RJDA 3/12 n° 273).

Ici, le texte est de portée générale et offre au créancier une possible réduction du prix sans devoir saisir le juge. Toutefois, créancier et débiteur pourront être en désaccord sur le caractère imparfait de la prestation ou sur la proportionnalité de la réduction du prix demandée (prix déjà payé) ou imposée (prix non encore versé) ; il incombera alors au juge de trancher.

Résolution du contrat

9. Les nouvelles dispositions sur la résolution du contrat (C. civ. art. 1224 à 1230 nouveaux) apportent des modifications substantielles.

En résumé :

  • - le terme « résolution » éclipse celui de « résiliation » dont l’usage est réservé à l’hypothèse où le juge résout le contrat sans ordonner la restitution des prestations déjà exécutées (art. 1129, al. 3 nouveau) ;

  • - le créancier peut, à ses risques et périls et après mise en demeure du débiteur défaillant, résoudre le contrat par voie de notification adressé à ce dernier en cas de persistance de l’inexécution (art. 1226 nouveau) ;

  • - la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice (art. 1227 nouveau) ;

  • - les prestations déjà échangées ne sont restituées que si elles ne trouvaient leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu (art. 1129, al. 3 nouveau) ;

  • - les clauses de règlement des différends (clause d’arbitrage, notamment), mais aussi les clauses de confidentialité et de non-concurrence survivent au contrat (art. 1230 nouveau).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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