Dans son discours du 14 septembre 2017, le premier ministre, Edouard Philippe, avait annoncé qu’après la réforme du Code du travail par ordonnances allait s’ouvrir une deuxième phase de réformes sociales comprenant, notamment, celle consacrée à la formation professionnelle. Le coup d’envoi de celle-ci a été donné avec la transmission aux partenaires sociaux, le 15 novembre 2017, d’un document d’orientation ayant pour objet d’expliciter les principaux objectifs du Gouvernement en la matière. Un projet de loi portant réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage - mais aussi de l’assurance chômage – devrait être présenté au mois d’avril 2018. Les partenaires sociaux ont par conséquent jusqu’à la fin du mois de janvier 2018 pour mener leurs négociations sur ces sujets.
A noter : les organisations syndicales et patronales ont organisé, le vendredi 17 novembre 2017, une réunion visant à déterminer la méthode et le calendrier de cette négociation interprofessionnelle relative à la formation professionnelle. A cette occasion, elles ont redéfini le cadre des discussions prévu dans le document d’orientation et décidé de se réunir chaque semaine jusqu’au 16 février 2018.
Renforcer le CPF en supprimant le CIF
Depuis le 1er janvier 2015, chaque personne dispose d’un compte personnel de formation (CPF), crédité en heures, visant à suivre, à son initiative, des actions de formation en vue d'acquérir un premier niveau de qualification ou de développer ses compétences. Si le Gouvernement admet que ce dispositif commence à s’installer dans le paysage de la formation, il constate aussi qu’il n’a pas permis de sortir le système d’une logique de prescription de formation. Dans le souci de renforcer l’autonomie et la liberté professionnelle de la population active, le document préconise d’approfondir la place du CPF dans le système de la formation en simplifiant les mécanismes d’accès à la formation et de gestion des comptes. A cette fin, le CPF doit, selon le Gouvernement, devenir l’unique droit personnel des individus dans une logique d’appropriation directe, c’est-à-dire d’autonomie sans intermédiaire obligatoire. Principale conséquence, le congé individuel de formation (CIF), qui a longtemps été le seul outil permettant aux salariés de suivre une formation à leur initiative, serait purement et simplement supprimé.
Les partenaires sociaux sont donc amenés à négocier sur plusieurs questions :
- quelle doit être la nouvelle unité de mesure du CPF ?
- quel doit être le montant et les modalités du financement collectif garanti pour le CPF ?
- comment doivent être organisées les possibilités d’abondement du CPF par entreprises (logique de co-construction) et par les personnes (logique de co-investissement) ?
- comment concilier l’autonomie individuelle dans le choix de la formation et l’orientation des formations vers les besoins de l’économie ?
- comment maintenir et organiser la montée en qualité des formations proposées ?
Encourager les entreprises à l'initiative dans les compétences de leurs salariés
Pour le Gouvernement, le rôle central des entreprises dans l’acquisition de compétences de leurs salariés doit être conforté. Aujourd’hui, l'employeur a en effet plusieurs obligations en matière de formation : participer au financement, s’assurer de l’adaptation de ses salarié à l'évolution de son emploi, organiser un entretien professionnel bisannuel, construire le plan de formation soumis aux représentants du personnel, etc. Le Gouvernement souhaite réorganiser les modalités par lesquelles l’entreprise contribue à la formation de ses salariés, tant par obligation que pour des raisons de compétitivité. Il est ainsi proposé de simplifier la construction et la formalisation du plan de formation et des dispositifs de maintien en emploi des salariés. Dans cette optique, la période de professionnalisation aurait vocation à disparaître.
Par conséquent, les partenaires sociaux sont invités à négocier sur les questions suivantes :
- quelle doit être la nouvelle définition simple et opérationnelle de l’action de formation ?
- comment inciter les entreprises à mieux assurer le maintien de la capacité de ses salariés à occuper un emploi ?
- comment apporter aux TPE-PME les moyens financiers et outils nécessaires à l’anticipation de leurs besoins en compétences et à la formation des salariés ?
- comment faciliter une meilleure association des représentants du personnel à l’élaboration de la politique de formation de l’entreprise ?
Refonder le système de formation en alternance
La ministre du travail a fait un constat : le système de l’apprentissage est à la fois complexe, peu efficient et peu transparent. En effet, les professionnels sont peu ou mal associés à l’élaboration des diplômes. En outre, la gestion des centres de formation d’apprentis reste très encadrée administrativement et ne répond pas aux besoins des entreprises. Surtout, certaines demandes de formation des entreprises ne sont pas satisfaites. Pour contourner ces difficultés, les partenaires sociaux ont alors développé un autre contrat en alternance : le contrat de professionnalisation. Résultat ? La coexistence de deux systèmes participe de la complexité et du manque d’attractivité de la formation en alternance.
Le Gouvernement demande donc aux partenaires sociaux de négocier sur les points suivants :
- comment mettre en place un système de financement au contrat (apprentissage et professionnalisation) garantissant la transparence et l’utilisation optimale des ressources dédiées à la formation en alternance ?
- comment organiser un système de péréquation permettant d’accompagner les branches souhaitant développer les formations en alternance mais ne disposant pas des ressources suffisantes ?
- comment améliorer les modalités d’évaluation des formations en alternance proposées, garantissant ainsi aux jeunes et aux familles une pleine connaissance des débouchés et des taux d’insertion dans l’emploi des formations existantes ?
Guilhem POSSAMAI
Pour en savoir plus sur la formation professionnelle continue : Mémento Social nos 38000 s.