Quelles sont les principales innovations de la réforme des marchés publics ?
Cornet Vincent Segurel. Le grand mérite de la réforme est de regrouper, dans un seul corpus composé de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et de son décret d’application du 25 mars 2016, la quasi-totalité des règles applicables aux contrats de marché public, au sens européen, quel que soit le statut de l’acheteur public (Etat, collectivité territoriales, etc.) ou para-public (SEML, SPL, GIP, etc.) et le secteur d’activité (secteurs classiques et secteurs dits spéciaux propres aux opérateurs de réseaux).
Sans bouleverser le régime de passation des marchés publics, la réforme apporte plusieurs assouplissements notables, en particulier :
- la réduction des délais de réception des candidatures et des offres ;
- l’élargissement des hypothèses de recours à la négociation (au lieu de l’appel d’offres se caractérisant par l’interdiction de toute négociation avec les candidats), les marchés comportant des prestations de conception : in fine, à l’exception de la réalisation de travaux, de l’acquisition ou de prestations standards dont le montant dépasse les seuils communautaires, le recours à la négociation s’avère désormais possible ;
- une extension du champ application des contrats dits de quasi-régie (ou « in house ») dans les relations entre personnes publiques et/ou leurs satellites,
- la mise en place d’outils, plus particulièrement le document unique de marché européen (DUME), permettant de faciliter l’accès à la commande publique.
En revanche, au titre de l’exécution des marchés, la réforme encadre plus strictement le recours aux avenants en interdisant, sauf cas particuliers, une augmentation de prix supérieure à 10 % pour les marchés de fourniture et de service et à 15 % pour les marchés de travaux et en autorisant les cessions de marchés (avenant de transfert) uniquement dans le cadre d’une opération de restructuration du titulaire initial.
Les nouveaux outils (DUME, marchés simplifiés…) sont-ils source d’une réelle simplification ?
CVS. En vue de faciliter l’accès à la commande publique, le décret du 25 mars 2016 reprend le dispositif des marchés simplifiés et du « coffre-fort numérique » qui existaient déjà dans le cadre du Code des marchés publics et introduit le DUME.
L’article 53 du décret prévoit que les éléments relatifs à la candidature ne doivent pas être obligatoirement fournis par les candidats lorsque l’acheteur peut avoir accès à ces documents et moyens de preuve de façon dématérialisée et directe par le biais d’une base de données.
Ainsi, les candidats peuvent-ils fournir l’ensemble des pièces administratives relatives à leur candidature en produisant leur seul numéro SIRET.
Ce même article permet aux acheteurs de préciser aux candidats qu’ils ne sont pas tenus de fournir les documents justificatifs et moyens de preuve qui leur ont déjà été transmis dans le cadre d'une précédente consultation et qui demeurent valables. Cette faculté deviendra une obligation à compter du 1er octobre 2018 pour l’ensemble des acheteurs.
L’autre nouveauté apportée par le décret du 25 mars 2016 porte sur le DUME.
Ce formulaire permet de remplacer les nombreuses déclarations sur l'honneur justifiant que le candidat n'entre dans aucun des cas d’exclusion de la commande publique et qu’il dispose d'éléments justifiant de ses capacités économiques, financières, techniques et professionnelles.
En cas de groupement candidat, il sera nécessaire de produire autant de DUME que de cotraitants.
Le décret du 25 mars 2016, avec l’introduction du DUME en particulier, constitue donc une réelle simplification des conditions d’accès à la commande publique. L’atteinte de ce objectif supposera toutefois une maîtrise du nouvel outil, qu'il s'agisse des acheteurs ou des candidats.
Que désigne le marché de partenariat ?
CVS. Sous ce vocable, l’ordonnance du 23 juillet 2015 englobe désormais toutes les formes de partenariat public-privé (contrat de partenariat, bail emphytéotique administratif, AOT-LOA, etc.) autrement dit les formes de partenariat confiant au titulaire tout ou partie du financement des ouvrages et équipements ou biens immatériels dont il assure la maîtrise d’ouvrage et dont la rémunération n’est pas liée au risque d’exploitation (dans ce dernier cas, il s’agira d’une concession de service et non d’un marché relevant du nouveau régime objet de l’ordonnance du 29 janvier 2016).
Au-delà du maintien de l’obligation pour l’acheteur de justifier, dans la cadre d’une évaluation préalable, de l’intérêt d’un tel contrat par rapport notamment à une maîtrise d’ouvrage publique classique, le recours au marché de partenariat n’est possible qu’au-delà de certains seuils :
- 2 M€ HT lorsque le marché porte sur des biens immatériels ou des systèmes d’informations,
- 5 M€ HT pour les ouvrages et infrastructures de réseau dont l’exploitation technique n’est pas assurée par le titulaire,
- 10 M€ HT pour les autres prestations et ouvrages.
Frédéric Marchand (fmarchand@cvs-avocats.com), Clément Gourdain (cgourdain@cvs-avocats.com), Laurent Amon (lamon@cvs-avocats.com), avocat associé et avocats au cabinet Cornet Vincent Segurel http://www.cvs-avocats.com/fr.