Le Premier ministre, Édouard Philippe, et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, ont dévoilé le contenu des cinq projets d’ordonnances visant à réformer le Code du travail le jeudi 31 août 2017 (voir La Quotidienne du 4 septembre 2017), lors d’une multilatérale organisée à Matignon à 9h45 avec les partenaires sociaux puis d'une conférence de presse programmée à 12H00.
Un été de concertation
En suite de l’adoption par le Parlement de la loi d’habilitation début août, trois séquences de concertation ont été organisées portant sur l’articulation des accords d’entreprise et de branche mais également sur le dialogue social et sur la sécurisation des relations de travail. Les propositions ont afflué durant six semaines, lors de rendez-vous hebdomadaires, chacun en « tête-à-tête » avec une organisation syndicale ou patronale.
La version finale des projets d’ordonnances a été rédigée puis présentée, le 31 août, à l’issue donc d’une centaine de réunions et de 300 heures de concertation orchestrées par le cabinet de Muriel PENICAUD.
La présentation des cinq projets d’ordonnances
"La réforme du marché du travail est une réforme de transformation profonde et, comme je m'y suis engagé, elle doit être assez ambitieuse et efficace pour continuer à faire baisser le chômage de masse et permettre de ne pas revenir sur ce sujet durant le quinquennat" - Emmanuel Macron.
Le jeudi 31 août, le Premier ministre et Muriel PENICAUD ont déroulé les 36 mesures « concrètes et opérationnelles », à déployer via cinq projets d’ordonnances, constituant un des chantiers majeurs du quinquennat.
Quatre objectifs sont poursuivis : la priorité aux TPE-PME, la capacité pour les entreprises et les salariés d’anticiper et de s’adapter de manière simple, rapide, efficace et sécurisée, la création de nouveaux droits et nouvelles protections au profit des salariés et la construction de nouvelles garanties pour les délégués syndicaux et élus du personnel s’engageant dans le dialogue social.
Les projets s’articulent autour de trois axes directeurs :
- la négociation collective fait l’objet de deux projets d’ordonnances. Le premier porte sur son renforcement et le quatrième sur les « diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective ». Sont traités l’articulationentre la loi, la branche et l’entreprise, la périodicité et le contenu des négociations annuelles obligatoires ainsi que la négociation dans les entreprisesdépourvues de délégué syndical. De plus, et pour répondre à l’une des priorités du gouvernement, ces textes opèrent un focus sur les TPE-PME, « éternelles oubliées du droit du travail ». Enfin, la généralisation de l’accord majoritaire serait avancée au 1er mai 2018 (initialement elle était prévue au 1er septembre 2019) ;
- l’organisation du dialogue social dans l’entreprise serait réformée par le deuxième texte dont la mesure phare réside dans la création d’une nouvelle institution dénommée le comité social et économique qui se substituerait aux délégués du personnel dans les entreprises de moins de 11 salariés et aux trois instances (DP, CE, CHSCT) dans les entreprises d’au moins 50 salariés. Elle conserverait la personnalité morale, toutes les compétences et prérogatives, la capacité d’ester en justice, de demander des expertises ou de déclencher des enquêtes. Une commission spécifique « hygiène, sécurité et conditions de travail » serait néanmoins obligatoire dans les entreprises de plus de 300 salariés ou dites « à risques ». Par accord majoritaire, il serait également possible de mettre en place un conseil d’entreprise, intégrant l’ensemble des fonctions de représentant du personnel (information, consultation et négociation) ;
- la sécurisation des relations de travail serait traitée par les troisième et cinquième projets. Ils prévoient la création d’un Code du travail numérique, apportent des précisions relatives à la contestation de l’avis d’inaptitude et impactent la procédure et la motivation du licenciement (modèle type, motivation postérieure à la notification, délai de recours). Les textes portent également la mesure très controversée du plancher et du plafond des dommages et intérêts en cas de litige. Ils augmentent, en contrepartie, l’indemnité légale de licenciement de 25%. S’agissant du licenciement pour motif économique, le périmètre d’appréciation de la cause économique serait restreint au territoire national, l’obligation de reclassement serait facilitée et les plans de départs volontaires encadrés par le Code du travail. En outre, le gouvernement entend favoriser et sécuriser l’accès à certaines formes d’emploi tels que le télétravail, le CDD ou le contrat de travail temporaire, le contrat de chantier ou encore le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif. Enfin, le compte professionnel de pénibilité, anciennement connu sous le nom de compte de prévention de la pénibilité, serait aménagé.
Ces mesures entreraient en vigueur, pour la plupart, à la date de publication des décrets à venir en suite des ordonnances et au plus tard le 1er janvier 2018.
Des projets d’ordonnances définitifs ?
Les projets doivent encore être soumis aux diverses instances consultatives dans la première quinzaine de septembre (Commission nationale de la négociation collective, Conseil d’orientation des conditions de travail, Conseil supérieur pour l’égalité professionnelle, Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, Caisses de sécurité sociale, Conseil national d’évaluation des normes, Conseil supérieur de la prud’homie), puis examinés par le Conseil d’Etat pour être enfin présentés et adoptés en Conseil des ministres le 22 septembre 2017. A noter que le Conseil Constitutionnel vient de valider la loi d’habilitation par une décision du 7 septembre 2017, se réservant le droit de statuer sur les ordonnances dans le cadre d’une éventuelle future question prioritaire de constitutionnalité le cas échéant.
A suivre…
Olivier BACH, Avocat associé Cabinet Eole