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Le refus de voter la prorogation d'une société peut constituer un abus de minorité

Le refus d'un minoritaire de voter la prorogation du terme de la société est abusif s'il est contraire à l'intérêt social et a pour unique dessein de favoriser ses intérêts. Le droit des obligations interdisant de renouveler un contrat à durée déterminée sans l'accord des parties ne fait pas obstacle à cette solution.

Cass. 3e civ. 7-12-2023 n° 22-18.665 FS-B, Sté Castellaras Perennial c/ L.


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©Gettyimages

Les parts d'une société civile immobilière (SCI) propriétaire d'un château sont détenues par un associé minoritaire et les copropriétaires de lotissements édifiés autour du château. À l'approche de l'arrivée du terme de la SCI, l'assemblée générale des associés est réunie pour décider sa prorogation mais le vote négatif de l'associé minoritaire empêche l'adoption de la résolution. 

Poursuivi pour abus de minorité, cet associé fait notamment valoir que nul ne peut exiger le renouvellement d'un contrat à durée déterminée en application du droit commun des contrats, de sorte que le refus de proroger une société n'est jamais abusif. Il ajoute que le refus de proroger la SCI n'est pas contraire à l'intérêt social dès lors que l'activité sociale était structurellement déficitaire.

Arguments rejetés par la Cour de cassation. 

Le refus de proroger le terme d'une société est susceptible de constituer un abus de minorité si le vote du minoritaire est contraire à l'intérêt général de la société et a pour unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de ceux de l'ensemble des autres associés. 

Tel était le cas en l'espèce :

  • il était de l'intérêt général de la SCI qu'elle soit prorogée compte tenu de la spécificité de son objet, qui était de faire profiter ses associés du château et non de dégager des bénéfices, des appels de fonds étant d'ailleurs adressés aux associés tous les ans pour couvrir les frais d'entretien ;

  • le refus de voter la prorogation était motivé uniquement par l'intérêt spéculatif de l'associé minoritaire ; en effet, depuis des années, il refusait de payer sa quote-part de charges, il avait cherché à obtenir par son vote et la dissolution de la société ce à quoi il n'était pas parvenu en plusieurs années de conflit judiciaire, à savoir une gestion plus profitable financièrement à laquelle s'opposaient les autres associés, et, loin d'exercer son droit de retrait, il avait au contraire acquis des parts sociales.

A noter :

C'est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation se prononce sur l'existence d'un abus de minorité à propos du refus par un associé de voter la prorogation d'une société (dans cette affaire, le tribunal avait retenu la même solution : TGI de Grasse 18-2-2019 n° 17/04872 : BRDA 11/19 inf. 6). L'arrêt permet d'écarter une objection théorique à l'application de l'abus du droit de vote.

En soutenant que nul ne peut exiger le renouvellement d'un contrat, l'associé minoritaire se prévalait implicitement de l'interdiction de modifier un contrat sans le consentement mutuel des parties (C. civ. art. 1193). Cette interdiction trouve son prolongement dans la nécessité d'un accord des parties pour renouveler un contrat à durée déterminée (C. civ. art. 1214, al. 1). Ce faisant, l'associé minoritaire assimilait la prorogation d'une société au renouvellement d'un contrat, ce qui est contestable. En effet, si la société est bien un contrat, le vote ne se confond pas avec un consentement et la prorogation obéit aux règles spéciales du droit des sociétés, qui sont incompatibles avec celles du Code civil sur le renouvellement des contrats.

Ainsi, le renouvellement d'un contrat donne naissance à un nouveau contrat (C. civ. art. 1214, al. 2), alors que la prorogation d'une société n'entraîne pas la formation d'une nouvelle personne morale mais la continuation de celle dont le terme est modifié (C. com. art. L 210-6, al. 1 pour les sociétés commerciales ; C. civ. art. 1844-3 pour les sociétés civiles). De même, si la tacite reconduction d'un contrat à durée déterminée peut résulter de l'exécution de ses obligations par les parties (C. civ. art. 1215), la prorogation d'une société doit être expresse et ne saurait résulter de la poursuite de l'activité sociale par les associés après son terme (Cass. com. 13-9-2017 n° 16-12.479 FS-PB : RJDA 12/17 n° 818).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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