Le règlement intérieur doit rappeler le dispositif de protection du lanceur d'alerte
Les employeurs sont tenus de rappeler dans le règlement intérieur l'existence du dispositif de protection des lanceurs d'alerte afin d'assurer l'information des salariés sur le sujet (C. trav. art. L 1321-2 modifié).
Une liste plus complète des représailles interdites à l'encontre du lanceur d'alerte
La loi 2022-401 du 21-3-2022 ne modifie pas substantiellement le principe de la protection des salariés lanceurs d'alerte contre les représailles, mais modifie l'agencement des textes applicables en la matière.
Ainsi, le principe de la protection des salariés lanceurs d'alerte contre les mesures de rétorsion est transféré de l'article L 1132-3-3 du Code du travail à un nouvel article L 1121-2, aux termes duquel aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat, ou de toute autre mesure mentionnée pour avoir signalé ou divulgué une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi « Sapin 2 » (Loi 2016-1691 du 9-12-2016).
A noter :
Dans cette liste, l'interdiction des mesures discriminatoires en matière d'horaires de travail et d'évaluation de la performance est une précision nouvelle. L'article L 1132-1 du Code du travail est également modifié en ce sens pour coordination.
La présente loi ajoute à ces mesures interdites, par un jeu de renvois croisés entre l'article L 1121-2 et l'article 10-1, II de la loi « Sapin 2 » l'interdiction des représailles et menaces sous les mesures suivantes :
préjudices, y compris atteintes à la réputation, ou pertes financières, y compris la perte d'activité ou de revenu ;
résiliation anticipée ou annulation d'un contrat pour des biens ou des services ;
annulation d'une licence ou d'un permis ;
orientation abusive vers un traitement psychiatrique ou médical.
Sans changement, tout acte ou décision pris en méconnaissance de ces dispositions est nul de plein droit (Loi 2016-1691 art. 10-1, II dernier alinéa).
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Des mesures protectrices du lanceur d'alerte en cas de contentieux
Le maintien de l'allègement de la charge de la preuve
L'aménagement de la charge de la preuve en faveur du salarié lanceur d'alerte qui s'estime victime de représailles subsiste : en cas de recours, dès lors que la personne présente des faits permettant de présumer qu'elle a signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues pour les lanceurs d'alerte, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée.
Notons que, là où l'article L 1132-3-3, alinéa 3 prévoyait que l'employeur doit prouver que sa décision est justifiée « par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé », l'article 10-1, III-A de la loi « Sapin 2 » modifiée, reprenant l'aménagement de la charge de la preuve, indique seulement que l'employeur doit prouver que sa décision est « dûment » justifiée.
A notre avis :
L'avenir judiciaire le dira, mais il est peu probable que cette modification rédactionnelle implique un changement de fond dans l'aménagement de la charge de la preuve et le contrôle des juges sur les justifications présentées par l'employeur.
Une immunité civile et pénale
La loi précise que les lanceurs d'alerte ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou divulgation publique, dès lors qu'ils avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu'ils y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l'intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause (Loi 2016-1691 art. 10-1, I nouveau).
L'article 122-9 du Code pénal prévoit déjà que n'est pas responsable la personne répondant aux critères de définition du lanceur d'alerte qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause et qu'elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi relative aux lanceurs d'alerte.
La présente loi complète les faits et personnes couverts par cette immunité pénale : elle s'applique également au lanceur d'alerte qui soustrait, détourne ou recèle les documents ou tout autre support contenant les informations dont il a connaissance de manière licite et qu'il signale ou divulgue dans les conditions définies par la loi.
Leurs complices sont eux aussi couverts par cette immunité pénale (C. pén. art. 122-9, al. 2 et 3 nouveaux).
A noter :
Cette immunité est rappelée dans la loi « Sapin 2 », laquelle indique que les personnes ayant signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues à ses articles 6 et 8 bénéficient de l'irresponsabilité pénale prévue à l'article 122-9 du Code pénal (Loi 2016-1691 art. 10-1, I al. 2 nouveau).
Le lanceur d'alerte peut obtenir une provision pour frais de l'instance
Cette possibilité est offerte au lanceur d'alerte, dès lors qu'il présente des éléments de fait qui permettent de supposer qu'il a signalé ou divulgué des informations dans les conditions visées aux articles 6 et 8 de la loi « Sapin 2 », dans les situations suivantes :
en cas de recours contre une mesure de représailles où il est demandeur (Loi 2016-1691 art. 10-1, III-A al. 2) ;
au cours d'une instance civile ou pénale à laquelle il est défendeur ou prévenu et qu'il présente des éléments de fait qui permettent de supposer que la procédure engagée vise à entraver son signalement ou sa divulgation (Loi 2016-1691 art. 10-11, III-B).
Des sanctions renforcées contre les représailles
Le lanceur d'alerte peut obtenir du juge l'abondement de son CPF par l'employeur
En cas de rupture du contrat de travail consécutive au signalement d'une alerte, le salarié peut saisir en référé le conseil de prud'hommes, conformément à l'article 12 de la loi « Sapin 2 ».
La présente loi complète ce texte afin de permettre au conseil de prud'hommes d'obliger l'employeur, en plus de toute autre sanction, à abonder le compte personnel de formation (CPF) du lanceur d'alerte jusqu'au plafond majoré applicable au salarié peu qualifié (soit jusqu'à 8 000 €, au lieu de 5 000 € pour les autres salariés). Cette décision peut être prononcée à l'occasion de tout litige porté devant le conseil de prud'hommes, et pas seulement en référé.
Les modalités d'application de cette disposition doivent être fixées par décret.
A noter :
Le CPF est un compte crédité en euros permettant à son titulaire de financer, à son initiative, une action de formation, un parcours de validation des acquis de l'expérience ou encore un bilan de compétences (C. trav. art. L 6323-1 s.). Ainsi, la mesure adoptée renforce la protection du lanceur d'alerte, car elle vise à faciliter sa reconversion professionnelle. En effet, sa réintégration ou son maintien dans l'entreprise peut s'avérer difficile, voire impossible, à la suite de l'alerte. Lors des travaux en commission, les députés ont ainsi précisé que « la prise de représailles par l'employeur peut conduire à rompre le lien de confiance entre l'entreprise et le lanceur d'alerte et compromettre, à plus long terme, son avenir dans l'entreprise ».
Les actions dilatoires ou abusives plus sévèrement réprimées
Rappelons que tout obstacle à la transmission d'un signalement interne ou externe est passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende (Loi 2016-1691 art. 13). La présente loi ajoute une peine complémentaire d'affichage ou de diffusion de la décision pénale (Loi 2016-1691 art. 13-1 nouveau).
La loi modifie le régime des amendes civiles encourues par toute personne, physique ou morale, qui agit de manière dilatoire ou abusive contre un lanceur d'alerte en raison des informations signalées ou divulguées. Elle peut être condamnée au paiement d'une amende civile de 60 000 €. Cette amende civile peut être prononcée sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts à la victime de la procédure dilatoire ou abusive.
Cette mesure, qui vise à éviter les procédures « bâillon », augmente le montant maximal de l'amende civile encourue dans cette hypothèse, aujourd'hui limitée à 30 000 €.
Une mise en cohérence des textes prohibant les discriminations au travail
La liste des motifs de discrimination prohibés est complétée…
Le principe de non-discrimination est posé de façon générale par l'article L 1132-1 du Code du travail listant un certain nombre de critères qu'il est interdit de prendre en considération pour arrêter toute décision concernant l'ensemble de la carrière d'une personne (par exemple : âge, état de santé, sexe, etc.). L'article 225-1 du Code pénal opère de manière identique sur le plan pénal.
Les articles 9, II et 10 de la présente loi modifient ces articles et complètent ainsi la liste des motifs de discrimination interdits de manière à y intégrer les lanceurs d'alerte. Il est donc désormais interdit à un employeur de prendre à l'égard de son salarié une mesure ou une décision discriminatoire fondée sur sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte.
… ainsi que celle des domaines dans lesquels les mesures discriminatoires sont interdites
L'article L 1132-1 du Code du travail précise également la liste des domaines dans lesquels aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte. Parmi eux figurent la rémunération, les mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat.
L'article 10 de la loi complète cette liste en y ajoutant les horaires de travail et l'évaluation de la performance.
La mesure discriminatoire prise à l'égard du lanceur d'alerte est nulle
Selon l'article L 1132-4 du Code du travail, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du chapitre du Code du travail relatif à la non-discrimination est frappé de nullité.
L'article 7, 3° de la loi modifie cet article afin d'élargir la nullité qui y est prévue aux dispositions ou actes pris en méconnaissance du II de l'article 10-1 de la loi 2016-1691 du 9 décembre 2016. Il s'agit en pratique d'une simple mise en cohérence des textes, le principe général de protection du lanceur d'alerte contre, notamment, les mesures discriminatoires ayant été déplacées par la présente loi en dehors du chapitre consacré à la non-discrimination.
Entrée en vigueur
Ces dispositions entreront en vigueur le 1er septembre 2022, soit le premier jour du 6e mois suivant la promulgation de la loi (Loi art. 18).