Un homme décède le 20 novembre 2016 au Portugal en laissant pour lui succéder deux filles nées d’une première union et son épouse survivante. Il avait souscrit un contrat d’assurance sur la vie et désigné plusieurs bénéficiaires, dont son épouse.
Les filles du défunt, représentées par leur mère en sa qualité de tutrice, assignent l’épouse survivante en partage devant une juridiction française. L'épouse soulève l’incompétence du juge français.
Le débat porte sur la détermination de la dernière résidence habituelle du défunt. Aux termes de l’article 4 du règlement 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, dit « règlement Successions », sont en effet compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. Selon le considérant 23 du règlement, afin de déterminer la résidence habituelle, l'autorité chargée de la succession doit procéder à une évaluation d'ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l'État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence, la résidence habituelle ainsi déterminée devant révéler un lien étroit et stable avec l'État concerné, compte tenu des objectifs spécifiques du règlement.
Après avoir constaté que le défunt ne s’était installé au Portugal qu’à compter du 28 juin 2016 et qu’étant décédé le 20 novembre 2016, il n’y avait résidé que moins de 5 mois, la cour d’appel d’Aix-en-Provence relève les éléments suivants :
le défunt avait entrepris très tardivement d'apprendre le portugais ;
au moment de son décès, il était toujours inscrit sur les listes électorales françaises ;
s'il était propriétaire avec son épouse d'au moins un bien immobilier au Portugal, où ils étaient officiellement domiciliés, ceux-ci détenaient toujours une maison en France ;
l'examen des nombreuses attestations produites révèle que les familles des époux, la plupart de leurs relations amicales, ainsi que les principaux bénéficiaires du contrat d'assurance sur la vie étaient domiciliés en France.
La cour d’appel en déduit que le défunt avait sa résidence habituelle en France lorsqu’il est décédé et que les juridictions françaises sont donc compétentes.
Un pourvoi est formé, mais, après avoir rappelé les termes précités de l’article 4 du règlement et du considérant 23, la Cour de cassation le rejette, s’en remettant au pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.
A noter :
1. La résidence habituelle du défunt au moment de son décès déterminant également la loi applicable à sa succession (Règl. 650/2012 art. 21, 1), l’objectif du père de famille était manifestement, afin de favoriser son épouse, de voir appliquer la loi portugaise à sa succession et d’exclure ainsi les dispositions de la loi française en matière de réserve héréditaire – le montant de la part accordée aux réservataires étant moindre en droit portugais – et de primes manifestement excessives s’agissant des contrats d’assurance-vie. Se sachant atteint d’un cancer en 2014, il avait commencé à liquider son patrimoine immobilier en France pour placer une partie du produit de ces ventes sur le contrat d’assurance-vie, qui n’était pas au bénéfice des héritiers réservataires. Les juges d’appel avaient en outre relevé une « évidente concomitance » entre l’apparition du cancer et les premiers séjours du couple au Portugal. Une stratégie vaine au regard de la solution retenue. Si le défunt avait eu la nationalité portugaise, il aurait en revanche pu choisir la loi portugaise comme loi applicable à sa succession (Règl. 650/2012 art. 22) et faire ainsi en sorte que celle-ci échappe aux aléas de la caractérisation par les juges de la dernière résidence habituelle.
2. Comme la Cour de justice avait déjà pris soin de le préciser, « si aucune disposition du règlement n° 650/2012 ne définit la notion de « résidence habituelle du défunt au moment de son décès », au sens de celui-ci, des indications utiles figurent à ses considérants 23 et 24 » (CJUE 16-7-2020 aff. 80/19, point 37). Au cas particulier, seules les dispositions du considérant 23 sont mobilisées. Celles du considérant 24 concernent des cas complexes, notamment celui des expatriés ou des personnes vivant de façon alternée dans plusieurs États ou voyageant d’un État à un autre sans s’être installées de façon permanente dans un État (sur l’ensemble de la question, voir G. Laurentin, La notion de résidence habituelle en droit international privé des successions : SNH 15/23 inf. 10 ; voir également Le droit européen des successions, dir. A. Bonomi et P. Wautelet, v. Article 4 par A. Bonomi, Bruylant, 2e éd. 2020, p. 191 s. nos 14 s. ; H. Péroz et É. Fongaro : Droit international privé patrimonial de la famille, LexisNexis, 3e éd. 2023, p. 322 et 323 nos 937 et 938).
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