Une femme de nationalité bulgare décède en Grèce. Son conjoint survivant fait une déclaration de renonciation à la succession devant une juridiction grecque. Le petit-fils de la défunte prétend hériter de celle-ci. Il saisit les juridictions bulgares afin de faire inscrire auprès d’elles cette déclaration de renonciation à la succession par un autre héritier. Il suppose en effet, pour des motifs non exposés, que les juridictions bulgares sont les juridictions de la dernière résidence habituelle de la défunte et disposent donc d’une compétence générale pour statuer sur la succession. Cet élément de fait laisse la Haute Juridiction sceptique, mais elle accepte de se retrancher derrière la constatation de la juridiction bulgare selon laquelle il n’est pas possible à ce stade de la procédure de recueillir des informations sur la dernière résidence habituelle de la défunte. La Cour rappelle néanmoins que la juridiction bulgare devra vérifier en quel lieu la défunte avait sa résidence habituelle si elle veut se reconnaître une compétence générale pour statuer sur la succession, et que dans l’hypothèse où il s’avérerait que les dispositions de droit bulgare empêcheraient la vérification de sa compétence pour statuer sur la succession en cause, elle devrait les écarter.
La question préjudicielle porte sur l’article 13 du règlement 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, dit « règlement Successions ». Celui-ci prévoit qu’une personne souhaitant faire une déclaration d’acceptation ou de renonciation à une succession peut le faire soit devant les juridictions de la dernière résidence habituelle du défunt (qui ont une compétence générale pour statuer sur la succession), soit devant les juridictions de l’État de sa propre résidence habituelle si, en vertu de la loi de cet État membre, ces déclarations peuvent être faites devant une juridiction. Le texte ne prévoit pas en revanche, ainsi que le relève la juridiction bulgare, de mécanisme obligatoire par lequel la juridiction de la résidence habituelle d’un héritier informerait la juridiction de la résidence habituelle du défunt de la déclaration effectuée. Dès lors, le texte s’oppose-t-il à ce que cette information soit faite par un autre héritier, comme en l’espèce ?
Le préambule du règlement précise que les personnes qui choisissent de se prévaloir de la possibilité de faire une déclaration dans l’État membre de leur résidence habituelle devraient informer elles‑mêmes la juridiction ou l’autorité qui est ou sera chargée de la succession de l’existence d’une telle déclaration dans le délai éventuellement fixé par la loi applicable à la succession (Considérant 32). Selon la Cour, ce texte présume donc que les personnes ayant fait la déclaration assumeront la charge de la communiquer à la juridiction de la résidence habituelle du défunt. Mais la Cour constate que, si ces personnes ont très certainement intérêt à le faire, le règlement ne leur en impose pas l’obligation. Dès lors, il faut retenir une interprétation large en ce qui concerne la transmission de déclarations effectuées conformément à l’article 13 du règlement : peu importe la manière dont ces déclarations sont portées à la connaissance de la juridiction compétente pour statuer sur la succession. Cette dernière peut donc être informée par un autre héritier, si l’héritier renonçant ne l’a pas fait lui-même. Il s’agira alors non d’une déclaration au nom d’autrui, mais d’une simple notification d’une déclaration faite à une autre juridiction. Si le droit de l’État membre concerné exige que l’ensemble des déclarations d’acceptation ou de renonciation soient concentrées en un même lieu et dans un seul registre judiciaire, et qu’il ne permet pas de faire figurer dans ce registre les déclarations d’autrui, il conviendra d’écarter le droit national.
A noter :
Comme le relève David Lambert, coauteur du Mémento Successions Libéralités et du Mémento Droit de la famille, l’arrêt commenté met en lumière une difficulté souvent relevée par la doctrine et apporte une réponse à une question inédite. Si une déclaration est faite par un héritier devant les juridictions de la résidence habituelle, comme l’article 13 du règlement Successions le permet, comment la juridiction de la dernière résidence habituelle du défunt en sera-t-elle informée ? La réponse habituellement apportée par la doctrine, en se fondant sur le préambule du règlement, est qu’il appartient à l’auteur de la déclaration de le faire. En a-t-il l’obligation ? Et s’il ne le fait pas, un autre héritier peut-il le faire ? La conclusion de la Cour est que cette information ne peut se faire que sur une base volontaire et par tous moyens. Dès lors, en dépit de ce que pourrait suggérer le préambule du règlement, un héritier autre que le déclarant, qui est susceptible de bénéficier d’une telle déclaration, peut y procéder. Cette solution est bienvenue.