En 2005, la commune de Bagnolet conclut avec une association cultuelle un bail emphytéotique en vue d’y édifier une mosquée sur un terrain communal. Ce bail, consenti pour 63 ans, confère des droits réels sur le terrain à l’association qui s’engage à construire la mosquée, moyennant en contrepartie le versement à la commune d’un loyer symbolique d’un euro annuel et, à l’issue du bail, le transfert de propriété à la collectivité de l’intégralité des constructions réalisées. Quelques années après, par une délibération, le conseil municipal de Bagnolet approuve la résiliation anticipée du bail et la cession du bien à l’association au prix de 950 000 € HT dont 700 000 € versés à la signature de l’acte de vente et le surplus, 250 000 €, versé en 48 mensualités sans intérêt de 5 208,33 €. La délibération est contestée en justice, notamment parce qu’elle contreviendrait à la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’État interdisant toute aide directe ou indirecte à l’exercice d’un culte.
Pour la cour administrative d’appel de Paris, la loi de 1905 n’empêche pas la résiliation anticipée du bail emphytéotique. Par ailleurs, juge-t-elle, cette loi a vocation à régir les conditions financières dans lesquelles le bien objet du bail peut être cédé, dès lors que les règles du Code général des collectivités territoriales régissant les baux emphytéotiques cultuels (CGCT art. L 1311-2 s.) ne peuvent pas être interprétées comme ayant entendu exclure son application. En conséquence, la cession doit être faite dans des conditions excluant toute aide directe ou indirecte à un culte. En l’espèce, le prix de cession du terrain et la valeur de la renonciation de la commune à devenir propriétaire de l’édifice cultuel en fin de bail ont été fixés à 950 000 €, soit le même montant que celui proposé par les services des Domaines. Or la commune n’établit, ni même ne soutient qu’elle aurait pris en compte dans son estimation l’avantage, pourtant indissociable du prix, consistant en un paiement échelonné sans intérêt de plus d’un quart du montant total de la somme due, en 48 mensualités. Les juges en concluent que la commune a consenti un avantage, sans contrepartie, ayant pour effet de minorer le prix de cession du bien en deçà de sa valeur réelle et se traduisant comme le versement à l’association d’une subvention interdite par la loi de 1905. La délibération litigieuse est nulle.
A noter :
Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique en vue de l'affectation à une association cultuelle d'un édifice du culte ouvert au public. Ce bail emphytéotique administratif (BEA) spécifique est communément dénommé « bail emphytéotique cultuel ». Il est soumis à des conditions particulières (CGCT art. L 1311-2 s.). Un tel contrat peut être conclu par une collectivité en vue de la construction d’un nouvel édifice cultuel avec pour contreparties, d’une part, le versement d’une redevance par l’emphytéote – en principe d’un montant modique compte tenu de la nature du contrat et l’emphytéote n’exerçant pas une activité lucrative – et, d’autre part, l’incorporation dans le patrimoine de la collectivité, à l’expiration du bail, de l’édifice construit dont elle n’aura pas supporté les charges de construction, d’entretien ou de conservation. Il a déjà été jugé – et les juges du fond le rappellent – qu’avec ce régime avantageux pour l’emphytéote, le législateur a entendu déroger à la loi du 9 décembre 1905 qui interdit toute aide à l’exercice d’un culte et, donc, toute contribution directe ou indirecte à la construction de nouveaux édifices cultuels (CE 19-7-2011 n° 320796 ; O. Févrot, Conseil d’État et laïcité : la question des baux emphytéotiques cultuels : RDI 2011 p. 628).
Or, s’agissant de la résiliation anticipée du bail emphytéotique cultuel, il obéit pleinement à la loi du 9 décembre 1905 interdisant toute aide des collectivités à l’exercice d’un culte, les textes du CGCT ne pouvant « être regardés » comme ayant entendu exclure son application. C’est la solution de l’arrêt commenté.