Une société civile immobilière vend un bungalow qu’elle a fait construire. L’acquéreur engage contre la société venderesse une action après l’expiration de la garantie décennale pour des infiltrations de toiture.
La cour d’appel retient la responsabilité de la venderesse pour faute dolosive. Elle juge que l’entreprise a violé la norme de construction applicable, que les documents techniques (DTU) n’ont pas été respectés, et que, chargée de l’entretien de l’ouvrage, elle avait connaissance des infiltrations.
Cassation : la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé une volonté délibérée et constante de la société venderesse de méconnaître la norme par dissimulation ou fraude, n’a pas donné de base légale à sa décision.
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A noter :
L’arrêt énonce, au visa de l’ancien article 1147 du Code civil, que « le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est, sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage, de sa faute dolosive lorsque de propos délibéré même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou fraude, ses obligations contractuelles ». La formule, qui remonte à un arrêt de 2001 (Cass. 3e civ. 27-6-2001 n° 99-21.017 FS-PBR : Bull. civ. III n° 83, BPIM 4/01 inf. 264), réduit le dol à la dissimulation et à la fraude. Il est probable que la faute volontaire s’inscrit généralement dans un processus frauduleux. Se réduit-elle à lui ? Il est permis de s’interroger, d’autant que, si la fraude induit la tromperie, l’intention de nuire n’est plus nécessaire pour qu’il y ait dol alors qu’elle était naguère exigée (Cass. 3e civ. 26-5-1988 n° 86-17.949 : JCP 1988 IV p. 267 ; Cass. 3e civ. 27-4-1994 n° 92-17.658).
L’intérêt du dol est, malgré la forclusion décennale, que le constructeur est contractuellement tenu de cette faute. Pendant quel délai ? Le délai de 10 ans qui sanctionne la responsabilité décennale ou la responsabilité de droit commun des constructeurs est, semble-t-il, aujourd’hui un délai de forclusion soumis probablement à un régime proche dans les deux cas (Cass. 3e civ. 10-6-2021 n° 20-16.837 FS-PR : BPIM 4/21 inf. 262). Être « contractuellement tenu » de sa faute dolosive nonobstant la forclusion décennale, est-ce l’être à compter de la commission du dol ou de sa découverte par le créancier ? La prescription reste-t-elle de 10 ans comme c’est le cas en droit commun contre les constructeurs ?
À cette interrogation s’en ajoute une seconde. L’arrêt réserve la « faute extérieure au contrat ». Il est possible que celle-ci soit caractérisée par l’intention de nuire. La responsabilité est-elle alors extracontractuelle ? Se prescrit-elle par 5 ans en application de l’article 2224 du Code civil ? À compter de la faute, de sa découverte ou du dommage ? Y a-t-il un risque de voir l‘intention de nuire être susceptible d’être sanctionnée dans un délai moindre que le dol tel que retenu actuellement par la jurisprudence ? La distinction entre dol et faute intentionnelle est présentée dans des formes particulières par un arrêt du 10 juin 2021 (Cass. 3e civ. 10-6-2021 n° 20-10.774 F-D : RDI 2021 p. 433). Celui-ci retient qu’un architecte n’a pas respecté ses obligations en acceptant un risque élevé qu’il ne pouvait ignorer, avec pour conséquence inéluctable la démolition de l’ouvrage ; et que ce manquement délibéré, sans pour autant être une faute intentionnelle, a supprimé l’aléa inhérent au contrat d’assurance de sa responsabilité civile, justifiant la non-garantie de l’assureur… La sanction, le délai de l’action pour faute intentionnelle et l’intérêt de la distinction entre les deux types de fautes restent à préciser…