Les statuts d'une société par actions simplifiée (SAS), spécialisée dans la construction et la vente de maisons individuelles, prévoient que le président et le directeur général ne peuvent être révoqués que pour un motif grave et qui à défaut de pareil motif une révocation ouvre droit à des dommages-intérêts. Le directeur général est révoqué pour motif grave, la SAS lui reprochant diverses fautes de gestion commises au cours d'un exercice. Pour contester la gravité du motif et demander à la société des dommages-intérêts, le directeur général soutient notamment qu'il avait la charge de la gestion de la société avec le président, sans aucune répartition statutaire des pouvoirs entre eux et que le président a obtenu quitus de sa gestion sur l'exercice concerné.
Cet argument est rejeté. Le directeur général a commis des fautes personnelles portant atteinte à l’intérêt social qui constituent un motif grave de révocation, peu important le quitus donné au président. En effet, le directeur général a pris une décision inadaptée d’augmentation des tarifs de vente des maisons commercialisées (hausse de 8 % sans tenir compte du marché et de la concurrence), suivie presque aussitôt de décisions contradictoires (autorisation donnée aux commerciaux d'appliquer les anciens tarifs puis d'accorder des remises de 3 à 4 % par rapport aux nouveaux tarifs). Ces décisions ont provoqué une désorganisation des équipes commerciales, un manque de clarté tarifaire pour la clientèle et, par suite, une perte de parts de marché qui s'est traduite par un exercice en baisse par rapport au précédent (138 maisons vendues contre 190). Les revirements successifs du directeur général démontrent son inadaptation aux fonctions de direction, au détriment du bon fonctionnement et des résultats de la société.
A noter : dans le silence de la loi, les modalités et les causes de révocation des dirigeants de SAS sont librement fixées par les statuts.
En pratique : la révocation du dirigeant de SAS sans indemnité est souvent subordonnée à l’existence d’un juste motif (par référence au juste motif de révocation imposé par le Code de commerce pour le directeur général de société anonyme) ou à l’existence d’une « faute grave » ou « lourde », ou encore, comme en l’espèce, à l’existence d’un « motif grave ».
Il a été jugé que le quitus donné par l'assemblée générale à la gestion du dirigeant empêche de le révoquer pour faute de gestion (CA Paris 27-1-1983 : BRDA 13/83 p. 9 ; CA Paris 15-4-2010 n° 08/24496 : RJDA 10/10 n° 956). Par ailleurs, la faute de gestion ne constitue pas toujours une faute ou un motif grave de révocation. La solution dépend de l'analyse des circonstances de fait. Ainsi, jugé que le défaut d'anticipation des problèmes de trésorerie de la société, l'absence de mesures de gestion correctives et le fait de ne pas avoir réalisé de bonnes prévisions de chiffre d'affaires traduisaient une insuffisance professionnelle du président d'une SAS qui ne pouvait pas être qualifiée de faute grave (CA Paris 30-4-2014 n° 13/12230). En revanche, a commis des fautes graves de gestion le dirigeant d'une société unipersonnelle ayant pris des décisions d'investissement à long terme qui se sont révélées gravement préjudiciables à la rentabilité de la société, en méconnaissance des orientations explicites contraires de l'associé unique (CA Paris 27-5-2014 n° 14/00698).
Conseil : pour limiter les conflits, il est conseillé aux associés de donner dans les statuts des précisions sur la nature des comportements qu'ils entendent qualifier de graves, sans toutefois s'enfermer dans une liste exhaustive.
Arnaud WURTZ
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales nos 12501 et 60354