Une cour d'appel estime que le cogérant d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) de vétérinaires a été révoqué sans juste motif et lui accorde des dommages-intérêts. Sa décision est cassée.
Selon la cour d'appel, les conséquences financières du licenciement d'une salariée enceinte ne constituaient pas un juste motif de révocation dès lors que cette salariée n'avait pas engagé d'action prud'homale au moment de la révocation du gérant.
Mais, juge la Cour de cassation, la méconnaissance des dispositions légales relatives à la protection d'une salariée enceinte peut constituer un juste motif de révocation indépendamment de ses conséquences financières pour la société.
La cour d'appel avait en outre retenu que les faits reprochés au cogérant quant à la gestion sociale, aux manquements envers les clients ou à la désolidarisation avec la direction relevaient de la responsabilité des deux gérants, ce qui privait de crédit les allégations du gérant à l'initiative de la procédure de révocation : il avait la possibilité de s'opposer aux décisions de son cogérant et n'avait contesté l'opportunité de ces décisions qu'à l'occasion de la procédure de révocation.
Ce motif est lui aussi censuré par la Cour de cassation : le fait que le gérant à l'initiative de la révocation ne se soit pas opposé aux décisions litigieuses de l'autre gérant ne lui interdisait pas de s'en prévaloir comme juste motif de révocation.
La révocation d'un gérant de SARL ou de Selarl décidée sans juste motif peut donner lieu à des dommages-intérêts (C. com. art. L 223-25 ; pour les Selarl, sur renvoi de la loi 90-1258 du 31-12-1990 art. 1).
Constitue un juste motif un manquement à une obligation légale ou statutaire, comme le fait de ne pas avoir déclaré l'emploi d'un tiers auprès des organismes sociaux et de l'administration fiscale (CA Paris 8-11-1991 : RJDA 2/92 n° 167) ou, pour le cogérant d'une SARL exploitant une agence immobilière, le fait qu'il n'ait pas justifié, ainsi qu'il y était tenu, qu'il remplissait les conditions requises pour l'exercice de ses fonctions (CA Paris 30-10-2007 n° 06/14260 : RJDA 3/08 n° 296).
Lorsqu'une SARL est dirigée par plusieurs gérants, l'un d'eux peut-il invoquer les fautes de gestion d'un autre pour réclamer la révocation de celui-ci ?
Quelle que soit la répartition des pouvoirs entre les gérants, chacun d'eux, en sa qualité de dirigeant détenant les plus larges pouvoirs pour gérer et représenter la société, est tenu de contrôler les actes effectués par l'autre ou les autres gérants, faute de quoi sa responsabilité serait engagée à l'égard de la société pour faute de gestion.
En cas de mauvaise gestion de l'un des gérants, l'autre dispose d'un droit d'opposition à toute opération projetée par l'autre gérant avant qu'elle soit conclue (C. com. art. L 221-4, al. 2 ; pour les SARL, sur renvoi de l'art. L 223-18). Cette opposition peut prendre une forme quelconque (exploit d'huissier, lettre ou même déclaration devant témoins) pourvu qu'elle soit nettement affirmée.
S'il ne s'est pas opposé aux décisions de son cogérant et que celles-ci sont préjudiciables à la société, l'autre gérant peut alors, comme l'indique la Cour de cassation, proposer sa révocation aux associés pour juste motif.
Arnaud WURTZ
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales nos 12255 et 12500 s.