La question inédite posée à la chambre sociale de la Cour de cassation était la suivante : à quelle date faut-il se placer pour déterminer si la rétractation d’une rupture conventionnelle est intervenue dans le délai ? La date d’envoi du courrier par la partie qui se rétracte ou sa date de réception par l’autre partie ?
La rétractation peut être envoyée le dernier jour du délai
Conformément au dernier alinéa de l’article L 1237-13 du Code du travail, à compter de la date de signature d’une convention de rupture par les deux parties, chacune d’elles dispose de 15 jours calendaires pour exercer son droit à rétractation.
Pour la jurisprudence, ce droit est une garantie fondamentale qui permet de s’assurer de la liberté de consentement des parties. Son non-respect entraîne l’annulation de la convention.
En l’espèce, les parties avaient signé une convention de rupture le jeudi 12 mars 2009, le délai de rétraction expirant donc le vendredi 27 mars à minuit. Par lettre recommandée envoyée le vendredi 27 mars et reçue par l’employeur le mardi 31 mars, le salarié a informé ce dernier qu’il usait de son droit de rétractation. La convention de rupture ayant été cependant homologuée par la Direccte, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande en nullité de la convention en invoquant sa rétractation. Débouté en appel au motif que cette dernière était tardive car reçue par l’employeur après le délai légal, il se pourvoit en cassation.
La Haute Juridiction censure l’arrêt de la cour d’appel et juge qu’une partie à la convention exerce valablement son droit de rétractation en adressant, dans le délai de 15 jours, une lettre de rétractation, peu important la date de réception de celle-ci. La Cour de cassation fait donc bénéficier les parties du délai prévu dans sa totalité et préserve au mieux leurs droits et intérêts.
Une solution cohérente mais qui n’allait pas de soi
En retenant la date d’envoi du courrier, la Cour de cassation applique sa jurisprudence traditionnelle en la matière. En effet, elle retient également cette date, notamment en cas de notification d’un licenciement (Cass. ass. plén. 28-1-2005 n° 03-41.337 P) ou d’une rupture de période d’essai (Cass. soc. 11-5-2005 n° 03-40.650 F-PBRI).
En outre, cette décision est conforme aux principes civilistes. Mais si cette solution est cohérente, elle ne relevait pas pour autant de l'évidence pour au moins 2 raisons.
La première au regard du texte même de l’article L 1237-13 précité. Celui-ci précise en effet que le droit à rétractation est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception. La référence à cette date par le législateur pouvait laisser penser qu’il convenait de prendre uniquement celle-ci en considération pour s’assurer du respect du délai de rétractation.
La seconde est d’ordre pratique au regard du mécanisme de la rupture conventionnelle. Une partie à la convention est en effet en droit, dès le premier jour qui suit la fin du délai de 15 jours calendaires, d’adresser une demande d’homologation à l’administration. Il s’ensuit qu’elle peut, en toute bonne foi, saisir la Direccte et n’apprendre qu’ultérieurement que l’autre partie s’est rétractée. De son côté, l’administration peut homologuer cette convention en ignorant la rétractation, puisque la partie qui se dédie n’est pas tenue de l’informer. Etait-ce vraiment l’intention du législateur de prévoir une saisine inutile de l’administration, source de contentieux ultérieur, comme en l’espèce ? Rien n’est moins sûr.
Stanislas DE FOURNOUX
Pour en savoir plus sur la rupture conventionnelle homologuée : voir Mémento Social nos 69100 s.