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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Social/ Rupture du contrat de travail

Salarié protégé licencié : quand l'employeur fait les frais d’une irrégularité administrative

Même si l'employeur a appliqué la procédure spéciale de licenciement et obtenu l'autorisation de licencier un salarié protégé pour faute grave, il peut être condamné à l'indemniser en raison de l'annulation de cette autorisation prise par un inspecteur du travail non compétent.

Cass. soc. 3-5-2016 n° 14-23.776


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Un salarié protégé, responsable d’agence, est licencié pour faute grave sur autorisation de l'inspecteur du travail. Il lui est reproché de s'être absenté plusieurs jours sans autorisation tout en demandant à ses collaborateurs de répondre aux cadres de la direction régionale qui l’auraient cherché qu’il était « en clientèle ». Il lui est également fait grief d’avoir exercé des pressions sur ses collaborateurs et d’avoir adopté un comportement insultant à leur égard, susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d'altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l'avenir professionnel des intéressés.

Une irrégularité "de forme" de l'autorisation de licenciement

Le salarié exerce un recours contre la décision de l'inspecteur du travail : il considère en effet qu'elle est irrégulière, car elle a été prise par un inspecteur du travail qui n'était pas compétent. Le tribunal administratif lui donne raison, par une décision du 4 novembre 2004. Le Conseil d'Etat, saisi du litige, approuve : l'inspecteur du travail compétent étant en congé, il avait désigné l'un de ses collègues pour assurer son intérim. Mais à défaut de désignation nominative de cet inspecteur du travail intérimaire par le Direccte, l'intérim n'était pas valable : l'autorisation administrative de licenciement, irrégulière, est donc annulée (CE 22-10-2008 n° 294958). Le salarié a ensuite saisi le juge prud'homal pour obtenir l'indemnisation de son préjudice.

L'annulation de l'autorisation de licenciement ouvre droit à indemnisation

La Cour de cassation rappelle qu'en vertu de l'article L 2422-4 du Code du travail, le salarié protégé dont l'autorisation de licenciement est annulée a droit à une indemnité réparant le préjudice subi :

- entre le licenciement et la réintégration, si elle a été demandée dans le délai de 2 mois à compter de la notification de l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail ;

- entre le licenciement et l'expiration de ce délai de 2 mois, lorsque la réintégration n'a pas été demandée.

La décision emportant droit à réintégration pour le salarié était celle du tribunal administratif ayant annulé l’autorisation de l’inspecteur du travail. Cette décision lui ayant été notifiée le 4 novembre 2004, le salarié pouvait solliciter sa réintégration jusqu’au 4 janvier 2005. Ne l’ayant pas demandée, son droit à indemnisation ne pouvait porter que sur la période allant de son licenciement, prononcé le 4 août 2003, au 4 janvier 2005. Soit tout de même, en l'espèce, plus de 38 700 €.

Le conseil de prud'hommes peut apprécier la légitimité de la rupture

Second point rappelé par la Cour de cassation : lorsque l'autorisation de licenciement est annulée, si le salarié protégé ne demande pas sa réintégration, il ne bénéficie pas automatiquement de l'indemnité de licenciement pour absence de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 22-5-1995 n° 92-45.243 ; Cass. soc. 31-1-2001 n° 98-46.129).

Si l’autorisation est annulée par le juge administratif parce que les faits reprochés au salarié ne sont pas établis ou ne sont pas de nature à justifier le licenciement (motif de légalité interne), le juge prud'homal est lié par cette appréciation (Cass. soc. 26-9-2007 n° 05-42.599). Outre l’indemnisation de son préjudice, il devra donc accorder à l’intéressé les indemnités dont bénéficie tout salarié licencié dans ces conditions.

En revanche, si, comme en l'espèce, l’autorisation est annulée pour un motif de légalité externe, le juge prud'homal retrouve son pouvoir d’appréciation du motif de licenciement (Cass. soc. 18-12-2013 n° 12-24.586).

Il a considéré ici que les faits reprochés au salarié caractérisaient bien une faute grave et l'a débouté de ses demandes d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A notre avis : même ainsi limitée, on peut se demander si la condamnation de l’employeur à indemniser le préjudice subi par le salarié est bien satisfaisante. Après avoir sollicité régulièrement, et obtenu, l’autorisation administrative prévue par la loi, il a licencié un salarié dont il est acquis qu’il avait commis une faute grave. Dans une telle situation, l'employeur peut toutefois intenter une action en responsabilité de l'Etat, afin d'obtenir une condamnation de ce dernier en réparation du préjudice résultant pour lui de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail (voir en ce sens CE 29-6-1990 n° 78088 ; CE 26-1-2001 n° 211102).

Laurence MECHIN

Pour en savoir plus : voir Mémento social nos 63300 s.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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