L’absence de local n'est pas compensable par de la technologie
La Cour de cassation considère que demander à un salarié de travailler depuis son domicile constitue une immixtion dans savie privée et n'entre pas dans l'économie générale du contrat de travail. Elle décide donc que si le salarié, qui n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l'indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l'occupation à titre professionnel du domicile (Cass. soc. 7-4-2010 no 08-44.865 FS-PB). Le salarié peut aussi prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition (Cass. soc. 12-12-2012 no 11-20.502 FS-PB ; Cass. soc. 9-4-2015 no 13-27.402 F-D).
L'employeur n'est pas tenu aux mêmes obligations lorsqu'il répond favorablement au salarié qui lui demande de travailler à son domicile pour convenance personnelle (CA Versailles 22-5-2002 no 01-2033) alors qu'il dispose effectivement d'un local professionnel mis à sa disposition par l'employeur.
En l’espèce, des salariés itinérants, exerçant les fonctions de visiteurs médicaux et de délégués pharmaceutiques, ne disposant pas de local professionnel, demandent une indemnisation au titre de l’occupation d’une partie de leur logement personnel à des fins professionnelles.
L’employeur leur conteste ce droit, soutenant notamment qu'il a mis à la disposition des salariés concernés les moyens technologiques (téléphone portable, ordinateur portable, imprimante, clé 3G, iPad) leur permettant d'exécuter l'intégralité de leurs tâches administratives à l'extérieur de leur domicile et que les outils et documents nécessaires à l'exécution de leur travail peuvent être stockés dans leur véhicule de fonction. Selon lui, l’exécution, par ces salariés, des tâches administratives à leur domicile résulte donc d’un choix de leur part, de sorte qu’elle ne constitue pas une sujétion justifiant une indemnisation.
La Cour de cassation rejette ces arguments. Après avoir rappelé le principe posé dans l’arrêt de 2012 précité, elle retient que les salariés itinérants ne disposent d’aucun local au sein de l'entreprise pour gérer des commandes, préparer leurs visites et en rendre compte, actualiser leurs informations, répondre à leurs courriels et accéder aux formations obligatoires dispensées à distance. Ainsi, malgré la mise à disposition de matériel leur permettant d’exécuter certaines tâches courantes en tout lieu, l'employeur ne peut pas pour autant prétendre que l'exécution par les salariés de leurs tâches administratives à domicile résulte de leur seul choix, compte tenu de la diversité de ces tâches et de la nécessité de pouvoir s'y consacrer sérieusement dans de bonnes conditions.
Quels critères pour fixer le montant de l’indemnité ?
S’agissant de l’indemnité d’occupation de son domicile due par l’employeur au salarié qui accepte d’y travailler, la chambre sociale de la Cour de cassation a admis que son montant peut être modulé en fonction de l’importance de la sujétion subie par le salarié, par exemple du temps d’occupation du domicile à des fins professionnelles (Cass. soc 7-4-2010 no 08-44.865 FS-PB). Elle considère cependant que l’appréciation de ce degré de sujétion relève du pouvoir souverain des juges du fond.
Dans le présent arrêt, la Cour de cassation confirme que le montant de l’indemnité est fixé souverainement par les juges du fond et approuve ces derniers d’avoir considéré que l'occupation du logement à des fins professionnelles résultant du stockage du matériel professionnel ne variait ni en fonction du temps de travail effectif ni en raison de l'utilisation des heures de délégation.
Oriane TRAORE
Pour en savoir plus sur le remboursement des frais professionnels : voir Mémento Social n° 70515