Une personne physique associée d’une société à responsabilité limitée (SARL) vient à en détenir toutes les parts sociales. L’expert-comptable de la société omet de signaler que le résultat social devient alors imposable sous le régime de l’impôt sur le revenu, sauf si la société opte pour le régime de l’impôt sur les sociétés (CGI art. 8). L’associé fait l’objet d’un redressement fiscal pour ne pas avoir intégré dans sa déclaration des revenus le résultat imposable de la société et il réclame à l’expert-comptable des dommages-intérêts d’un montant égal à ce redressement (plus de 260 000 €). Une cour d’appel fait droit à sa demande mais soustrait de cette somme l’impôt sur les sociétés (IS) indûment payé par la société et remboursé à celle-ci par l’administration fiscale.
La Cour de cassation censure la décision (Cass. com. 5-4-2023 n° 20-19.276 F-D), en estimant qu’elle contrevient au principe de la réparation intégrale du préjudice, qui oblige à placer celui qui l’a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n’avait pas eu lieu : en effet, l’associé n’aurait pas été personnellement imposé au titre du résultat social si la société, dûment informée, avait opté pour le maintien du régime de l’IS ; de plus, le montant de l’IS n’avait pas été remboursé à l’associé mais à la société.
A noter :
Lorsque toutes les parts d’une SARL sont détenues par une seule personne, la société devient automatiquement une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL). Contrairement à la SARL, l’EURL dont l'associé unique est une personne physique n’est pas passible de l'IS, sauf option expresse pour cet impôt. A défaut d’une telle option, elle relève du régime fiscal des sociétés de personnes, l'associé étant personnellement imposé à l'impôt sur le revenu à raison des bénéfices sociaux.
La réunion de toutes les parts d’une SARL entre les mains d’une seule personne physique entraîne donc des conséquences fiscales sur lesquelles l’expert-comptable aurait dû attirer l’attention. En effet, l’expert-comptable chargé de la comptabilité d’une entreprise est tenu d’un devoir général d’information et de conseil (Décret 2012-432 du 30-3-2012 art. 155). A l’égard des tiers qui auraient subi un préjudice du fait d'une faute ou d'une négligence de l'expert-comptable, celui-ci engage sa responsabilité extracontractuelle.
Conformément au droit commun de la responsabilité civile, le préjudice subi doit être intégralement réparé, sans perte ni profit pour la victime (jurisprudence constante, par exemple Cass. crim. 24-2-2009 n° 08-83.956 F-P : RJDA 7/09 n° 689). Il en résulte notamment que le préjudice ne peut pas être réduit au motif que la victime peut obtenir une réparation partielle par d’autres voies juridiques auprès de tierces personnes (Cass. com. 12-10-1993 n° 91-10.417 P : RJF 2/94 n° 147). En l’espèce, l’impôt au titre du résultat imposable de l’EURL a donc pu à la fois être remboursé à celle-ci par l’administration fiscale et donner lieu à une indemnisation intégrale de son associé unique.
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