Par PwC, auteur du Mémento Comptable et du Feuillet Rapide comptable
Le règlement n° 2018-06 de l’ANC relatif aux comptes annuels des personnes morales de droit privé à but non lucratif a été homologué par arrêté et publié au JO du 30 décembre 2018. Il abroge le règlement CRC n° 99-01 (modifié en 2004) et tous les règlements le modifiant.
Son champ d’application est plus large que celui du règlement CRC n° 99-01 (art.111-1). Il comporte les dispositions communes à l’ensemble des entités du secteur non lucratif et des dispositions particulières pour certaines entités. Le nouveau règlement s’appliquera obligatoirement aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, avec la possibilité d’une application anticipée à compter des exercices clos en 2019.
Les principaux points d’attention à retenir sont développés ci-après.
Le traitement spécifique des subventions d’investissement affectées à des biens renouvelables a-t-il été maintenu ?
Non. La spécificité du secteur relative au traitement des subventions d’investissement pour biens renouvelables par l’organisme qui consistait à maintenir au passif dans les « fonds associatifs » la subvention d’investissement a été supprimée.
Les dispositions du PCG pour comptabiliser les subventions d’investissements (PCG art. 941-13) sont désormais les seules applicables. Les subventions sont donc à comptabiliser dans les comptes 131 « Subventions d'équipement » ou 138 « Autres subventions d'investissement », puis font l’objet d’une reprise au compte de résultat par le crédit du compte 777 « Quote-part des subventions d'investissement virée au résultat de l'exercice ». Elles sont reprises au prorata de la quote-part des amortissements pratiqués sur l’immobilisation ainsi financée.
A noter : Seuls les financements publics sont classés en subventions d'investissement. Sur les financements d'investissement reçus par des financeurs autres que des financeurs publics, désormais constatés dans les fonds dédiés, voir question ci-après.
En quoi le dispositif des fonds dédiés a-t-il été élargi ?
Auparavant, les fonds dédiés concernaient les subventions de fonctionnement, les dons manuels et les libéralités.
Dorénavant, les comptes de fonds dédiés représentent, à la clôture de l’exercice, les montants non utilisés pendant l’exercice des ressources suivantes (PCG art. 132-2) :
- subventions d’exploitation ;
- contributions financières reçues d’autres personnes morales de droit privé à but non lucratif ;
- ressources liées à la générosité du public comprenant les dons manuels, le mécénat, les legs, donations et assurances-vie.
Outre l’élargissement du dispositif aux contributions financières reçues d’autres personnes morales de droit privé à but non lucratif, le règlement prévoit également un dispositif propre au financement d’un investissement défini.
Ainsi, pour les immobilisations amortissables, l’entité peut rapporter en produits le montant de l’acquisition ou le coût de production sur la même durée que celle retenue pour l’amortissement des immobilisations. Il s’agit d’un choix de méthode comptable applicable à l’ensemble des immobilisations amortissables et donnant lieu à une information dans l’annexe des comptes concernant la méthode retenue (PCG art. 132-3).
Les libellés des comptes 689 « Report en fonds dédiés » et 789 « Utilisation des fonds dédiés » ont été modifiés (auparavant, respectivement : « Engagements à réaliser sur … » et « Report des ressources non utilisées des exercices antérieurs »), et le classement de ces comptes est dans le résultat d’exploitation.
Enfin, pour les fondations abritées ayant un projet plus restreint que celui de la fondation abritante, les missions réalisées par la fondation abritée sont assimilées à un projet défini, et la partie des ressources qui, à la clôture de l’exercice, n’a pu être utilisée conformément à l’engagement pris à l’égard des fondateurs de la fondation abritée constitue un fonds dédié.
Nouvelles dispositions concernant la comptabilisation des donations temporaires d’usufruit
Auparavant, aucune règle n’était prévue, sauf pour les fondations et les fonds de dotation qui devaient fournir certaines informations en annexe (nature, conditions, montant des produits perçus…).
Dorénavant, les donations temporaires d’usufruit (DTU) sont comptabilisées en immobilisations incorporelles (compte 204 « DTU ») à la date de signature de l’acte de donation temporaire, avec pour contrepartie un compte 191200 « Fonds reportés » (PCG art. 213-1).
La DTU est évaluée à la valeur vénale (valeur des revenus générés par le bien sur la durée de la DTU) et amortie sur la durée de la DTU au compte 2804 en contrepartie du compte 1912.
Ce traitement comptable s’accompagne d’une information spécifique en annexe. Plus particulièrement, lors du premier exercice d’application du règlement, la méthode retenue pour les DTU conclues antérieurement devra être précisée.
Le nouveau règlement ANC fait-il évoluer le traitement des libéralités ?
Le règlement CRC n° 99-01 prévoyait l'enregistrement des libéralités en hors bilan à l'acceptation par le conseil d'administration puis, pour les biens destinés à être cédés, dans un compte spécifique transitoire 475 jusqu'à la cession des biens.
Selon le nouveau règlement, les biens reçus (créances, actifs par nature ou biens destinés à être cédés), dettes et obligations résultant de stipulations du testateur ou donateur (provision) sont comptabilisés au bilan dès la date d’acceptation du legs ou de la donation, en contrepartie d’un compte de produits.
La partie des ressources constatée en produit d’exploitation au cours de l’exercice, qui n’est pas encore encaissée ou transférée à la clôture, fait par ailleurs l’objet d’une comptabilisation en fonds reportés en contrepartie d’une charge. Les fonds reportés sont comptabilisés en produits au fur et mesure de la réalisation du legs ou de la donation (PCG art 213-12).
Ces nouvelles dispositions nécessiteront de la part de l’entité une vigilance renforcée concernant la première application du règlement ANC n° 2018-06 :
- exhaustivité et justification des actifs et passifs, justification corollaire des fonds reportés ;
- non-compensation actifs / passifs – classement comptable par rubrique du bilan ;
- évaluation : valeur vénale à comparer à la valeur vénale d’origine.
Sur le traitement des donations temporaires d’usufruit (DTU), voir question précédente.
Précisions apportées à la définition et aux conditions de comptabilisation en résultat des contributions volontaires en nature
Il est précisé qu’une contribution volontaire en nature est l’acte par lequel une personne physique ou morale apporte à une entité un travail, des biens ou des services à titre gratuit. Il s’agit des contributions (PCG art. 211-1) :
- en travail : bénévolat, mises à disposition de personnes ;
- en biens : dons en nature redistribués ou consommés en l’état ;
- en services : mises à disposition de locaux ou de matériel, prêt à usage, fourniture gratuite de services.
Celle nouvelle définition a permis de préciser la nature des contributions volontaires à prendre en compte.
En outre, les contributions volontaires en nature sont valorisées, comptabilisées et présentées au pied du compte de résultat, si les deux conditions suivantes sont réunies (PCG art. 211-2 et 211-3) :
- ce sont des éléments essentiels à la compréhension de l’activité de l’entité ;
- l’entité est en mesure de les recenser et de les valoriser.
Le nouveau règlement renforce ainsi considérablement les règles comptables à retenir en matière de contributions volontaires en nature.
En cas de comptabilisation des contributions volontaires, l’annexe devra comprendre :
- la nature de ces contributions ;
- les modalités mises en œuvre pour les recenser et les quantifier ;
- les méthodes de valorisation retenues.
En revanche, si l’entité estime que la présentation des contributions volontaires en nature n’est pas compatible avec son objet ou ses principes de fonctionnement, elle peut décider de ne pas les comptabiliser, sous réserve d’une information renforcée en annexe (PCG art. 211-4). Dans ce cas, l’entité devra ainsi apporter une information complémentaire sur les motifs de sa décision.
Par ailleurs, le traitement comptable des prêts à usage (commodat) est similaire à celui prévu pour les contributions volontaires en nature. Les prêts à usage ne sont donc plus comptabilisés au bilan.
Sur le traitement des frais engagés par les bénévoles d’une entité et auxquels ils renoncent au profit de l’entité, voir ci-après.
Le maintien au bilan des dons en nature destinés à être cédés est-il toujours la règle ?
Non. Les dons en nature destinés à être cédés ne sont plus présentés à l’actif du bilan. Ils font dorénavant l’objet d’une information hors bilan en « Engagements reçus ».
Lors de la réalisation de la vente, l’engagement reçu est soldé, et la vente est comptabilisée en produit « Ventes de dons en nature » (PCG art. 213-6).
Nouveau traitement spécifique aux abandons de frais engagés par les bénévoles
Les frais engagés par les bénévoles d’une entité et auxquels ils renoncent au profit de l’entité sont comptabilisés :
- dans un premier temps, en charges en contrepartie d’une dette vis-à-vis du bénévole ;
- puis dans un compte de produit spécifique en contrepartie du compte de tiers des bénévoles, annulant ainsi la dette de l’entité à l’égard du bénévole (PCG art.141-4).
En effet, les abandons de frais kilométriques par les bénévoles ne doivent plus être enregistrés en contributions volontaires par nature afin que ces derniers puissent bénéficier de la réduction d’impôt correspondante prévue à l’article 200 du CGI (PCG, commentaire infra-réglementaire IR 1 sous l’article 141-4 du PCG).
Nouveautés relatives à l’annexe des entités faisant appel public à la générosité
Auparavant, les organismes faisant appel public à la générosité devaient inclure dans l’annexe un compte d’emploi annuel des ressources (CER) collectées auprès du public, qui précise notamment l’affectation des dons par type de dépenses.
Selon le nouveau règlement, l’annexe des comptes annuels des associations et fondations relevant des articles 3 et 4 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 et les fonds de dotation qui font appel à la générosité du public doit dorénavant comporter les états suivants (PCG art. 432-1) :
- un compte de résultat par origine (produits) et destination (charges) ;
- un compte d’emploi des ressources collectées auprès du public conforme à la loi du 7 août 1991 ;
- un tableau de variation des fonds propres spécifique (si l’entité est en capacité ou prend la décision d’identifier dans ses fonds propres la quote-part des fonds propres issus de la générosité du public, à l’ouverture et à la clôture de l’exercice).
De façon facultative, en complément des états ci-avant, le règlement ANC 2018-06 prévoit, pour les organismes faisant appel public à la générosité, la possibilité de présenter dans l’annexe les tableaux suivants (PCG art. 432-16) :
- une réconciliation entre le compte de résultat et le compte de résultat par origine et destination ;
- un tableau de rapprochement entre les contributions volontaires en nature du compte de résultat et du compte de résultat par origine et destination.
Nouveaux modèles de comptes annuels
Oui. De nouveaux modèles de bilan, de compte de résultat et d’annexe figurent dans le livre IV du règlement n° 2018-06 de l’ANC.
Le règlement fixe ainsi des règles d’établissement et de présentation :
- bilan et compte de résultat : tableaux normés ;
- bilan, compte de résultat et annexe : subdivisions possibles (si détails souhaités), mais la structure est à respecter ;
- les rubriques sans montant sur N et N-1 peuvent être enlevées ;
- annexe : plusieurs tableaux sont modélisés, dont la forme est à respecter.
Le règlement prévoit-il des dispositions spécifiques pour sa première application ?
Non. Les règles générales sur les changements de méthodes s’appliquent.
Lors de la première année d’application du règlement n° 2018-06 de l’ANC, plusieurs dispositions entraîneront des changements de méthode comptable pour les entités du secteur, qui devront dès lors porter une attention particulière à leur présentation dans l’annexe des comptes annuels.