Droit pénal international
Coopération judiciaire européenne
Un décret du 30 janvier met en conformité les règles concernant l’échange simplifié d’information entre services répressifs à la suite de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, prise en application de la directive (UE) 2023/977 du 10 mai 2023. Il détermine les règles applicables aux demandes d’informations adressées par le point de contact unique français à celui d’un autre État membre de l’Union européenne, ainsi que celles applicables aux demandes d’informations reçues par le point de contact unique français. (Décr. n° 2025-84 du 30-01-2025 relatif à l'échange d'informations entre les services d'enquête français et ceux des Etats membres de l'Union européenne)
Droit pénal spécial
Blanchiment de capitaux et financement du terrorisme : portée de l’obligation déclarative de l’article L.. 561-15 du code monétaire et financier
Saisi pour avis par le Gouvernement, le Conseil d’État s’est prononcé quant au champ d’application de l’obligation déclarative définie à l’article L. 561-15 du code monétaire et financier. Pour rappel, ce texte exige des personnes assujetties aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme qu’elles déclarent à Tracfin « les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme » (art. L. 561-15, I). En cas de soupçon portant sur l’existence d’une fraude fiscale, elles ne sont néanmoins tenues à cette obligation déclarative que « lorsqu’il y a présence d’au moins un critère défini par décret » (art. L. 561-15, II).
Alors que certains professionnels ont une lecture restrictive de ces dispositions, limitées selon eux aux soupçons de blanchiment, le Conseil d’État indique « qu’il résulte des termes mêmes des dispositions du I de l’article [précité] que l’obligation déclarative porte aussi bien sur les sommes obtenues par la commission d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an, quelle que soit la nature de cette infraction, que sur les opérations portant sur ces sommes, ces dernières pouvant, le cas échéant, traduire des faits de blanchiment ».
Il estime par ailleurs qu’aucune modification législative n’est nécessaire « pour fonder en droit des obligations déclaratives ne se limitant pas aux seuls faits de blanchiment » et, par là même, mettre fin aux divergences d’interprétation. (CE, avis, 23-01-2025, n° 408941)
Caractérisation de l’extorsion de signature
L'article 312-1 du code pénal n'exige pas, pour que le délit d’extorsion soit constitué, que la signature obtenue par violence, menace ou contrainte soit apposée sur un document valant engagement. (Crim. 05-02-2025, n° 24-81.579, F-B)
Caractérisation de la participation à un groupement en vue de la préparation de violences ou de destructions
Dans une affaire liée aux manifestations de contestation des « méga-bassines » en 2023, la Cour de cassation précise que le délit de participation à un groupement formé en vue de la préparation d'infractions de violences ou de destructions ou dégradations (C. pén., art. 222-14-2) suppose, pour être constitué, que son auteur a sciemment participé à un groupement, soit en ayant personnellement accompli un ou plusieurs faits matériels caractérisant la préparation de l'une de ces infractions, soit en ayant connaissance de tels faits commis par d'autres. (Crim. 05-02-2025, n° 24-80.051, F-B)
Incrimination attentatoire à la liberté d’expression : nécessité d’un contrôle de proportionnalité
Dans deux arrêts, la chambre criminelle réaffirme explicitement (v. récemment Crim. 08-01- 2025, n° 23-84.535 et n° 23-80.226) que lorsque le mis en examen ou le prévenu invoque une atteinte disproportionnée à sa liberté d'expression, il appartient au juge, après s'être assuré, dans l'affaire qui lui est soumise, du lien direct allégué entre le comportement incriminé et la liberté d'expression sur un sujet d'intérêt général (qu’il doit caractériser), de vérifier le caractère proportionné de la poursuite ou, le cas échéant, de la déclaration de culpabilité et de la peine. Ce contrôle de proportionnalité nécessite un examen d'ensemble, qui doit prendre en compte, concrètement, entre autres éléments, les circonstances des faits, la gravité du dommage ou du trouble éventuellement causé. (Crim. 04-02-2025, n° 23-86.384, F-B et Crim. 05-02- 2025, n° 24-80.051, F-B, préc.)
Procédure pénale
Procédure de contestation de la formulation des questions devant la cour d'assises
Le moyen tiré de l'absence de question subsidiaire dans les cas prévus par l'article 351 du code de procédure pénale ne peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.
Ce texte prévoit que, s'il résulte des débats que le fait comporte une qualification légale autre que celle donnée par la décision de mise en accusation, le président pose une ou plusieurs questions subsidiaires. Par ailleurs, lorsque l'accusé majeur est mis en accusation du chef de viol aggravé par la minorité de quinze ans de la victime, le président pose la question subsidiaire de la qualification d'atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans si l'existence de violences ou d'une contrainte, menace ou surprise a été contestée au cours des débats.
Si l'accusé ou son avocat entendent contester la formulation des questions, il leur appartient d'élever un incident contentieux devant la cour d'assises dans les formes prévues par l'article 352 du même code. (Crim. 05-02-2025, n° 23-85.137, FS-B)
Prolongation de détention provisoire : justification de la demande (et du refus) de renvoi
Le demandeur ne peut se faire un grief d'une insuffisance de réponse de la chambre de l'instruction à sa demande de renvoi dès lors que ladite demande ne comporte aucune précision sur le motif de l'indisponibilité avancée et n’est accompagnée d'aucun justificatif, ce qui ne met pas cette juridiction en mesure d'en apprécier la pertinence. En outre, si la chambre de l'instruction doit motiver son refus de faire droit à une demande de renvoi dûment motivée et justifiée, elle n'a pas, pour la rejeter, à établir qu'elle est dans l'impossibilité d'y faire droit.
En l’espèce, l’avocat du mis en examen ne pouvait donc se contenter d’indiquer par courriel qu’il était disponible à certaines dates pour assister son client, et indisponible à une autre en raison d’une autre audience. (Crim. 04-02-2025, n° 24-86.632, F-B)
Peine et exécution des peines
Motivation de la période de sûreté
Lorsque la période de sûreté est facultative ou excède la durée de celle prévue de droit, elle doit faire l'objet d'une décision spéciale et motivée.
En l'espèce, la chambre criminelle censure une cour d'assises qui avait notamment retenu la gravité des faits, l'appétence ancienne de l'accusé pour la pédopornographie et sa personnalité pour conclure qu'il convenait de le condamner à la peine de dix-huit ans de réclusion criminelle. En effet, en statuant ainsi, sans justifier par une décision motivée le prononcé d'une période de sûreté portée aux deux tiers de la peine par décision spéciale, la cour d'assises a méconnu les articles 132-23 du code pénal et 365-1 du code de procédure pénale. (Crim. 5 -02- 2025, n° 23-85.137, FS-B, préc.)
Modification d'une mesure de sûreté corrélative à l’irresponsabilité pénale : recevabilité de l’appel
Les décisions du juge des libertés et de la détention relatives à la modification ou à la levée d’une mesure de sûreté ordonnée en cas de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ou en cas de reconnaissance d'altération du discernement (C. pr. pén., art. 706-137), privatives ou restrictives de liberté, sont susceptibles d'appel, en l'absence de disposition législative spéciale contraire. Tel est le cas de l'ordonnance d’un JLD ayant rejeté une requête en relèvement d’une interdiction de paraître. (Crim. 05-02-2025, n° 23-86.184, F-B)
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal