INFRACTIONS
Lanceur d’alerte et liberté d’expression
La condamnation au paiement d’une amende pénale de 1 000 euros d’un lanceur d’alerte ayant divulgué des documents confidentiels protégés par le secret professionnel (consistant en 14 déclarations fiscales de sociétés multinationales et 2 courriers d’accompagnement) a été jugée contraire à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme protégeant la liberté d’expression, qui inclut la liberté de communiquer des informations. La Cour utilise les mêmes critères déjà dégagés depuis l’arrêt Guja (CEDH 12-2-2008 n° 14277/04, Guja c/ Moldova), à savoir les moyens utilisés pour procéder à la divulgation, l’authenticité de l’information divulguée, la bonne foi, l’intérêt public que présente l’information divulguée, le préjudice causé et la sévérité de la sanction. Dès lors, au vu de l’importance du débat public sur les pratiques fiscales des multinationales auquel les informations divulguées ont apporté une contribution essentielle, la Cour a estimé que l’intérêt public attaché à la divulgation de ces informations l’emportait sur l’ensemble des effets dommageables résultant de celle-ci (CEDH 14-2-2023 n° 21884/18, Halet c/ Luxembourg).
PEINES ET EXECUTION DES PEINES
Confiscation
La chambre criminelle réaffirme que le juge qui souhaite prononcer une confiscation doit préciser, dans sa décision, la nature et l’origine du bien qu’il entend confisquer et, le cas échéant, opérer un contrôle de proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété du prévenu (Cass. crim. 14-2-2023 n° 21-85.689 F-B).
Saisies spéciales
La Cour de cassation estime que si les juridictions répressives peuvent statuer sur les incidents contentieux relatifs à l’exécution des sentences qu’elles ont prononcées et procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans leurs décisions, ces dispositions ne leur donnent pas le pouvoir d’autoriser l’aliénation des biens saisis au cours de l’enquête ou de l’information judiciaire. Ainsi encourt la cassation l’arrêt qui autorise l’aliénation, par les autorités judiciaires des Etats-Unis, des biens saisis par ces autorités à la demande des autorités judiciaires françaises (Cass. crim. 15-2-2023 n° 21-87.146 F-B).
PROCEDURE
Perquisitions
L’assemblée plénière de la Cour de cassation décide de renvoyer au Conseil constitutionnel la question relative à l’absence de régime propre aux perquisitions réalisées dans un ministère, car elle présente un enjeu institutionnel au regard du principe de la séparation des pouvoirs (Cass. ass. plén. 17-2-2023 n° 22-85.784, 21-86.418 et 22-83.930 (QPC)). Cette décision a été rendue au sujet de la procédure relative aux soupçons de prise illégale d’intérêts pesant sur l’actuel Garde des Sceaux.
Destruction de biens saisis
Il résulte des dispositions de l’article 41-5 du Code de procédure pénale que la décision par laquelle le procureur de la République ordonne la destruction des biens meubles saisis dont la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, s’il s’agit d’objets qualifiés de dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite, est notifiée par tout moyen aux personnes ayant des droits sur le bien, si celles-ci sont connues, et aux personnes mises en causes, qui peuvent le contester devant la chambre de l’instruction. Le président de la chambre de l’instruction ne peut donc pas statuer seul sur cette contestation. En outre, la décision du procureur peut être écrite ou orale, dès lors que le procès-verbal d’enquête rend compte de ces motifs (Cass. crim. 15-2-2023 n° 22-83.956 F-B).
Majeurs protégés
Un décret supprime de la liste des cas dans lesquels l’expertise médicale n’est pas obligatoire pour les procédures visant un majeur protégé l'ordonnance pénale et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CPP art. D 47-22 modifié par le décret 2023-89 du 13-2-2023). En effet, il s’agit de voies de poursuites pour lesquelles le majeur protégé poursuivi doit nécessairement faire l'objet d'une expertise médicale afin d'évaluer sa responsabilité pénale au moment des faits, avant tout jugement au fond (CPP art. 706-115).
Elus victimes d’agression
Une circulaire présente les dispositions issues de la loi 2023-23 du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression. Elle comporte en annexe un tableau comparatif de l’article 2-19 du code de procédure pénale (Circ. 10-2-2023 NOR : JUSD2304384C).
Ecoutes téléphoniques
Dans le cadre d’un renvoi préjudiciel visant la pratique nationale bulgare, la Cour de justice de l’Union européenne affirme que l’obligation de motivation qui existe en matière d’autorisation des écoutes téléphoniques n’est pas violée lorsque la décision se fonde sur une demande détaillée et circonstanciée de l’autorité pénale compétente et que les motifs de l’autorisation peuvent être déduits aisément et sans ambiguïté d’une lecture croisée de la demande et de l’autorisation. Ainsi, une décision autorisant une mise sur écoute téléphonique peut ne pas contenir de motifs individualisés et prendre la forme d’un modèle préétabli (CJUE 16-2-2023 aff. C-349/21).
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal