Décret d’application de la loi confiance
Un décret publié le 14 avril précise plusieurs dispositions de procédure pénale de la loi confiance dans l’institution judiciaire (Loi 2021-1729 du 22-12-2021). A noter plus particulièrement : les conditions dans lesquelles le principe du contradictoire s’appliquera aux enquêtes préliminaires ; des précisions sur les instructions criminelles ouvertes dans un tribunal judiciaire dépourvu de pôle de l’instruction ; les modalités d’accès au dossier et de reproduction de pièces par les avocats ; le déroulement des réunions de préparation des audiences criminelles ; les conséquences de la suppression du retrait de plein droit des crédits de réduction de peines des condamnés qui refusent les prélèvements aux fins d'empreinte génétique ou encore les modalités d'exercice du recours contre les décisions relatives à l'exécution dans un autre Etat membre de l'Union européenne d'une peine prononcée en France (Décret n° 2022-546 du 13-4-2022).
Pour une présentation détaillée, voir Un nouveau décret d’application de la loi confiance en matière pénale est publié - Pénal | Dalloz Actualité (dalloz-actualite.fr)
Compétence universelle, la résistance de la cour d’appel de Paris
Dans cet arrêt rendu le 4 avril (n° parquet P19177000232), la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris adopte une solution inverse de celle récemment retenue par la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim. 24-11-2021 n° 21-81.344 FS-B : P. Beauvais, Les paradoxes de la compétence universelle de la France pour juger les crimes contre l’humanité, RSC 2022. 41 ; K. Mariat, La compétence universelle peut attendre, AJ Pénal 2022. 80 ; M. Léna, La compétence universelle n’attend plus, AJ pénal 2022. 169 ; Y. Mayaud, Pas de crime contre l’humanité sans un plan concerté d’attaque généralisée ou systématique, RSC 2022. 51 ; G. Poissonnier, Crimes internationaux commis en Syrie : la Cour de cassation enterre la compétence du juge français Ghislain Poissonnier, D. 2022. 150). Cette dernière avait en effet jugé que l’article 689-11 du Code de procédure pénale s’oppose à la compétence universelle des juridictions françaises pour des faits commis en Syrie, faute d’adhésion de ce pays au Statut de Rome et d’une réciprocité d’incrimination exigée par le texte (pas d’équivalence des crimes contre l’humanité en droit syrien, notamment quant à la notion de « plan concerté »).
L’affaire soumise à la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris concernait un membre du groupe Jays Al-Islam en Syrie, accusé de nombreuses exactions. Arrêté à Marseille, il est mis en examen dans le cadre d’une instruction ouverte notamment pour crime de guerre (meurtre), participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime ou délit de guerre, torture ou acte de barbarie.
La chambre de l’instruction déclare, très directement, que « l’article 689-11 du Code de procédure pénale n’exige pas une identité parfaite dans les incriminations dans le droit de l’État et dans le droit français, mais uniquement que les faits poursuivis en France soient également punis par la législation de l’État concerné ». Opposées sur le fond, les deux décisions n’en conduisent pas moins à la même conclusion : il est urgent que la France rattrape son retard, notamment sur l’Allemagne, en matière de compétence universelle.
Responsabilité pénale d’une société après une fusion
En cas de fusion-absorption d’une société par une autre, la société absorbante peut être condamnée pénalement pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la société absorbée avant l’opération de fusion, notamment lorsque l’opération, quelle que soit sa date et quelle que soit la nature des sociétés concernées, a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale et qu’elle constitue ainsi une fraude à la loi. Une chambre de l’instruction qui retient que la société mise en cause a fait l’objet d’une fusion, à une date où, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l’article 121-1 du Code pénal s’opposait à ce que la société absorbante soit poursuivie et condamnée pour des faits commis par la société absorbée antérieurement à l’opération de fusion absorption doit se prononcer sur l’existence d’une éventuelle fraude à la loi (Cass. crim. 13-4-2022 n° 21-80.653 FS-B).
Recel et infraction principale
Le délit de recel ne peut être reproché à celui qui a commis l’infraction principale dont provient la chose recelée. Par conséquent les délits de recel d’abus de biens sociaux et de recel de banqueroute ne peuvent être retenus à l’encontre de celui qui a commis les infractions d’abus de biens sociaux et de banqueroute. Il s’agit d’infractions incompatibles dont l’exclusion mutuelle est étrangère au principe non bis in idem (Cass. crim. 13-4-2022 n° 19-84.831 F-B).
Opposition à contrôle fiscal
Le Conseil constitutionnel autorise le cumul des sanctions d’amende pénale et de majoration des droits encourus par un contribuable qui s’est opposé à un contrôle fiscal (Cons. const. 8-4-2022 n° 2022-988 QPC). Pour les sages de la rue de Montpensier, les faits visés ne sont qualifiés de manière identique : l’amende pénale réprime le comportement de toute personne visant à faire obstacle à l'accomplissement par les agents de l'administration de leurs fonctions, indépendamment de la mise en œuvre d'un contrôle fiscal et du fait que des droits aient ou non été éludés. La majoration des droits ne peut, quant à elle, s'appliquer qu'à un contribuable qui s'est opposé à un contrôle fiscal à la suite duquel l'administration établit qu'il a éludé des droits.
Prescription des infractions dissimulées
La chambre criminelle fait application du régime de la prescription propre aux infractions dissimulées à l’infraction d’abandon de déchets (Cass. crim. 12-4-2022 n° 21-83.696 F-B). En l’espèce, les déchets étaient soit enfouis, soit dissimulés sous une quarantaine de centimètres de remblais, soit servaient eux-mêmes de remblais sur un terrain destiné à être cultivé : leur existence était ignorée des utilisateurs de ces terrains concernés. L’activité ayant un caractère occulte, le point de départ du délai de prescription doit être reporté au jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice des poursuites, soit au jour de sa dénonciation par une association de défense de l'environnement.
Diffusion d’information pour la commission d’une infraction
La Cour européenne des droits de l’homme reconnait qu’il n’y a pas de violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (liberté d’expression) en cas de condamnation d’un médecin militant pour l’euthanasie pour suicide assisté à la suite de la diffusion d’informations sur le suicide. Pour la Cour, les buts poursuivis par les autorités danoises – protection de la santé, de la morale et des droits d’autrui – étaient légitimes, le médecin avait été condamné pour suicide assisté et non pour la simple diffusion d’informations et les autorités avaient agi dans les limites de leur marge d’appréciation (CEDH 12-4-2022 n° 15136/20, aff. Lings c/ Danemark).