Enquête et données de connexion
Dans quatre décisions très remarquées, la Cour de cassation tire les conséquences de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière d’accès et de conservation des données de connexion dans des procédures pénales (Cass. crim. 12-7-2022 n° 21-83.710, 21-83.820, 21-84.096 et 20-86.652 FSBR). Elle décide que seule la conservation « rapide » des données pour élucider une infraction grave et dans les limites de la stricte nécessité est possible. De plus, les règles actuelles du Code de procédure pénale, qui permettent au procureur de la République, ou à un enquêteur, d’accéder aux données sont contraires au droit de l’Union car elles ne prévoient pas un contrôle préalable par une juridiction ou une entité administrative indépendante. En effet, le procureur de la République, qui dirige l’enquête et mène l’action publique, n’a pas une position de neutralité vis-à-vis des parties à la procédure pénale, comme l’exige le droit de l’Union, à la différence du juge d’instruction qui est une véritable juridiction.
La personne mise en examen peut donc désormais invoquer la violation de l’exigence de contrôle indépendant de l’accès à ses données de connexion. Cependant, l’acte ayant permis d’accéder aux données ne peut être annulé par le juge que s’il a été porté atteinte à sa vie privée et si celle-ci a subi un préjudice.
Dans un communiqué de presse du 15 juillet, la conférence nationale des procureurs de la République a souligné que cet arrêt prive les enquêteurs d’un outil d’enquête majeur et aura des conséquences sur la capacité des magistrats du ministère public et des enquêteurs à exercer leurs missions de manifestation de la vérité et de protection des victimes. Elle souhaite également que soit tranchée « de manière pérenne et cohérente » et dès que possible, la question de la compatibilité du système juridique pénal français actuel avec le droit européen.
Saisie d’un bien immobilier
La Cour de Strasbourg a condamné la France pour violation du droit au respect des biens (CEDH 7-7-2022 n° 3269/18, SCI le Château du Francport c/ France). Dans cette affaire, la France avait refusé d’indemniser le préjudice subi du fait de la dégradation d’un château saisi dans le cadre d’une instruction pénale, mais restitué à la requérante quatre ans plus tard, faute de preuve de la responsabilité de l’État. Il est notamment reproché à la France de ne pas avoir effectué un inventaire complet au moment de la pose des scellés sur le château ainsi que l’absence totale de suite donnée aux différentes alertes de la part de la société requérante, privée d’accès au bien pendant toute la durée de la saisie.
Saisie sur un compte bancaire
Le Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution l’article 706-154 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi 2013-1117 du 6 décembre 2013 (Cons. const. 8-7-2022 n° 2022-1002 QPC). Les auteurs de la QPC avaient fait valoir que lorsque la saisie porte sur des sommes versées sur le compte bancaire d'un avocat, ce dernier, pour la contester, est contraint de divulguer des informations protégées par le secret professionnel. Mais les sages ne partagent pas cette analyse. Ils estiment que, à supposer même que l'avocat soit amené, pour exercer ses droits de la défense, à révéler des informations couvertes par le secret professionnel pour contester la saisie d'une somme versée sur son compte, qu’il peut le faire sous la condition que ces révélations lui soient imposées par les strictes exigences de sa propre défense devant une juridiction.
Mandat d’arrêt européen
La CJUE apporte des précisions sur la condition de la double incrimination en matière de mandat d’arrêt européen (CJUE 14-7-2022 aff. C-168/21, Procureur général près la cour d’appel d’Angers). Elle estime qu’une correspondance parfaite n’est pas nécessaire entre les éléments constitutifs de l’infraction concernée dans l’Etat membre d’émission et dans celui qui exécute le mandat. L’autorité judiciaire de cet Etat ne peut donc pas refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen au motif que seule une partie des faits composant l’infraction dans l’État membre d’émission constitue également une infraction dans l’État membre d’exécution.
Mineurs non accompagnés
Signalons la publication d’une circulaire relative à l’amélioration du traitement des actes de délinquance commis par des personnes se présentant comme des mineurs non accompagnés (Circ. NOR : JUSD2220718C du 12-7-2022).
Justice pénale
Outre la remise du rapport des Etats généraux de la justice le 8 juillet (https://www.dalloz-actualite.fr/flash/etats-generaux-de-justice-dressent-une-feuille-de-route#.YtlNvHZBw2w), l’organisation de la justice pénale a fait l’objet de recommandations. Dans son rapport annuel sur l’Etat de droit, publié le 13 juillet 2022, la Commission européenne suggère à la France d’accélérer ses efforts sur les ressources humaines et la numérisation des procédures. Elle appelle de ses vœux l’amélioration des enquêtes, des poursuites et des sanctions des actes de corruption ainsi qu’une application cohérente, à tous les acteurs concernés, des règles sur les activités de lobbying.
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal