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La semaine de l’actualité pénale

Le pôle pénal des Editions Lefebvre Dalloz a sélectionné pour vous l’actualité marquante des deux dernières semaines.


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©Gettyimages

Droit pénal international

Commission rogatoire internationale : office du juge français

L'exécution d'un acte sollicité par des magistrats instructeurs, sur commission rogatoire internationale, par l'autorité judiciaire de l'Etat requis, et sa forme relèvent de la souveraineté de celui-ci. Dès lors, le juge français n'a, en principe, pas qualité pour apprécier la régularité d'un acte effectué sur commission rogatoire internationale à l'étranger. En revanche, il doit s’assurer que cet acte n’a pas été accompli en violation des droits de la défense ou d’un principe général du droit. En cas de méconnaissance par l'autorité étrangère de l'un de ces droits ou principes, le prononcé de la nullité est toutefois subordonné à la preuve (non apportée en l’espèce) que l'irrégularité a irrémédiablement compromis les droits de l'intéressé. (Crim. 13-02-2024, n° 23-83.818 FS-B)

Conformité à la Convention EDH du renvoi d’un ressortissant russe

Au terme d’une appréciation ex nunc de la situation individuelle de l’intéressé, la Cour européenne des droits de l’homme juge que la mise à exécution de la décision de renvoi en Russie d’un ressortissant russe d’origine tchétchène, dont le statut de réfugié avait été révoqué pour menace grave pour la sûreté de l’État, ne serait pas, dans les circonstances de l’espèce, contraire à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants). La Cour relève qu’en l’occurrence, les autorités françaises ont effectué, à chaque étape de la procédure de mise en œuvre de la mesure d’éloignement, un examen complet et approfondi de la situation du requérant. Elle ajoute que le requérant n’a pas démontré devant elle qu’il existait des motifs sérieux et avérés de croire que, s’il était renvoyé en Russie, il encourrait un risque réel et actuel d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3 précité. (CEDH 15-02-2024, req. no 53254/20, U c. Fce)

Droit pénal spécial

Exit le steak végétal !

Il est désormais interdit de détenir en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, de mettre en vente, de vendre ou de distribuer à titre gratuit des denrées qui ne répondent pas aux règles fixées en matière de dénominations employées pour désigner des denrées comportant des protéines végétales. En cas de manquement, une amende administrative de 1500 euros pour une personne physique (7500 euros pour une personne morale) est prévue. (Décr. n° 2024-144 du 26-02-2024 relatif à l’utilisation de certaines dénominations employées pour désigner des denrées comportant des protéines végétales).

Conduite sous stupéfiants : cannabis et cannabidiol, même combat ?

La Cour de cassation rejette une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’absence de différenciation, dans l'article L. 235-1, I, du code de la route, entre conduite sous cannabis et conduite sous cannabidiol (dérivé du cannabis à teneur très faible). La Cour relève que la question ne présente pas un caractère sérieux car il appartient au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge compétent et en l'état des connaissances scientifiques, médicales et techniques, de classer certaines substances dans la catégorie des stupéfiants et de fixer les seuils minimas de détection. Elle retient que l’autorisation de commercialiser certains dérivés du cannabis est sans incidence sur la conformité de l’incrimination visée aux principes de proportionnalité et de légalité des délits et des peines. (Crim. 14-02-2024, n° 23-90.024 QPC F-B)

Infraction aux dispositions des plans locaux d'urbanisme

Le fait d'affecter à une utilisation contraire aux dispositions du plan local d’urbanisme des constructions régulièrement édifiées en vue d'une autre affectation constitue une violation de ce plan et le délit prévu à l'article L. 610-1 du code de l'urbanisme. Une cour d’appel ne peut donc relaxer les prévenus au motif que selon les termes du plan concerné, ce sont les constructions à usage artisanal ou industriel qui sont interdites et non toute activité artisanale ou industrielle, les prévenus n'ayant effectué aucune construction de ce type sur les parcelles que leurs sociétés occupaient. (Crim. 27-02-2024, n° 23-82.639 F-B)

Marque de fabrique : notion de « vie des affaires » au sens du droit de l’UE

L’article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle, qui incrimine le délit d'usage et de reproduction d'une marque, doit être interprété à la lumière de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 (abrogée le 14 janvier 2019) et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Aussi convient-il de déterminer si la reproduction litigieuse relève de la vie des affaires et, à cette fin, de vérifier si elle s'inscrit dans le domaine économique et vise à l'obtention d'un avantage direct ou indirect de nature économique.

Tel n’est pas le cas de l'affichage, sur un panneau publicitaire, d'un texte comportant l'usage d’une marque déposée et enregistrée ainsi que de la publication, sur la page Facebook d’un individu, de la photographie de cette affiche. La mention litigieuse n’a en effet été diffusée que de façon restreinte et pour un temps donné, présente un caractère satirique, ne contient aucune proposition de produit, ne s'inscrit dans aucune activité économique et ne procède d'aucune opération commerciale. (Crim. 27-02-2024, n° 23-81.563 F-B)

Procédure pénale

Visioplainte : mode d'emploi

Les modalités d’application de l’article 15-3-1-1 du code de procédure pénale concernant les visioplaintes sont détaillées aux articles R. 2-25 et suivants. Les victimes d’infractions contre les biens et les personnes peuvent déposer plainte en visioconférence via le site « Ma Sécurité ». La présence physique de la personne est cependant toujours exigée en cas de plainte pour agressions sexuelles ou atteintes sexuelles. Depuis 2023, ce dispositif est expérimenté dans la Sarthe et dans certaines communes des Yvelines. Ce décret affiche la volonté de généraliser le dispositif sous réserve de sa mise en œuvre pratique. (Décr. n° 2024-139 du 23-02-2024 relatif au dépôt de plainte par voie de télécommunication audiovisuelle).

Application du DSA pour toutes les plateformes numériques

Le règlement européen sur les services numériques (Digital services Act ou DSA) est entré en application pour toutes les plateformes le 17 février (Règlement [UE] 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 oct. 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE : JOUE 22 oct. 2022, L. 277/1). Les grands moteurs de recherche et plateformes numériques devaient déjà le respecter depuis le 25 août 2023. Le règlement impose notamment la mise à disposition d’un outil permettant aux utilisateurs de signaler facilement les contenus illicites et leur retrait rapide. En cas de non-respect du DSA, des amendes pouvant aller jusqu'à 6% du chiffre d'affaires mondial des grands services en ligne pourraient être prononcées, et en cas de violations graves et répétées, leurs activités sur le marché européen pourraient être interdites.

Perquisition et ouverture d’enveloppes contenant des produits stupéfiants

L’ouverture d’enveloppes postées contenant des produits stupéfiants, dans le cadre d’une enquête préliminaire, est assimilable à une perquisition ou une saisie. L’expéditeur est donc recevable à contester l’ouverture de ces enveloppes hors sa présence et sans autorisation du juge des libertés et de la détention. Cependant, le requérant doit établir qu’un tel acte lui a causé un grief distinct de celui qui résulte de la seule saisie des produits stupéfiants. (Crim. 13-02-2024, n° 23-82.950 FS-B)

Garde à vue : validité de l’information de l’avocat par le biais de la permanence de son barreau

L’article 63-1-1 du code de procédure pénale, qui prévoit l’information de l’avocat de la personne gardée à vue, ne fixe pas les modalités de cette information. L’officier de police judiciaire peut donc valablement contacter l’avocat choisi par le biais d’une permanence organisée par le barreau dont ce dernier dépend, selon les dispositions d’une convention conclue avec ce barreau. (Crim. 13-02-2024, n° 23-80.497 FS-B)

Action civile d’une association de lutte contre le tabagisme recourant aux clients mystères

Il résulte des articles L. 3515-7 et L. 3512-12 du code de la santé publique que les associations dont l'objet statutaire comporte la lutte contre le tabagisme, régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions, notamment, à l'interdiction de vente des produits du tabac à des mineurs de moins de dix-huit ans dans les débits de tabac. La seule violation de la réglementation applicable en la matière est de nature à causer à l'association concernée un préjudice moral indemnisable.

Par ailleurs, dès lors qu’elle retient une faute civile résultant de la vente de tabac à un mineur en se fondant sur la preuve apportée par l’association du comportement incriminé, une cour d'appel ne peut débouter cette dernière de sa demande indemnitaire au motif qu’en recourant à un client mystère, elle aurait causé elle-même le préjudice et la faute qu’elle invoque. (Crim. 27-02-2024, n° 23-82.000 F-B)

Géolocalisation en temps réel

La Cour de cassation s’est prononcée sur la géolocalisation en temps réel des véhicules et des téléphones portables, suivant la jurisprudence de la CJUE concernant les données numériques personnelles. Selon la CJUE, en effet, la collecte de données en temps réel pour la localisation doit être approuvée par un juge ou une entité administrative indépendante, le ministère public ne constituant pas une telle autorité (arrêts Quadrature du Net, French Data Network de 2020 et Prokuratuur de 2021).

Ainsi, la Cour de cassation indique que les articles 230-32 et 230-33 du code de procédure pénale sont contraires au droit de l'Union, en ce qu'ils autorisent le procureur de la République à ordonner une mesure de géolocalisation en temps réel d’un téléphone portable sans contrôle préalable par une juridiction ou une entité administrative indépendante. Toutefois, la nullité n’est encourue que si le requérant établi un grief résidant dans le fait que l'accès à ces données n'a pas été circonscrit à une procédure relevant de la lutte contre la criminalité grave ou a excédé les limites du strict nécessaire.

A l’inverse, selon la CJUE, la géolocalisation d’un véhicule ne nécessite pas de contrôle préalable. La chambre criminelle juge dès lors que le droit français, qui permet qu’elle soit autorisée directement par le procureur de la République (C. pr. pén., art. 230-33 et 80-5), est conforme au droit de l’Union. Soulignons que la solution ne s’applique que pour la géolocalisation d’un véhicule réalisée par la pose d’une balise ; en cas de réquisition des données de la carte SIM du véhicule, on en revient à la solution énoncée au sujet des téléphones portables. (Crim. 27-02-2024, n° 23-81.061 FS-B)

Peine et exécution des peines

Autorisations de sortie non exécutées, funérailles manquées : la Défenseure des droits monte au créneau

Saisie par deux détenus qui, à la fin de l’année 2020, n’avaient pu se rendre aux obsèques de leurs beau-père et père, la Défenseure des droits considère l’administration pénitentiaire a porté atteinte à leurs droits au respect de leur vie privée et familiale et à l’exécution d’une décision de justice. Claire HÉDON déplore en effet que ladite administration n’ait pas exécuté les autorisations de sortie sous escorte des intéressés prononcées par l’autorité judiciaire, au motif que les agents des pôles de rattachement des extractions judiciaires étaient occupés à exécuter respectivement des extractions présentant « un enjeu procédural majeur » et des mandats d’amener devant l’autorité judiciaire ayant lieu au même moment. Aussi formule-t-elle plusieurs recommandations au ministre de la justice, qui devra y répondre dans les trois mois. On citera notamment : la réparation des préjudices subis par les deux détenus relativement à l’inexécution des sorties sous escorte autorisées ; la suppression de la distinction (et, par là même, la hiérarchisation) entre les extractions à « enjeu procédural majeur » et les autres, telle que prescrite par les circulaires du 28 septembre 2017 et du 4 octobre 2019 ; ou encore le dimensionnement des effectifs des équipes de sécurité pénitentiaire afin de pouvoir répondre à l’ensemble des réquisitions d’extraction. (Défenseur des droits, 14-02-2024, décision n° 2024-016)

Rejet d’une requête pour conditions indignes de détention

Dans le cadre d’une requête relative aux conditions indignes de détention, le caractère équitable de la procédure n’est pas assuré si la personne détenue n’est pas informée de l’existence d’un recours formé par le procureur de la République contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant statué sur sa requête. Le détenu ne saurait cependant s’en faire grief s’il a refusé de se rendre auprès de l’agent chargé de lui notifier la copie de la déclaration d’appel, transmise par le greffe du juge de l'application des peines à l'administration pénitentiaire.

Par ailleurs, est justifiée l’ordonnance qui déclare non fondée la requête dès lors que : d’une part, le détenu ne démontre pas en quoi il souffre personnellement ou serait affecté à titre personnel par les prétendues conditions indignes qu'il relève ; d’autre part, les lacunes constatées (limitation à trois douches par semaine, absence de lunette fermée sur les toilettes de la cellule, nettoyage insuffisant de la cour de promenade…) « n’atteignent pas un seuil de gravité tel qu’il puisse être considéré que les conditions de détention de l’intéressé soient contraires à la dignité de la personne humaine ». (Crim. 14-02-2024, n° 23-84.093 F-B)

Confiscation d’un bien objet d’une réserve de propriété

La circonstance que la propriété d'un bien a été retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété contenue dans un contrat de vente n'est pas de nature à en interdire la confiscation. Une telle clause s'analyse en une sûreté qui, en cas de confiscation, est opposable à l'Etat jusqu'à la complète exécution de l'obligation de l'acquéreur (C. pén., art. 131-21).

Sur justification du défaut de la complète exécution de l'obligation, le bénéficiaire de la clause peut demander à l'Etat la restitution du bien ou de sa valeur liquidative, afin de recouvrer le droit d'en disposer. La valeur du bien repris ou sa valeur liquidative est alors imputée, à titre de paiement, sur le solde de la créance garantie. Lorsque la valeur du bien repris excède le montant de la créance garantie encore exigible, le créancier doit à l'Etat une somme égale à la différence. (Crim. 28-02-2024, n° 22-86.392 FS-B)

Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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