Droit pénal international
Extradition : aucune atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale en cas de vie clandestine
L’avis favorable émis par la chambre de l’instruction concernant l’extradition d’un ressortissant italien condamné pour assassinats et tentative d’assassinat en vue d’exécuter sa peine ne porte pas d’atteinte excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale. En effet, se sachant recherché il a mené une vie clandestine, sous une fausse identité, sur le territoire français, ce qui l’a empêché de créer des attaches familiales. (Crim. 16-01-2024, n° 23-82.942)
Droit pénal spécial
Affaire Lafarge : précisions sur le délit de mise en danger de la vie d’autrui
La mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité de la société Lafarge est confirmée. L’infraction de mise en danger de la vie d’autrui suppose l'existence d’une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. Cela renvoie nécessairement à des dispositions de droit français et caractériser ce délit en présence de la violation de dispositions de droit étranger contreviendrait au principe d’interprétation stricte de la loi pénale. La chambre de l’instruction a fait une application de la loi française à la relation de travail existante. La Cour de cassation considère que la loi syrienne était, au vu des éléments appréciés par la chambre de l’instruction, la seule applicable. La mise en examen du chef de mise en danger de la vie d’autrui est donc annulée. (Crim. 16-01-2024, n° 22-83.681 FS-B)
Favoritisme : relaxe d’Olivier Dussopt
L'ancien ministre du travail Olivier Dussopt a été relaxé du chef de favoritisme par le tribunal correctionnel de Paris. Le parquet national financier avait requis dix mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende. Il était reproché au prévenu d'avoir favorisé une entreprise de traitement des eaux lors de l'attribution de marchés publics dans la ville d'Annonay dont il était le maire, mais le tribunal a considéré qu'il n'avait fourni aucune information privilégiée. (TJ Paris, 17-01-2023)
Dénonciation de harcèlement, diffamation et liberté d’expression
Dans une décision rendue le 18 janvier, la Cour européenne des droits de l’homme juge que la condamnation pénale pour diffamation publique de la requérante qui se plaignait d’un harcèlement moral et sexuel est contraire à l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatif à la liberté d’expression. L’intéressée avait affirmé être victime de tels agissements, de la part d’un dirigeant de l’association qui l’employait, dans un courriel envoyé à six personnes au sein et en dehors de cette association. La Cour relève le caractère limité des effets du message sur la réputation du prétendu agresseur, une charge de la preuve excessive pesant sur la requérante (dont les juges français ont exigé qu’elle rapporte la preuve des faits qu’elle relatait) et, plus généralement, l’effet dissuasif d’une condamnation pénale. Aussi conclut-elle à une atteinte disproportionnée à l’article 10, censé garantir une protection appropriée aux personnes dénonçant des faits de harcèlement moral ou sexuel dont elles s’estiment les victimes. (CEDH 18-01-2024, req. n° 20725/20, Allée c. France)
Justice
Sang contaminé : la justice française, trop lente, rappelée à l’ordre
Dans les suites de l’affaire dite du sang contaminé, la France a été condamnée par le Cour européenne des droits de l’homme en raison de la durée excessive d'une action judiciaire en responsabilité. A ce titre, l’Etat devra notamment verser au requérant (le fils d’une femme aujourd’hui décédée) la somme de 25000 euros en réparation de son préjudice moral. Après avoir souligné que « les circonstances de la cause obligeaient les autorités à faire preuve de diligence exceptionnelle et que la procédure en première instance a duré dix ans », la CEDH a considéré, « contrairement aux juridictions internes, que le délai de jugement excessif est principalement imputable au comportement des autorités compétentes, et qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la [Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales] » - lequel, pour rappel, énonce le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable. La complexité de l’affaire « ne pouvait justifier à [elle seule] la longueur de la procédure », a affirmé la Cour. (CEDH 11-01-2023, req. n° 34/18, Suty c. France)
Procédure pénale
Qualité pour solliciter la nullité d'audition de salariés par la DIRECCTE
L'exigence du consentement, préalable à son audition, de la personne entendue en application des dispositions de l'article L. 8271-6-1 du code du travail ne vise qu'à la protection de ses intérêts. Ainsi, les sociétés requérantes qui les emploient n’ont pas qualité pour invoquer leur violation.
On rappelle que l’article L. 8271-6-1 du code du travail autorise les agents de la DIRECCTE à entendre, avec son consentement, tout employeur ou tout salarié afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature. De même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal. (Crim. 16-01-2024, n° 22-84.243 FP-B)
Enquête préliminaire : validité d’une fouille de véhicule et d’une perquisition domiciliaire
Par l'intrusion dans l'intimité de la vie privée qu'elle permet, la fouille d'un véhicule est assimilable à une perquisition et, à moins qu’un texte l'autorise expressément, ne peut donc être effectuée qu'avec l'assentiment du propriétaire ou conducteur du véhicule recueilli dans les conditions prescrites par l'article 76 du code de procédure pénale. Néanmoins, l'ingérence dans la vie privée qui résulte de la fouille d'un véhicule étant, par sa nature même, moindre que celle résultant d'une perquisition dans un domicile, il appartient au requérant qui en conteste la validité d'établir qu'un tel acte lui a occasionné un grief.
Par ailleurs, le fait que, pour des raisons de sécurité, l’assentiment exprès, par écrit, de la personne au domicile de laquelle une perquisition a lieu ait été rédigé juste après l'entrée dans le logement plutôt que sur la voie publique ne constitue pas une irrégularité, dès lors que l’opération a effectivement débuté après que l'intéressé a donné son accord. (Crim. 16-01-2023, n° 22-87.593 FS-B)
Visite domiciliaire par l’administration de l’environnement : un champ… n’est qu’un champ !
Des terres agricoles destinées à l'élevage, même closes et raccordées à l'eau courante, ne constituent ni un établissement, local ou installation professionnels au sens de l'article L. 172- 5 du code de l'environnement, ni un domicile. Doit dès lors être écartée l'exception de nullité prise, d’une part, du défaut d'information du procureur de la République sur les visites effectuées par les agents de l'agence française de la biodiversité sur les terres exploitées par un agriculteur et, d’autre part, de l’absence d'assentiment de ce dernier à ces mesures. (Crim. 16-01-2023, n° 22-81.559 FP-B)
Sécurité intérieure
Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 : publication d’une circulaire
Une circulaire du ministre de la justice détaille le dispositif judiciaire mis en place pour les jeux Olympiques et Paralympiques 2024, qui se tiendront du 26 juillet au 11 août, puis du 28 août au 8 septembre prochains. Le texte souligne la nécessité, d’une part, de coordination entre les parquets et les différents services de l’Etat (notamment les préfets) et, d’autre part, du maintien d’un fonctionnement optimal des juridictions pendant ces périodes. Y est évoquée la mise en œuvre d’une « politique pénale adaptée » à la forte fréquentation et aux « menaces protéiformes » inhérentes à ces événements internationaux, qu’il s’agisse d’actions terroristes ou de la commission d’infractions de droit commun, économiques et financières ou en matière de dopage. (Circ. 15-01-2024, NOR : JUSD2401073C)
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal