Droit pénal spécial
SARL : la présentation tardive des comptes annuels n'est pas un délit
Le seul retard dans la soumission à l'approbation de l'assemblée des associés ou de l'associé unique d'une société à responsabilité limitée (SARL) de l'inventaire, des comptes annuels et du rapport de gestion établis pour chaque exercice n'est pas constitutif du délit de non-soumission des comptes annuels à l'assemblée générale, prévu et réprimé à l'article L. 241-5 du code de commerce. En particulier, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 22 mars 2012, qui a modifié cet article, le fait de ne pas procéder à la réunion de l'assemblée des associés dans les six mois de la clôture de l'exercice ou, en cas de prolongation, dans le délai fixé par décision de justice ne constitue plus une infraction pénale. (Crim. 12-02-2025, n° 23-86.857, F-B)
Procédure pénale
Rejet d’une QPC relative aux perquisitions au sein d’un cabinet d’avocat
Saisi d’une demande d’indemnité adressée à l’État en réparation du préjudice subi par une perquisition au sein d’un cabinet d’avocat, le Conseil d’État s’est prononcé sur une question prioritaire de constitutionnalité confrontant l’article 56-1 du code de procédure pénale (relatif aux perquisitions dans le cabinet ou au domicile du praticien) aux droits au respect de la vie privée, à l’inviolabilité du domicile, au secret des correspondances et aux droits de la défense, protégés par les articles 2 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et 34 de la Constitution.
Pour les requérants, l’article 56-1 est inconstitutionnel, car il ne conditionne pas une telle perquisition à l’autorisation d’un magistrat distinct de celui qui en est en charge (le JLD par exemple). Autre reproche adressé à ce texte : le magistrat n’est pas tenu de vérifier le respect des conditions de proportionnalité de la mesure au regard des soupçons portés sur l’avocat.
La haute juridiction administrative refuse de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, estimant qu’elle ne présente pas un caractère sérieux : il ne résulte en effet d’aucune exigence constitutionnelle que la perquisition doive être effectuée par un magistrat distinct de celui en charge de la procédure, et l’article 56-1 prévoit déjà une obligation de motivation et de contrôle au regard de la proportionnalité de la mesure. (CE, 10-02-2025, n° 499028)
Action civile : préjudice indirect du nouveau propriétaire d’un immeuble détruit
Le nouveau propriétaire d’un immeuble, préalablement détruit par deux mineurs déclarés coupables de destruction volontaire, ne peut pas se constituer partie civile. La Cour de cassation rappelle en effet que l’action civile est un droit exceptionnel devant être strictement renfermé dans les limites fixées par l’article 2 du code de procédure pénale, notamment au regard de l’exigence d’un préjudice direct subi par la victime. Or, la personne qui acquiert, a posteriori et en connaissance de cause, un immeuble détruit ne subit qu’un dommage indirect et ne peut demander l’indemnisation de son préjudice auprès des tribunaux. (Crim. 11-02-2025, n° 23-86.752, F-B)
Précisions sur l’action civile des forces de l’ordre en cas de mise en danger par divulgation d’informations
Le délit de l'article 223-1-1 du code pénal est de nature à créer un préjudice personnel et direct à toute personne dépositaire de l'autorité publique ayant fait l'objet de la révélation d'informations permettant de l'identifier ou de la localiser aux fins de l'exposer ou d'exposer les membres de sa famille à un risque direct d'atteinte à la personne ou aux biens que son auteur ne pouvait ignorer, cette personne fût-elle distincte de celle visée à titre principal par cette divulgation. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui déclare irrecevable la constitution de partie civile de fonctionnaires de police apparaissant sur une vidéo mise en ligne, au motif que celle-ci dénonce à titre principal un de leurs collègues, alors que les propos tenus par l'auteur des faits visent les forces de police dans leur ensemble (Crim. 11-02-2025, n° 24-82.090, F-B)
Douanes : droit de visite, saisie douanière et expertise
La fouille d’un véhicule par des agents des douanes a permis la découverte de six diamants. Après avoir placé en retenue douanière leur possesseur et les personnes qui l’accompagnaient, les agents ont fait expertiser ces diamants. Leur possesseur a été mis en examen pour contrebande et blanchiment. Il a alors demandé l’annulation de certains actes, au motif, d’abord, que le temps strictement nécessaire à la visite douanière du véhicule et son placement en retenue était trop long (1h35), lequel argument est rejeté par la Cour de cassation.
Il a en outre contesté la saisie et l’expertise des diamants. La Cour répond néanmoins que les agents de douanes peuvent prendre connaissance des objets de la personne contrôlée et saisir ceux se rapportant à un flagrant délit douanier (C. douanes, art. 60-3 et 323-11, I). Elle ajoute que les agents peuvent également recourir à une personne qualifiée pour effectuer des expertises sur les biens saisis dans le cadre du flagrant délit douanier (C. douanes, art. 67 quinquies A). En revanche, elle casse l’arrêt des juges du fond en raison du non-respect du délai de 12h de visite sur un même lieu (C. douanes, art. 60-5). (Crim. 12-02-2025, n° 24-83.285, F-B)
Peine et exécution des peines
Saisie bancaire : effet dévolutif de l'appel et compétence de la chambre de l'instruction
Il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'un recours formé contre une ordonnance de mainlevée de saisie de sommes d'argent inscrites au crédit d'un compte bancaire rendue par le JLD, de se prononcer sur la légalité et le bien-fondé de cette mesure, alors même qu'en raison de l'absence de caractère suspensif de l'appel, la saisie a été levée. (Crim. 12-02-2025, n° 24-81.224, F-B)
Saisie bancaire : incidence d’une saisie conservatoire distincte
Les éventuelles difficultés d'exécution d'une saisie pénale n'affectent pas son prononcé ou son maintien. La mesure de saisie de sommes sur un compte bancaire, à laquelle l'arrêt infirmatif de l'ordonnance de refus de maintien de saisie pénale a rendu son plein effet, n'est pas susceptible d'être affectée par la saisie conservatoire de fonds déposés sur un compte distinct, pratiquée postérieurement à la mainlevée de la saisie pénale et pour un montant équivalent à celle-ci. (Crim. 12-02-2025, n° 24-81.224, F-B, préc.)
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal