Exécution du contrat
Il résulte des articles L 1132-3-3 et L 1132-4 du Code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi 2022-401 du 21 mars 2022, que le grief énoncé dans la lettre de licenciement tiré de la relation par le salarié de faits qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser un crime ou un délit, ou une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, emporte à lui seul la nullité du licenciement. Une cour d’appel ne peut pas déclarer le licenciement nul pour être consécutif, même en partie, à la dénonciation d’un fait pouvant recevoir une qualification pénale sans constater que le salarié avait, dans le courriel litigieux, relaté ou témoigné de faits susceptibles d'être constitutifs d'un délit ou d'un crime et que l'employeur ne pouvait légitimement ignorer que, par ce message, il dénonçait de tels faits (Cass. soc. 1-6-2023 n° 22-11.310 FS-B).
L’octroi de dommages et intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne fait pas obstacle à une demande distincte de dommages et intérêts pour harcèlement moral (Cass. soc. 1-6-2023 n° 21-23.438 F-B).
Il appartient au juge saisi d'une demande de communication de pièces sur le fondement de l'article 145 du CPC, d'abord, de rechercher si cette communication n'est pas nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de la discrimination syndicale alléguée et proportionnée au but poursuivi et s'il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d'autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur chaque mention des bulletins de salaire dont la cancellation ne lui était pas demandée, a pu retenir que, pour effectuer une comparaison utile, les salariés devaient disposer d'informations précises sur leurs collègues de travail dont la situation peut être comparée, en terme d'ancienneté, d'âge, de qualification, de diplôme, de classification, que le contrat soit à durée déterminée ou par intérim transformé ensuite en contrat à durée indéterminée ou à durée indéterminée, et que la comparaison devait pouvoir s'effectuer sur des postes semblables ou comparables réclamant la même qualification. Elle a pu encore retenir que la communication des noms, prénoms, était indispensable et proportionnée au but poursuivi qui est la protection du droit à la preuve de salariés éventuellement victimes de discrimination et que la communication des bulletins de salaire avec les indications y figurant étaient indispensables et les atteintes à la vie personnelle proportionnées au but poursuivi. Ayant relevé que la demande relative à la communication du tableau récapitulatif portait sur le panel de comparaison, la cour d'appel a pu retenir qu'un tableau récapitulatif établi à partir des éléments ainsi communiqués par l'employeur était nécessaire (Cass. soc. 1-6-2023 n° 22-13.238 F-B).
Ayant retenu que ni l'intervention du syndicat auprès de la direction et les réunions qui s'en étaient suivies, ni la saisine du Défenseur des droits et de l'inspecteur du travail, ni une mise en demeure n'avaient permis aux salariés arguant d'une discrimination d'obtenir de l'employeur les éléments de comparaison en sa possession et indispensables afin qu'ils puissent faire valoir leurs droits dans le cadre de procès à venir, la cour d'appel a pu condamner l'employeur aux dépens et à payer à chaque salarié une certaine somme en application de l'article 700 du CPC (Cass. soc. 1-6-2023 n° 22-13.238 F-B).
Paie
La date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et le délai imparti pour former opposition à une contrainte est interrompu par l'envoi au secrétariat du tribunal de la lettre recommandée contenant le recours du cotisant. Une cour d’appel ne saurait donc déclarer irrecevable l’opposition formée par une société à l’encontre de la contrainte litigieuse alors qu’il résultait de ses constatations que l’opposition avait été formée dans le délai imparti (Cass. 2e civ. 1-6-2023 n° 21-12.630 F-B).
Une cour d’appel ne saurait, après avoir relevé qu’une société avait manqué à son engagement de financer le plan social et, par cette faute, contribué à la déconfiture de l’employeur et à la perte des emplois, décider que les créances fixées au profit de chaque salarié à ce titre doivent être garanties par l’AGS, en se fondant ainsi sur la responsabilité extracontractuelle de la société sans caractériser ni le préjudice subi par l’AGS ni, à le supposer établi, le lien de causalité entre ce préjudice et la faute retenue à l’encontre de la société (Cass. soc. 1-6-2023 n°s 21-22.857 FS-B, 21-22.856 FS-D et 21-22.906 FS-D).
Rupture du contrat
Ayant relevé que la faute commise par la société mère et la holding française en inscrivant une créance au passif exigible de leur filiale française avait concouru à la liquidation judiciaire de cette dernière et à la disparition des emplois qui en était résultée, la responsabilité extracontractuelle de ces sociétés est établie, et celles-ci sont redevables à l'endroit des salariés de dommages-intérêts, en réparation du préjudice fondé sur la perte injustifiée de leur emploi, quand bien même cette demande reposerait sur un fondement juridique différent de ceux retenus à l'endroit de l'employeur (Cass. soc. 1-6-2023 nos 21-22.857 FS-B, 21-22.856 FS-D et 21-22.906 FS-D).
Dès lors que la lettre de licenciement reproche au salarié d'avoir incité ses collègues à faire grève, il en résulte que le licenciement, pour partie prononcé à l'occasion de l'exercice du droit de grève, est nul (Cass. soc. 1-6-2023 n° 22-13.304 F-D).
Représentation du personnel
La mission d'expertise à laquelle le CSE peut décider de recourir pour l'examen de la situation économique et financière de l'entreprise peut porter sur la situation et le rôle de cette entreprise au sein d'un groupe. En l'espèce, la lettre de mission, en ce qu'elle précisait que l'expert-comptable traitera en particulier de la situation du groupe et de la situation de la société en cause au sein du groupe, n'excède pas le champ de l'expertise (Cass. soc. 1-6-2023 n° 21-23.393 FS-B).
L'expertise à laquelle le CSE peut décider de recourir en vue de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l'entreprise, ne peut porter que sur l'année qui fait l'objet de la consultation et les 2 années précédentes ainsi que sur les éléments d'information relatifs à ces années (Cass. soc. 1-6-2023 n° 21-23.393 FS-B).
Les représentants de proximité ne peuvent être mis en place que par l'accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L 2232-12 du Code du travail, qui détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts. Toutefois, dans le cas où le nombre et le périmètre des établissements distincts ont été déterminés par décision unilatérale de l'employeur ou sur recours contre celle-ci, un accord d'entreprise conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L 2232-12 de ce Code peut prévoir pour l'ensemble de l'entreprise la mise en place de représentants de proximité rattachés aux différents comités sociaux et économiques d'établissement (Cass. soc. 1-6-2023 n° 22-13.303 FS-B).
Si l'action du CHSCT qui s'est constitué partie civile devant la juridiction pénale sur les poursuites exercées par le ministère public du chef de délit d'entrave au fonctionnement du CHSCT, n'est pas étrangère à sa mission, les dispositions de l'article L 4614-13 du Code du travail ne bénéficient qu'au CHSCT et n'ouvrent pas à l'avocat de ce dernier une action directe, en son nom propre et pour son propre compte, contre l'employeur.
Ayant constaté que la facture n° 1904 du 10 juin 2016 d'un montant de 10 800 € concernait la procédure pénale suivie contre l'employeur du chef du délit d'entrave au cours de laquelle le comité s'était constitué partie civile mais que, par arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Nîmes du 28 avril 2017, les citations directes de l'employeur par le ministère public pour délit d'entrave au fonctionnement du comité saisissant le tribunal correctionnel ont été annulées, la cour d'appel a décidé à bon droit que l'avocat du comité ne disposait pas d'un recours contre l'employeur en paiement des honoraires facturés par lui, dès lors qu'il appartenait au comité de faire fixer par la juridiction civile, en fonction des diligences accomplies, le montant des frais de procédure devant être pris en charge par l'employeur en application de l'article L 4614-13 du Code du travail (Cass. soc. 1-6-2023 n° 21-14.181 FS-B).
Dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par une faute grave, il appartient à l'administration du travail de vérifier, d'une part que les faits sont établis et sont fautifs, d'autre part l'absence de lien entre la demande de licenciement et les mandats exercés par l'intéressé. Il ne lui appartient pas, en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de porter une appréciation sur la validité des précédentes sanctions disciplinaires invoquées par l'employeur. Ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'administration du travail ne fait pas obstacle à ce que le juge judiciaire se prononce sur la validité de ces sanctions. Dans ce cadre, la cour d'appel peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, prendre en compte les précédentes sanctions prononcées à l'encontre d'un salarié protégé, qu'elle a estimées injustifiées, pour reconnaître l'existence d'un harcèlement moral (Cass. soc. 1-6-2023 n° 21-19.649 FS-B).
L'annulation, pour excès de pouvoir, d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité des autorisations de licenciement de salariés protégés accordées, à la suite de cette validation ou de cette homologation, pour l'opération concernée. Il appartient dans ce cas au juge judiciaire de se prononcer sur la cause réelle et sérieuse de leur lcenciement (Cass. soc. 1-6-2023 n° 21-22.857 FS-B).
La sanction de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur d'un représentant du personnel, illégalement licencié et qui ne demande pas sa réintégration, est la rémunération que le salarié aurait dû percevoir depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection résultant du mandat en cours à la date de la rupture, dans la limite de 30 mois. Lorsque le salarié protégé a été en arrêt de travail pour maladie pendant la période d'éviction, la rémunération à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur est le salaire moyen des 12 derniers mois perçu avant l'arrêt de travail (Cass. soc. 1-6-2023 n° 21-21.191 FS-B).
Santé et sécurité
Dès lors qu'en l'absence de visite de reprise organisée par l'employeur à l'issue de l'arrêt de travail, le contrat de travail était demeuré suspendu, l'employeur ne pouvait pas licencier le salarié pour absences injustifiées (Cass. soc. 1-6-2023 n° 21-24.269 F-D).
Statuts particuliers
En cas d'accident survenu à un travailleur intérimaire et imputable à une faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice, l'indemnité allouée à la victime en réparation de ses préjudices est versée directement à la victime par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur et l'entreprise de travail temporaire, employeur de la victime, est seule tenue envers la caisse du remboursement des indemnisations complémentaires prévues par la loi, l'entreprise utilisatrice étant seulement exposée à une action en remboursement de la part de l'employeur (Cass. 2e civ. 1-6-2023 n° 21-22.303 F-D).
Contrôle - contentieux
L'étendue de la saisine de la commission de recours amiable d'un organisme de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés et de non-salariés, se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non en considération de la décision ultérieure de cette commission. La commission de recours amiable est saisie de la contestation portant sur le bien-fondé d'un redressement même en l'absence de motivation de la réclamation sur certains chefs du redressement (Cass. 2e civ. 1-6-2023 n° 21-21.329 F-B).
Retrouvez toute l'actualité sociale décryptée et commentée par la rédaction Lefebvre Dalloz dans votre Navis Social.
Vous êtes abonné ? Accédez à votre Navis Social à distance
Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès au fonds documentaire Navis Social pendant 10 jours.