Embauche
Ayant énoncé, à bon droit, qu'il incombe à l'employeur de démontrer le bien-fondé du recours à un CDD et estimé qu'il ne résultait pas des documents versés aux débats que l'activité de la société puisse être regardée comme saisonnière dans la mesure où, selon le document publicitaire produit par la salariée, embauchée en CDD comme ouvrière saisonnière dans une chocolaterie, la production de l'entreprise était constante et importante en particulier à destination de l'étranger et qu'elle se caractérisait plus par des accroissements temporaires d'activité que par des cycles saisonniers, la cour d'appel a pu en déduire que le CDD saisonnier de la salariée n'entrait pas dans les prévisions légales et que, dès lors, il devait être requalifié (Cass. soc. 9-2-2022 n° 20-19.496 F-D).
Exécution du contrat
En l'absence de justification par l'employeur des raisons objectives de sa décision de ne pas conclure de nouveau contrat à durée déterminée avec un agent de protection rapprochée après son accident du travail, la liberté contractuelle ne pouvant suffire à justifier la rupture brutale d'une habitude de contracter ensemble prise depuis plus de dix ans, la preuve de la discrimination à raison de l'état de santé du salarié était rapportée (Cass. soc. 9-2-2022 n°20-14.880 F-D).
Ayant retenu que, si l'employeur soutenait que l'activité de protection rapprochée était une activité très particulière en ce qu'elle venait répondre à des besoins ponctuels exprimés par une clientèle constituée de personnalités importantes et que l'agent ne savait jamais à l'avance quelle serait la durée de la mission, ce fait était dénué de portée dès lors que le fait de répondre aux besoins ponctuels de clients en matière de protection rapprochée constituait l'activité normale et permanente de l'entreprise et constaté que le salarié avait été exclusivement affecté à la protection d'un chef d'entreprise d'un grand groupe entre le 20 mai 2013 et le 14 février 2016 et qu'il avait signé 41 CDD libellés "surcroît temporaire d'activité" ayant tous pour objet une "mission ponctuelle visant à assurer la protection rapprochée d'une personnalité", la cour d’appel a pu en déduire que dans un contexte où il était établi que le salarié avait exercé une mission faisant partie du cœur de métier de l'entreprise, où l'employeur ne versait aucune pièce aux débats pour caractériser le moindre surcroît d'activité et où le salarié démontrait que l'employeur avait fait durablement appel à lui pour pourvoir un même poste, la relation de travail devait être requalifiée en CDI à compter du 20 mai 2013 (Cass. soc. 9-2-2022 n° 20-14.880 F-D).
Durée du travail
Répond aux exigences relatives au droit à la santé et au repos l'accord d'entreprise relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail conclu le 2 octobre 2001 au sein de la société, en ce qu'il prévoit, d'une part, l'établissement, par le cadre autonome, d'un décompte du nombre de jours travaillés et non travaillés dans le mois et du nombre de jours pris éventuellement au titre des congés payés et sa transmission, pour validation, à la direction des ressources humaines dans la semaine suivant la fin du mois, d'autre part, une réunion, chaque année, entre le cadre autonome et un représentant de la direction ou son responsable hiérarchique, à l'occasion de l'entretien d'évaluation, pour faire le point sur l'organisation de travail et la charge de travail qui en résulte, donnant lieu à un compte-rendu écrit et cosigné par les intéressés et, indépendamment de cet entretien annuel, la possibilité pour le cadre autonome, dans l'hypothèse où il estimerait que sa charge de travail serait disproportionnée au regard du nombre de jours travaillés, d'informer sa hiérarchie et la direction des ressources humaines, lesquelles doivent prendre les mesures adéquates dans un délai qui ne peut être supérieur à un mois, ce suivi devant permettre d'évaluer les tâches du collaborateur et de remédier, le cas échéant, à une surcharge (Cass. soc. 9-2-2022 n° 20-18.602 F-D).
Aux termes de l'article L 3121-46 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi 2016-1088 du 8 août 2016, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié. Selon l'article 7.5.3 de l'accord d'entreprise relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail du 2 octobre 2001, les cadres autonomes occupés selon un forfait en jours se réuniront avec un représentant de la direction ou le responsable hiérarchique chaque année à l'occasion de l'entretien d'évaluation pour faire le point sur l'organisation de leur travail et de la charge de travail et cette réunion fera l'objet d'un compte-rendu écrit et cosigné par les intéressés. Ayant constaté que l'employeur n'avait pas organisé d'entretien annuel individuel avec le salarié pour chaque exercice, notamment 2010, 2012 et 2014, la cour d’appel aurait dû en déduire que la convention de forfait en jours de l’intéressé était privée d'effet (Cass. soc. 9-2-2022 n° 20-18.602 F-D).
Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Après avoir constaté que les différents documents contractuels régularisés durant la carrière de la salariée mentionnaient, pour le CDI du 5 décembre 2005, une durée du travail hebdomadaire de 35 heures, pour celui du 2 octobre 2006, une durée du travail de 37 heures hebdomadaires avec indication que l'accomplissement d'heures supplémentaires était subordonné à la demande expresse de l'employeur et que la contrepartie des 2 heures supplémentaires effectuées par semaine ouvrait droit à 12 jours de réduction du temps de travail par an, et enfin, pour l'avenant du 21 mars 2008, une modification de la durée du travail à 35 heures par semaine, que les bulletins de paie produits aux débats faisaient apparaître une durée du travail de 151,67 heures par mois, la cour d'appel, appréciant souverainement les fonctions réellement exercées par la salariée, a, ensuite, relevé que la salariée avait dû modifier ou annuler des congés à la demande de ses supérieurs hiérarchiques pour assister à des réunions, travailler un jour férié pour adapter son emploi du temps à celui d'un dirigeant espagnol, et avait reçu l'ordre d'un supérieur hiérarchique d'annuler si nécessaire tous ses engagements, dans un délai très court, pour faire un point urgent le lendemain. Elle a ainsi fait ressortir que la salariée ne disposait pas d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps et a pu en déduire que la salariée n'avait pas la qualité de cadre dirigeant (Cass. soc. 9-2-2022 n° 20-18.720 F-D).
Ayant constaté que le contrat de travail de la salariée stipulait qu'en sa qualité de directrice de la résidence, elle devait assurer la garantie de la qualité et de la continuité de la prise en charge des résidents, que la nature de ses fonctions, comme la fréquence des interventions impromptues qu'elles étaient susceptibles d'impliquer à toute heure au sein de résidence, requéraient que l'intéressée puisse rallier la résidence dans un délai restreint, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que la salariée, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, avait l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise, a légalement justifié sa décision de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de primes et d'indemnités d'astreinte (Cass. soc. 9-2-2022 n° 20-14.810 F-D).
Paie
Lorsqu'une prime constitue la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, elle s'acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l'entreprise au cours de l'exercice. Une cour d’appel ne saurait donc condamner l'employeur au paiement d'un solde de prime sur objectifs pour l'année 2016 alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée avait quitté l'entreprise le 25 novembre 2016, ce dont elle aurait dû déduire que la prime annuelle sur objectif de l'année 2016 n'était due qu'en proportion du temps de présence de la salariée au cours de cet exercice (Cass. soc. 9-2-2022 n° 20-12.611 F-D).
Rupture du contrat
L'employeur n'est pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant d'engager une procédure disciplinaire. Dès lors qu'elle a constaté que le comportement véhément, agressif et physiquement menaçant dont le salarié avait fait preuve était de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel ne pouvait pas décider que le fait pour l'employeur d'avoir laissé l'intéressé travailler plusieurs jours avant d'engager la procédure de licenciement l'empêchait de se prévaloir d'une faute grave à son encontre (Cass. soc. 9-2-2022 n° 20-17.140 F-D).
Représentation du personnel
Ayant constaté qu'à la suite de l'annulation de sa convention annuelle de forfait en jours, le salarié protégé avait refusé la proposition de modification de l'organisation de son temps de travail, la cour d'appel aurait dû déduire de ce refus l'obligation pour l'employeur soit de maintenir la libre répartition de son temps de travail par le salarié, soit de saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation administrative de licenciement (Cass. soc. 9-2-2022 n° 20-13.711 F-D).
La réorganisation mise en oeuvre par l'employeur ayant eu pour conséquence l'affectation exclusive, sur des lignes TER, des salariés auparavant affectés à la fois sur des lignes TER et sur des lignes TGV, la cour d'appel aurait dû en déduire l'existence d'un changement des conditions de travail que l'employeur ne pouvait pas imposer, sans leur accord, aux salariés protégés (Cass. soc. 9-2-2022 n° 20-20.990 F-D).
Santé et sécurité
Le transfert des contrats de travail à la société cessionnaire était intervenu antérieurement à l'arrêté ministériel inscrivant l'établissement employeur sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de la préretraite amiante, la cour d'appel ne pouvait pas condamner solidairement le cédant et le cessionnaire à indemniser les salariés exposés à l'amiante de leur préjudice d'anxiété (Cass. soc. 9-2-2022 n° 20-18.420 F-D).
Contrôle - contentieux
Ne présente pas un caractère sérieux, et n'a pas à être renvoyée devant le Conseil constitutionnel, la question prioritaire relative à la constitutionnalité de l'article L 8222-2 du Code du travail instaurant le mécanisme de la solidarité financière à l'encontre du donneur d'ordre. En effet, ces dispositions, qui s'inscrivent dans le dispositif de lutte contre le travail dissimulé, constituent une garantie pour le recouvrement des créances du salarié employé de façon illégale et ne privent pas le donneur d'ordre, qui s'est acquitté des sommes exigibles, d'une action récursoire contre le débiteur principal et, le cas échéant, contre ses débiteurs solidaires. Il en résulte que cette solidarité n'a pas le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789.
Ensuite, le donneur d'ordre pouvant être regardé comme ayant facilité la réalisation du travail dissimulé ou ayant contribué à celle-ci et la solidarité financière qui pèse sur lui et le cocontractant, objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé, étant limitée dès lors que les sommes dues au salarié employé de façon illégale sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession, les dispositions critiquées ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée au principe de responsabilité.
En troisième lieu, le donneur d'ordre, qui a la possibilité de contester devant la juridiction civile saisie par le salarié, tant la régularité de la procédure que l'exigibilité et le bien-fondé des sommes réclamées, disposant d'un recours juridictionnel effectif, les dispositions critiquées ne méconnaissent ni la garantie des droits ni le principe de l'égalité devant la justice.
Par ailleurs, l'atteinte au droit de propriété qui résulte des dispositions critiquées étant justifiée par des objectifs d'intérêt général et proportionnée à ces objectifs, ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences de l'article 2 de la Déclaration de 1789.
Enfin, la circonstance que le salarié ait fait le choix de saisir directement la juridiction civile sans s'être constitué partie civile devant la juridiction pénale, est sans incidence sur la constitutionnalité des dispositions critiquées (Cass. soc. QPC 11-2-2022 n° 21-19.494 FS-B).