Exécution du contrat
Dès lors que le passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour porte une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale et est incompatible avec ses obligations familiales impérieuses, son refus de ce changement d’horaire ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-21.814 F-B).
Ayant constaté que l'employeur avait adressé des reproches à la salariée par une lettre dans laquelle il lui demandait de cesser de formuler des allégations outrancières envers sa hiérarchie et de travailler dans un esprit d'équipe conformément aux directives qui lui étaient données, la cour d'appel a pu en déduire que cette lettre de mise en garde par laquelle l'employeur lui reprochait, en les considérant comme fautifs, les faits ultérieurement invoqués à l'appui de la rupture, constituait une sanction disciplinaire (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-19.313 F-D).
Une cour d'appel ne peut pas débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail au seul motif que son licenciement pour faute grave est justifié, alors qu'elle constate que l'intéressée, en sa qualité de directrice générale, a également subi des conditions de travail détériorées en lien avec le conseil d'administration, dans un contexte général difficile marqué par une forte souffrance et un mal-être en lien avec des risques psycho-sociaux (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-18.947 F-D).
Rupture du contrat
Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Ayant constaté que le salarié, qui exerçait des fonctions de direction chargé en particulier de la gestion des ressources humaines et était investi à ce titre du pouvoir de représenter son employeur dans le domaine des relations collectives de travail et dans les instances représentatives du personnel, avait entretenu une relation amoureuse pendant 6 ans avec une autre salariée, elle-même titulaire de mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel, la cour d'appel a pu en déduire qu'en dissimulant à l'employeur cette relation intime, qui était en rapport avec ses fonctions professionnelles et de nature à en affecter le bon exercice, le salarié avait ainsi manqué à son obligation de loyauté et que ce manquement rendait impossible son maintien dans l'entreprise, peu important qu'un préjudice pour l'employeur ou pour l'entreprise soit ou non établi (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-16.218 F-B).
Le fait pour un salarié de remettre à un collègue de travail un tract politique, en dehors du temps et du lieu du travail, relève de sa vie privée. Le salarié étant libre d'exercer ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques, ce fait ne peut pas constituer un manquement aux obligations découlant du contrat de travail, et son licenciement prononcé pour motif disciplinaire n'est pas justifié (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-14.779 F-D).
Ayant relevé que la charte infomatique de l'entreprise, à laquelle renvoyait son règlement intérieur, prohibait l'utilisation des capacités de stockage des équipements pour stocker des données non professionnelles et précisait que l'utilisation des sites internet à des fins privées devait être limitée en volume, en durée et que l'accès à des sites non autorisés par les lois et règlements ou contraires à l'ordre public constituait une faute professionnelle, la cour d'appel a pu décider que le salarié n'avait pas fait une utilisation abusive de son ordinateur professionnel en y stockant 6 clichés de jeunes garçons ou jeunes hommes nus ou en short, sans photographies d'actes sexuels, les pièces produites par l'employeur ne permettant pas d'établir la date et la fréquence des consultations de sites à caractère pornographique qui lui étaient reprochées. La cour d'appel a pu en déduire, compte tenu de ses qualités professionnelles, de son ancienneté et de l'absence d'antécédent disciplinaire, que la sanction du licenciement était disproportionnée aux faits retenus (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-19.832 F-D).
Ayant constaté que le salarié ne contestait pas qu'il ne disposait pas de la formation et de l'habilitation requises pour se servir de la scie à panneau, qu'il avait utilisée sans équipement de protection, alors qu'il ne pouvait ignorer, eu égard à son ancienneté dans l'entreprise, ni la dangerosité de cet équipement, ni la nécessité d'être formé et habilité à l'utiliser, la cour d'appel a pu décider que sa faute était matériellement établie, la circonstance que le salarié ait déjà utilisé cet outil par le passé sans que son employeur ne le lui reproche ne pouvant enlever au manquement son caractère fautif. La cour d'appel a toutefois pu décider que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse dès lors que le salarié n'avait fait l'objet d'aucun reproche en 28 ans de carrière, que l'employeur n'avait pas sensibilisé l'intéressé aux risques encourus dans le cadre de son obligation de sécurité, et que les représentants du personnel avaient pointé la distorsion entre le licenciement notifié au salarié et le simple blâme infligé à son manager (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-18.328 F-D).
Dès lors que la lettre recommandée par laquelle le salarié a été convoqué à l'entretien préalable mentionne l'ordonnance rendue par le juge commissaire autorisant son licenciement économique, l'intéressé a bien été informé du motif économique de son licenciement avant l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-21.768 F-D).
Si les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe auquel appartient l'employeur qui envisage un licenciement économique collectif n'ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés par le reclassement, elles doivent toutefois préciser la nature du contrat de travail, l'intitulé des emplois supprimés, le statut et le coefficient de classification des salariés concernés. Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors que :
l'employeur a adressé à l'ensemble des sociétés du groupe par courriels des demandes générales et abstraites ne comportant aucune indication sur la nature de l'emploi et la classification du poste supprimé, la cour d'appel ayant pu décider qu'elles n'étaient pas suffisamment détaillées pour assurer l'effectivité de la recherche de reclassement (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-15.565 F-D) ;
l'employeur a recherché un reclassement par courriel adressé aux sociétés du groupe, ces sollicitations étant d'ordre général et ne mentionnant pas la qualification des salariés concernés (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-15.559 F-D).
La faute de l'employeur à l'origine des difficultés économiques de l'entreprise est de nature à priver de cause réelle et sérieuse le licenciement consécutif à ces difficultés. Ayant constaté que, si les difficultés économiques invoquées par l'employeur dans les lettres de licenciement étaient établies, elles étaient consécutives à une cessation partielle de l'activité résultant d'un arrêté municipal ayant ordonné la fermeture immédiate de la partie camping de l'établissement installée sans autorisation dans une zone interdite, cette décision d'installation relevant de la compétence et de la responsabilité des dirigeants de la société, la cour d'appel a pu décider que la cessation partielle d'activité à l'origine des difficultés économiques rencontrées par la société résultait d'agissements fautifs de l'employeur (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-10.654 F-D).
Le fait que la cessation d'activité de l'entreprise résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d'invoquer l'existence d'une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Les agissements frauduleux de l'employeur sont en partie à l'origine de la cessation d'activité lorsque ses dirigeants ont effectué des virements avant la mise en liquidation pour un montant de 224 000 euros au profit de la société ayant racheté leurs parts sociales et ont commercialisé des marchandises appartenant à la société au profit d'autres entités (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-19.811 F-D).
Une cour d'appel ne peut pas décider que le salarié peut se prévaloir de la protection résultant de son mandat extérieur à l'entreprise de conseiller du salarié sans constater que l'employeur avait connaissance de ce mandat, laquelle ne peut pas résulter du seul fait qu'il a assisté un salarié de l'entreprise lors de l'entretien préalable au licenciement de ce dernier (Cass. soc. 29-5-2024 n° 23-10.753 F-D).
Représentation du personnel
L'employeur privé n'est pas tenu, à l'expiration du détachement à son terme normal, de solliciter une autorisation administrative de mettre fin au contrat de travail le liant au fonctionnaire détaché bénéficiant du statut protecteur, sauf lorsqu'il s'est opposé au renouvellement du détachement demandé par le fonctionnaire, ou que ce non-renouvellement est dû à son fait (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-17.667 F-B).
A défaut d'accord ou de dispositions conventionnelles applicables aux déplacements des représentants du personnel, les frais engagés par le représentant du personnel pour se rendre aux réunions organisées à l'initiative de l'employeur doivent lui être remboursés par celui-ci, quelle que soit la solution retenue par le salarié pour ce déplacement dès lors que celle-ci est exempte d'abus. Une cour d’appel ne peut pas rejeter les demandes d’un salarié de prise en charge des frais de déplacement pour se rendre à des réunions organisées par l’employeur sans rechercher, d'une part, si la procédure de remboursement des frais de déplacement des représentants du personnel résultait d'un accord d'entreprise ou de dispositions conventionnelles et si, en l'absence de telles dispositions, les déplacements du salarié, en qualité de représentant du personnel, avec son véhicule pour se rendre à des réunions organisées à la demande de l'employeur caractérisaient un abus de la part du salarié, d'autre part, si l'absence de prise en charge par la société des frais litigieux obéissait aux mêmes conditions que celles régissant les autres représentants du personnel de l'entreprise (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-16.433 F-D).
Lorsqu'en vertu d'un accord d'entreprise, les consultations récurrentes ressortent au seul comité social et économique central, le comité social et économique d'établissement ne peut procéder à la désignation d'un expert à cet égard (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-23.690 F-D).
Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. Le syndicat, qui poursuit le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d'une discrimination syndicale, de sorte que la violation invoquée des dispositions relatives à l'interdiction de toute discrimination syndicale est de nature à porter un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, est recevable en son action (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-16.433 F-D).
Si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles, notamment pour demander l'application d'une convention ou d'un accord collectif et demander l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à un rappel de salaire pour régulariser la situation individuelle d'un salarié au regard de sa classification conventionnelle, une telle action, qui ne posait aucune question de principe, ne relevant que de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts. Dès lors que la société avait « sous-classé » le salarié en appliquant les coefficients de rémunération de la convention collective nationale des jardineries et graineteries, le syndicat n'établissait pas que ce sous-classement individuel avait causé un préjudice à l'intérêt collectif des salariés (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-19.811 F-D).
Négociation collective
La dénonciation d'un accord collectif ne peut pas être implicite. La modification par voie de décision unilatérale de l'employeur, après l'échec des négociations collectives, d'un régime d'assurance complémentaire « frais de santé », instauré par voie d'accord collectif, rendues nécessaires par la mise en conformité avec des dispositions législatives et conventionnelles nouvelles, ne prive pas de cause et ne rend pas dès lors caduc un accord collectif antérieur relatif au cofinancement par les institutions représentatives du personnel de ce régime complémentaire au titre des activités sociales et culturelles (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-23.415 F-B).
Santé et sécurité
Pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur peut seulement, dans le cas d'une rupture pour faute grave, reprocher au salarié des manquements à l'obligation de loyauté. A statué par des motifs hypothétiques et impropres à caractériser l'exercice d'une activité pour le compte d'une entreprise concurrente de l'employeur et partant, un manquement à l'obligation de loyauté, la cour d'appel qui relève que la salariée d'une pharmacie a envisagé de créer sa propre entreprise de naturopathe et a entrepris, durant son arrêt de travail consécutif à son accident du travail, de démarcher un fournisseur de l'officine et une autre officine dans la perspective de cette création (Cass. soc. 29-5-2024 n° 22-13.440 F-D).