Deux époux se sont mariés en Algérie en 1983, où sont nés leurs trois enfants, avant de venir s’installer en France en 1995, dont ils ont acquis la nationalité. Ils s’opposent, après le prononcé de leur divorce, sur la détermination de leur régime matrimonial.
La cour d’appel estime qu’au regard du lieu de leur mariage et de leur premier domicile conjugal, le droit applicable au régime matrimonial des époux est le droit algérien, leur installation en France et le changement de nationalité étant sans incidence. Mais les juges d’appel relèvent aussi leurs déclarations communes contenue dans un acte d’achat d’un bien immobilier et dans un acte de donation entre époux, selon lesquelles ils sont « soumis au régime de la communauté, selon le droit français ». Ils en déduisent que les époux ont, en cours de mariage, désigné leur régime matrimonial comme étant le régime français de la communauté des biens, applicable avec effet rétroactif, comme les y autorise l’article 6 de la convention de La Haye du 14 mars 1978.
Sur pourvoi de l’ex-épouse, la Cour de cassation casse l’arrêt. Cette déclaration, mentionnée dans des actes notariés poursuivant un autre objet, ne traduisait pas la volonté non équivoque des époux de soumettre leur régime matrimonial à une loi interne autre que celle le régissant jusqu’alors et ne pouvait constituer une stipulation expresse portant désignation de la loi applicable.
A noter : la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux ne s’applique qu’aux époux mariés depuis le 1er septembre 1992. Pour les époux mariés antérieurement, les solutions jurisprudentielles antérieures s’appliquent pour désigner la loi applicable à leur régime matrimonial : en l’absence de contrat de mariage, les époux sont présumés avoir choisi la loi de leur premier domicile matrimonial, soit dans notre affaire la loi algérienne (contrairement à ce qu’indique l’arrêt d’appel, le lieu de célébration du mariage est indifférent). Néanmoins, la convention de La Haye s’applique même aux époux mariés avant son entrée en vigueur dans l’hypothèse d’un changement volontaire de la loi applicable au régime matrimonial intervenant après celle-ci. Les époux auraient donc parfaitement pu choisir la loi française. Encore fallait-il qu’il s’agisse d’un véritable choix de leur part, résultant d’une « stipulation expresse » comme le requiert la Convention. Au cas particulier, il s’agissait davantage d’une déclaration faite par les époux au notaire recevant un acte ayant un autre objet (vente immobilière, donation), à l’occasion de l’établissement de celui-ci. Cela ne suffisait pas, selon la Haute Juridiction, à constituer la désignation d’une nouvelle loi pour régir leur régime matrimonial. Il aurait donc fallu que les époux fassent une telle désignation dans un acte spécifique ayant pour seul objet celle-ci, passé devant notaire (la désignation doit revêtir la forme prescrite pour les contrats de mariage par la loi du lieu de passation ou la loi applicable au fond).
David LAMBERT, avocat.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la famille n° 72660 s.